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mais ces qualités, dans Almagro, étaient accompagnées de la franchise et de la générosité d'un soldat; dans Pizarre, elles étaient unies à l'adresse, à la ruse, à la dissimulation d'un politique, à l'art de cacher ses desseins, et à la sagacité qui démêle ceux des autres.

Fernand de Luque était un prêtre, maître d'école à Panama, qui, par des moyens que les historiens ne nous ont pas fait connaître, avait amassé des richesses qui lui firent concevoir l'espérance de s'élever aux plus hauts emplois. Tels étaient les hommes destinés à renverser un des plus grands empires du monde. Leur association fut autorisée par Pédrarias, gouverneur de Panama. Chacun d'eux mit sa fortune en commun pour former le capital de l'entreprise. Le moins riche des trois, Pizarre, ne pouvant fournir autant de fonds que les autres, prit sur lui la plus grande partie de la fatigue et du danger, en se chargeant de commander en personne l'armement destiné au premier voyage et à la première découverte. Almagro devait conduire les renforts de troupes et de provisions dont Pizarre pourrait avoir besoin, et Luque rester à Panama, pour traiter avec le gouverneur, et veiller aux intérêts de la société.

L'enthousiasme religieux se trouve encore ici,

comme chez tous les aventuriers qui se sont signalés dans le Nouveau-Monde, joint à la passion des découvertes, union étrange qui fortifiait l'un et l'autre sentiment! Cette alliance, formée par la cupidité et l'ambition, fut confirmée par les cérémonies les plus solennelles de la religion. Luque célébra la messe, partagea l'hostie consacrée en trois parties, pour lui et ses deux associés, et un contrat, qui avait pour objet le pillage et le meurtre, fut ratifié au nom du Dieu de paix (1).

La force de leur premier armement ne répondait pas à la grandeur de l'entreprise. Pizarre partit de Panama, avec un seul bâtiment, trèsfaible encore, et cent douze hommes; mais c'était Pizarre. Les Espagnols connaissaient si peu la mer de cette partie de l'Amérique, que le temps pris pour le départ se trouva être le moins favorable de toute l'année, les vents réglés, qui soufflaient alors, étant directement contraires à la route qu'ils avaient à tenir.

Après avoir louvoyé pendant plus de deux mois avec beaucoup de danger et de fatigue, Pizarre n'avait pas fait plus de chemin vers le sud-est, que n'en ferait aujourd'hui un bon navi

(1) HERRERA.

gateur en trois jours. Il toucha en beaucoup d'endroits de la côte de Terre-Ferme; mais il trouva partout le pays désagréable que ses prédécesseurs avaient décrit; les terrains bas inondés les rivières, les plus hauts couverts de bois impénétrables; peu d'habitans, mais d'une bravoure décidée.

par

La faim, la fatigue, les combats fréquens avec les indigènes, et, par dessus tout, les maladies propres aux pays humides concouraient à affaiblir sa petite armée. Le courage du chef soutint quelque temps celui de sa troupe, quoiqu'on n'aperçût rien qui pût faire découvrir ces contrées abondantes en or, où il leur promettait de les conduire. A la fin, il fut obligé d'abandonner cette côte sauvage, et de se retirer à Cuchama, vis-à-vis des îles des Perles, où il espérait recevoir de Panama un renfort et des provisions.

Almagro, de son côté, ayant fait voile de ce port avec soixante-dix hommes, s'était dirigé droit vers la partie du continent où il pouvait trouver son associé. Il avait débarqué son monde; mais, repoussé dans un combat opiniâtre contre les Indiens, dans lequel il perdit un œil, il fut forcé de se rembarquer. Le hasard conduisit les Espagnols au lieu où Pizarre s'était retiré. Ils se consolèrent mutuellement, en se contant leurs aven

tures, et en comparant les souffrances qu'ils avaient éprouvées.

Comme Almagro s'était avancé jusqu'à la rivière de Saint-Jean, dans le Popayan, où l'aspect du pays et des habitans lui avait paru moins dé courageant, ce rayon d'espérance fut suffisant pour déterminer ces hommes ardens à ne pas abandonner leur projet, malgré tout ce qu'ils avaient déjà souffert en voulant en suivre l'exé

cution.

Almagro retourna à Panama, pour y recruter quelques troupes. Mais ce que Pizarre et lui avaient éprouvé de pertes, donna à ses compatriotes une si mauvaise opinion de son entreprise, que ce fut avec beaucoup de difficulté qu'il parvint à lever quatre-vingts hommes (*).

Tout faible que fût ce renfort, ils n'hésitèrent pas à reprendre leur opération. Après avoir essuyé les mêmes calamités que dans leur première expédition, une partie de l'armement toucha à

(*) On peut facilement se former une idée de ce qu'ils eurent à souffrir, et de l'insalubrité des pays qu'ils parcoururent, par la mortalité extraordinaire qui régna parmi eux. Pizarre conduisit avec lui cent douze hommes, et Almagro soixante-dix: il en mourut cent trente en moins de neuf mois, et peu de la main de l'ennemi; presque tous périrent de maladie.

XERÉS.

la baie de Saint-Matthieu, sur la côte de Quito, et, débarquant à Tacames, au sud de la rivière des Émeraudes, ils reconnurent une contrée plus unie et plus fertile qu'aucune de celles qu'ils avaient vues jusque là sur les côtes de la mer du Sud, et trouvèrent les habitans vêtus d'étoffes de laine et de coton, et parés de différens ornemens d'or et d'argent.

Cependant, malgré ces apparences favorables, exagérées encore par la vanité de ceux qui en rendaient compte, et par l'imagination de ceux à qui on les présentait, Pizarre et Almagro n'osèrent pas tenter d'envahir un pays si peuplé avec une poignée d'hommes affaiblis par la fatigue et les maladies. Ils se retirèrent à la petite île Gallo, où Pizarre demeura avec une partie de ses troupes, tandis que son associé retourna à Panama dans l'espérance d'en ramener un renfort assez considérable pour prendre possession de la fertile et riche contrée, dont l'existence n'était plus douteuse à leurs yeux.

Quelques-uns des aventuriers, moins entreprenans et moins hardis que leurs chefs, avaient envoyé secrètement à leurs amis de Panama des relations lamentables de leurs souffrances et de leurs pertes. Almagro fut mal reçu de Pedro de Los Rios, qui avait succédé à Pedrarias.

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