Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

forces proportionnées à l'entreprise hasardeuse qu'il méditait.

Il prit à son retour, dans l'intention d'acquérir une connaissance plus étendue de l'isthme, une route différente de celle qu'il avait suivie en allant, et dans laquelle il n'éprouva pas moins de difficultés et de dangers que dans la première; mais il n'est rien d'insurmontable pour des hommes qu'animent l'espérance et le succès. Balboa revint à Santa-Maria, après une absence de quatre mois, rapportant plus de gloire et de richesses que les Espagnols n'en avaient encore acquis dans aucune de leurs expéditions au NouveauMonde.

Parmi les officiers qui l'avaient accompagné, nul ne s'était plus distingué que François Pizarre, et il n'y en eut aucun qui déploya plus de courage et d'ardeur pour aider Balboa à s'ouvrir une communication vers ces contrées, où nous le verrons bientôt jouer lui-même un rôle si glorieux.

Quelle fatalité s'attache donc à la destinée des héros? Il est humiliant pour l'humanité qu'on n'ait jamais à parler d'un grand homme, sans avoir à parler des complots de l'envie. Tant et de si importans services rendus à l'Espagne seront payés de la plus noire ingratitude, et le règne de Ferdinand, après avoir eu à rougir

des fers de Colomb, aura encore à supporter la honte ineffaçable de voir Balboa tomber sous la hache des bourreaux.

Le premier soin du guerrier qui venait de soumettre à sa patrie une mer jusqu'alors inconnue, fut d'envoyer en Espagne les détails de l'importante découverte qu'il venait de faire, et de demander un renfort de mille hommes pour tenter la conquête de cette riche contrée, sur laquelle il avait reçu des instructions si encourageantes.

Le premier avis de la découverte du NouveauMonde ne causa peut-être pas une joie plus grande que cette nouvelle inattendue, qu'on avait enfin trouvé un passage au grand océan méridional. On ne douta plus qu'il n'y eût une communication avec les Indes orientales, par une route qui était à l'ouest de la ligne de démarcation tracée par le pape.

Les trésors que le Portugal tirait, chaque jour, de ses établissemens et de ses conquêtes en Asie, étaient un sujet d'envie et un objet d'émulation pour les autres puissances. Aussi Ferdinand se flatta-t-il, dès lors, de l'espoir de partager ce commerce lucratif, et, dans l'empressement qu'il avait d'atteindre ce but, il était disposé à faire un effort supérieur à ce que Balboa demandait. Mais, dans cette disposition même, on reconnut

les effets de la politique jalouse qui le guidait, ainsi que de la funeste antipathie de Fonseca, alors évêque de Burgos, pour tout homme de mérite qui se distinguait dans le Nouveau-Monde.

Croira-t-on que, malgré les services récens de Balboa, qui le désignaient comme l'homme le plus propre à achever la grande entreprise qu'il avait commencée, Ferdinand fut assez peu généreux pour n'en tenir aucun compte, et pour nommer gouverneur du Darien, Pedrarias d'Avilla, à qui il confia le commandement en chef de quinze vaisseaux et de douze cents soldats? Rien n'est plus vrai cependant, et l'histoire l'atteste d'une manière trop solennelle, pour qu'il soit permis d'en douter.

Ces bâtimens furent équipés et armés aux frais du public, avec une magnificence que Ferdinand n'avait encore montrée dans aucune des expéditions destinées pour l'Amérique, et telle fut l'ardeur des gentilshommes espagnols pour suivre un chef qui devait les conduire dans un pays où, suivant le bruit de la renommée, ils n'auraient qu'à jeter leurs filets dans la mer (1) pour en tirer de l'or, que quinze cents d'entre eux s'embarquèrent à bord de la flotte, et qu'un plus grand nom

(1) HERRERA.

bre de volontaires se seraient engagés pour cette expédition, si l'on avait voulu les recevoir (1).

Parvenu au golfe du Darien, sans aucun accident remarquable, Pedrarias envoie à terre quelques-uns de ses principaux officiers, pour informer Balboa de son arrivée, avec la commission du roi, qui le nommait gouverneur de la colonie.

Ces députés, qui avaient entendu parler des exploits de cet illustre marin, et qui s'étaient formé les plus hautes idées de ses richesses, furent bien étonnés de le trouver couvert d'une simple camisole de coton sur sa chemise, en caleçon et des souliers de corde aux pieds, faisant couvrir une assez méchante case qui lui servait de demeure ordinaire.

Ce fut sous ce vêtement plus que modeste, qui répondait si peu à l'attente de ses nouveaux hôtes, que Balboa les reçut avec dignité.

La renommée de ses découvertes avait attiré près de lui un si grand nombre d'aventuriers des différentes îles, qu'il pouvait rassembler, à l'instant, quatre cent cinquante hommes en armes. A la tête de ces hardis vétérans, il aurait été en état de résister à Pedrarias et à sa troupe; mais, quoique ses compagnons murmurassent

(1) P. MARTYR.

hautement de l'injustice du roi, et se plaignissent que des étrangers voulussent recueillir le fruit de leurs travaux et de leurs succès, Balboa se soumit aveuglément à la volonté de son souverain, et reçut Pédrarias avec tous les égards dus au caractère officiel et à la dignité dont il était revêtu.

Il était dans la nature des choses que la division se mît bientôt entre Balboa et le nouveau gouverneur; aussi la mésintelligence tarda-t-elle peu à éclater entre eux. Quoique Pedrarias dût à cette modération de celui qu'il venait de supplanter, la possession paisible de son gouvernement, il nomma un comité chargé de faire des informations judiciaires sur la conduite de Balboa, pendant qu'il était aux ordres de Nicuessa et d'Enciso, et lui imposa une amende considérable pour réparation des fautes dont ses juges le trouvèrent coupable.

Balboa sentit vivement l'humiliation de se voir soumis à une procédure, et condamné à un châtiment dans le lieu même où il venait d'occuper le premier rang. D'un autre côté, Pedrarias ne pouvait cacher la haine qu'excitait en lui le mérite supérieur de Balboa, de sorte que le ressentiment de l'un et la jalousie de l'autre furent une source de divisions funestes à la colonie. Les ma

« ZurückWeiter »