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vivres avait causé tant de désastres, le premier soin devait être d'obtenir des subsistances par la culture, et l'on y faisait passer un grand nombre de cultivateurs. Enfin, comme les Espagnols ne pensaient alors à tirer aucun profit de la multiplication et de la vente de ces productions du Nouveau-Monde, qui ont depuis été pour l'Europe la source de tant de richesses, et comme toutes leurs vues et toutes leurs espérances se portaient sur les métaux précieux que les mines déjà découvertes devaient leur fournir, on envoyait une troupe d'ouvriers habiles dans l'art d'extraire et de laver le minérai. Le trésor royal devait aussi pendant quelques années subvenir à l'entretien et à la subsistance de tous ces émigrans (1).

Jusque là ces dispositions étaient sages, et convenables à l'objet qu'on avait en vue; mais on prévoyait qu'il serait difficile de trouver beaucoup d'Espagnols qui voulussent aller s'établir dans un pays dont le climat avait été funeste à un si grand nombre de leurs compatriotes. Colomb proposa de transporter à Hispaniola, et de faire travailler aux mines les malfaiteurs qu'on condamnait aux galères, ou même à la mort, lorsque

(1) HERRERA.

les crimes dont ils étaient convaincus n'étaient pas d'une nature atroce.

Cet avis ouvert sans beaucoup de réflexion, fut adopté de même. On vida les prisons d'Espa-. gne pour peupler la colonie, et les juges, étrange et fatal abus de l'arbitraire, qui depuis n'a que trop souvent été imité, même en France! furent autorisés à condamner, en certains cas, à la déportation.

Il était pourtant aisé de voir que ce n'est pas sur une pareille base qu'on peut élever l'édifice d'une société durable. L'industrie, la sobriété, la patience, la confiance mutuelle entre les colons, sont d'une nécessité indispensable dans un établissement naissant, où la bonté des mœurs doit contribuer au maintien de l'ordre, beaucoup plus que la force et l'autorité des lois. Cette corruption, une fois introduite dans le corps politique, ne pouvait manquer de l'infecter bientôt dans toute sa masse, et de produire les plus grands maux. C'est ce que les Espagnols éprouvèrent, et ce qu'ont éprouvé aussi les autres nations européennes qui, ayant successivement commis la faute d'adopter cette pratique, injuste et coupable sous plus d'un rapport, en ont ressenti de funestes effets, qu'elles ne peuvent attribuer à aucune autre cause.

Quoique Colomb eût obtenu promptement et sans peine de Ferdinand et d'Isabelle leur approbation pour toutes les parties du plan qu'il avait proposé, lorsqu'il fallut le mettre à exécution, il essuya des retardemens qui auraient lassé la patience d'un homme moins accoutumé que lui à rencontrer des difficultés et à les surmonter.

Ces délais furent en partie l'effet de cette lenteur et de ces formes fastidieuses que les Espagnols mettent dans toutes les affaires, et, en partie, de l'épuisement où se trouvaient les finances, par les dépenses excessives qu'avaient occasionées le mariage du fils unique de Ferdinand et d'Isabelle, avec Marguerite d'Autriche, et celui de Jeanne, leur seconde fille, avec l'archiduc Philippe (1); mais ce fut surtout l'ouvrage des artifices et de la méchanceté des ennemis de Colomb.

à son

Ètonnés du bienveillant accueil que cet illustre navigateur avait reçu de ses souverains, retour, ces mêmes ennemis, contenus par sa présence, avaient laissé passer le flot de la faveur, contre lequel ils sentirent qu'il leur était impossible de lutter; mais leur haine était trop profonde pour demeurer oisive. Ils reprirent

(1) P. MARTYR.

bientôt courage, et, aidés du secours de Fonseca, ministre des affaires de l'Inde, qui venait d'être fait évêque de Badajos, ils traversèrent par tant d'obstacles les préparatifs de Colomb, qu'il s'écoula une année entière avant qu'il pût obtenir deux vaisseaux pour porter à sa colonie une partie des secours qu'on lui destinait, et presque deux ans avant que la petite escadre dont il devait prendre le commandement en chef fût en état de mettre à la voile (1).

Quoi qu'il en soit, Colomb a levé l'ancre, et, des Canaries, où il touche, trois des six vaisseaux qui composent sa flotte cinglent vers Hispaniola. Gagnant ensuite les îles du Cap-Vert, il continue sa route au sud. Arrivé à cinq degrés en deçà de la ligne, un calme plat l'arrête; le vent a cessé de fraîchir, et, suspendues aux vergues, les voiles tombées sur les mâts couvrent le pont; la chaleur est telle que les tonneaux éclatent ou laissent fuir le liquide qu'ils contiennent, et que les provisions se gâtent (*).

Jamais les Espagnols ne s'étaient avancés si

(*) ROBERTSON. Ibi malaciis et ardoribus adeò oppressus fuit, ut ferè navigia Columbi incenderentur : cadorum circuli crepabant et rumpebantur; aqua dispergebatur; homines eos æstus sufferre nequibant.

(1) HERRERA.

P. MARTYR.

loin au sud : étonnés d'un état de choses qu'ils n'ont pas soupçonné, ils craignent que les vaisseaux ne prennent feu, et se rappellent avec effroi ce qu'ont dit de la Zone-Torride les anciens, qui la croyaient inhabitable. Heureusement des pluies abondantes tombent à propos pour les rassurer; mais elles diminuent peu la violence de la chaleur, quoiqu'elles soient continuelles, et qu'on puisse difficilement se tenir sur le pont.

L'amiral, qui avait dirigé toutes les manœuvres du voyage avec son sang-froid et sa vigilance ordinaires, se trouva si épuisé par la fatigue et le défaut de sommeil, qu'il fut saisi d'un violent accès de goutte, accompagné de fièvre. Ces circonstances le forcèrent à céder aux instances des équipages, et à changer sa route, pour porter au nord-ouest, et toucher à quelqu'une des îles Caraïbes, où il pourrait se réparer, et prendre quelques provisions.

Tel était l'espoir de Colomb, lorsque tout-àcoup une voix forte et sonore se fait entendre: « Terre! Terre!» s'écrie, du haut des hunes, un des gabiers de quart. On gouverne aussitôt vers le point indiqué, et l'on découvre l'île de la Trinité, nom que lui donne l'amiral, et que depuis elle a toujours conservé.

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