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aux dernières extrémités, mais ils reçurent si à propos des secours de la mère-patrie, et trouvèrent tant de ressources dans leur industrie et leur intelligence, qu'ils perdirent peu de monde, tandis que les insulaires, victimes infortunées de leur politique irréfléchie, confinés dans des montagnes stériles, sans autre nourriture que les productions spontanées de la terre, sentirent bientôt toutes les horreurs de la famine, que suivirent des maladies contagieuses, et périrent misérablement après avoir éprouvé tous les genres de calamités.

Pendant que Colomb jetait ainsi les fondemens de la grandeur espagnole dans le Nouveau-Monde, ses infatigables ennemis travaillaient à le priver de la gloire et des récompenses auxquelles ses services et ses travaux lui donnaient tant de droits. Les difficultés qui accompagnent toujours un nouvel établissement, les maladies causées par un climat malsain, les malheurs attachés à un voyage dans des mers inconnues, tout fut représenté comme les effets immédiats d'une imprudente et inquiète ambition; son attention à conserver la discipline et la subordination fut appelée rigueur excessive, et l'on traita d'actes de cruauté les châtimens dont il avait puni la mutinerie et le désordre; enfin le résultat de ces

diverses accusations auprès d'une cour ombrageuse, fut la nomination d'un commissaire chargé de se transporter à Hispaniola et d'y examiner la conduite de Colomb.

Les ennemis de ce grand homme obtinrent qu'on confierait cet emploi important à Aguado, valet de chambre de Ferdinand, qu'ils proposérent, bien moins pour sa capacité que pour son dévouement à leurs intérêts. Enflé de son élévation subite, Aguado déploya dans l'exercice de son ministère la sotte importance et l'insolence ridicule, ordinaires aux petits esprits et aux hommes qui n'ont aucune élévation dans l'âme, lorsqu'ils se voient revêtus de dignités qu'ils n'osaient espérer, et chargés d'emplois au-dessus de leurs forces (*). Il écouta avidement et les Espa

(*) Que d'Aguado ont pesé sur la France depuis quelques années! En attendant que nous burinions leurs hauts faits dans notre Histoire du règne de Louis XVIII et ses Contemporains, nous appelons l'attention du lecteur sur la note sui

vante :

« Il serait à désirer que ceux qui ont eu part au gouvernement pussent entendre la voix de la postérité, subir la justice historique, recueillir l'éloge ou le blâme qu'ils méritent, apprécier les louanges infectes de leurs adulateurs, connaître les vrais jugemens du public, se voir enfin tels qu'ils sont dans le miroir de l'histoire. »

DUCLOS.

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gnols mécontens et les Indiens eux-mêmes. 11 encouragea les uns et les autres à produire leurs griefs bien ou mal fondés. Il fomenta l'esprit de dissension dans l'île, et ne fit aucun réglement qui pût remédier à des abus dont il voulait faire des crimes à l'administration de Colomb.

Sentant combien sa situation serait humiliante, s'il demeurait plus long-temps dans le pays où un juge si prévenu observait toutes ses démarches et affaiblissait son autorité, Colomb prit la résolution de retourner en Espagne, dans le dessein de mettre sous les yeux de Ferdinand et d'Isabelle un récit exact de tout ce qui s'était passé, surtout dans les démêlés qu'il avait eus avec ses ennemis, espérant obtenir de leur équité et de leur discernement une décision juste et favorable.

Débarqué après une navigation longue et difficile, dans laquelle l'équipage et lui-même furent réduits à six onces de pain par jour pour chaque personne, il parut à la cour avec la confiance tranquille, mais modeste, d'un homme qui se regarde non-seulement comme irréprochable, mais encore comme ayant rendu d'importans services à l'état.

Honteux d'avoir trop facilement écouté des accusations frivoles ou mensongères, Ferdinand

et Isabelle reçurent Colomb avec des marques de considération si distinguées, que ses ennemis demeurèrent couverts de confusion, et que leurs plaintes et leurs calomnies ne furent plus écoutées. L'or, les perles, le coton et d'autres marchandises précieuses que Colomb produisit, parurent réfuter pleinement les propos que les mécontens avaient tenus sur la pauvreté du pays.

En soumettant les Indiens à la couronne, et en leur imposant une taxe régulière, il avait donné à l'Espagne une multitude de nouveaux sujets, et fondé pour elle un revenu qui paraissait devoir être considérable. Les mines qu'il avait trouvées étaient une autre source de richesses encore plus abondante, et, quelque solides que fussent ces avantages, Colomb les représentait seulement comme des préludes à d'autres acquisitions, et comme un garant de découvertes plus importantes qu'il méditait, et auxquelles les précédentes devaient infailliblement le conduire (*).

Attentivement méditées, ces considérations firent une impression visible, et sur Isabelle, qui se trouvait flattée d'être la protectrice de toutes les entreprises de Colomb, et sur Ferdinand, qui, ayant rejeté d'abord ses projets, était par

(*) Vie de Chr. Colomb

cela même plus disposé à se défier de leur succès. L'un et l'autre se déterminèrent à pourvoir la colonie d'Hispaniola de tout ce qui était nécessaire pour en achever l'établissement, et à donner à Colomb une nouvelle escadre pour aller à la recherche des autres pays dont il regardait l'existence comme incontestable.

Les préparatifs de ce nouvel armement se firent de concert avec l'amiral. Le premier voyage n'avait eu pour objet que la découverte du Nouveau-Monde; dans le second, on s'était proposé de faire un établissement; mais les mesures prises pour le former avaient été insuffisantes ou rendues inutiles par l'esprit de mutinerie des Espagnols et par des accidens imprévus, effets de différentes causes. On voulait dresser et suivre un nouveau plan pour une colonie régulière, qui pût servir de modèle à tous les établissemens semblables qui se feraient dans la suite.

Chaque article fut pesé et réglé avec une attention scrupuleuse. On fixa le nombre des colons qui s'embarqueraient. Il y en avait de tous les ordres et de toutes les professions, et le nombre en était déterminé d'après l'utilité de chaque classe et les besoins de la colonie. On devait aussi emmener des femmes. On s'était convaincu que, dans un pays où la disette de

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