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l'étonnement des Européens. Le voyage fut heureux, et l'on avait déjà fait cinq cents lieues sur la mer Atlantique, lorsque des vents violens commencèrent à s'élever, et, continuant de s'accroître, causèrent un ouragan terrible.

Tout ce que l'expérience et l'habileté de Colomb purent lui fournir de ressources pour sauver ses vaisseaux fut employé; mais il était impossible de résister à la violence de la tempête, et, comme on était encore loin de toute terre, la perte de l'escadre semblait inévitable. Les matelots, suivant l'usage, eurent recours aux prières, à l'invocation des saints, aux voeux, aux charmes même, enfin à tout ce qu'une religion superstitieuse peut dicter ou suggérer dans les dangers extrêmes; mais ces moyens étant sans effet, et les Espagnols se croyant perdus sans ressource, on les vit s'abandonner au désespoir, et s'attendre à chaque moment à être engloutis par les flots.

Outre ces passions naturelles qui agitent le cœur de l'homme dans d'aussi déplorables situations, et lorsque la mort se présente sous les formes les plus effrayantes, Colomb était en proie à des sentimens plus douloureux encore, et qui lui étaient personnels. Il craignait que l'étonnante découverte qu'il venait de faire ne pérît avec lui, et que le genre humain ne fût privé de tous les

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avantages qui pouvaient en être les fruits. Son nom allait passer à la postérité, comme celui d'un aventurier imprudent et trompé, au lieu de le consacrer dans la mémoire des hommes comme l'auteur de la plus belle entreprise qui jamais eût été conçue.

Ces désolantes réflexions étouffaient en lui le sentiment même du danger présent. Moins touché de la perte de sa vie qu'occupé à conserver le souvenir des grandes choses qu'il avait tentées et exécutées, il se retira dans sa chambre, et écrivit sur du parchemin un récit abrégé de son voyage, de la route qu'il avait suivie, de la situation et de la richesse des pays qu'il avait découverts, et de l'établissement de la colonie qu'il y avait laissée. Ayant ensuite enveloppé son écrit d'une toile cirée, il l'enferma dans une espèce de gâteau de cire, qu'il mit dans un tonneau bouché avec beaucoup de soin, et qu'il jeta à la mer, espérant que quelque accident heureux sauverait un dépôt si précieux au monde.

Enfin la Providence vint à son secours et sauva une vie réservée à d'autres événemens du plus haut intérêt. Le vent tomba, la mer se calma, et Colomb, qui ne s'arrêta que cinq jours à Lisbonne, entra dans le port de Palos, sept mois et onze jours après son départ de ce même endroit.

Aussitôt qu'on découvrit son vaisseau, tous les habitans coururent au rivage pour embrasser leurs parens et leurs compatriotes, et savoir des nouvelles de leur voyage; mais lorsqu'ils apprirent l'heureuse issue de l'expédition, lorsqu'ils virent des hommes extraordinaires amenés par Colomb, des animaux inconnus et des productions singulières des pays dont jusqu'alors on n'avait pas même soupçonné l'existence, l'effusion de la joie fut générale et ne put se contenir; on sonna toutes les cloches, on tira le canon.

Colomb, en débarquant, fut reçu avec les mêmes honneurs qu'on aurait rendus au Roi. Tout le peuple, en procession solennelle, l'accompagna, lui et sa troupe, à l'église, où l'on remercia Dieu d'avoir couronné d'un plein succès le voyage le plus long et le plus important qui eût jamais été entrepris.

Également étonnés et ravis d'un résultat sur lequel ils ne comptaient presque plus, Ferdinand et Isabelle, qui se trouvaient alors à Barcelone, répondirent à la lettre que leur avait adressée Colomb, de la manière la plus honorable et la plus flatteuse, et lui mandèrent de se rendre sur-lechamp auprès d'eux, voulant apprendre de luimême le détail de son expédition, et les circonstances du service signalé qu'il venait de rendre.

L'entrée de Colomb dans Barcelone se fit, par ordre du roi et de la reine, avec tout l'appareil convenable à un événement qui allait donner à leur règne un si grand lustre. On contemplait avec admiration cet homme extraordinaire, dont le génie et le courage avaient conduit les Espagnols au travers de mers inconnues, à la découverte d'un monde nouveau.

Ferdinand et Isabelle le reçurent, assis sur leur trône, revêtus de tous les ornemens royaux, et placés sous un dais magnifique. A son approche ils se levèrent, et, ne permettant pas qu'il se mît à genoux pour leur baiser la main, ils lui ordonnèrent de s'asseoir sur un siége préparé pour lui, et de leur exposer les détails de son voyage, ce qu'il fit avec une gravité également convenable au caractère de la nation espagnole, et à la dignité de l'assemblée, et en même temps avec la modeste simplicité d'un esprit supérieur, qui, content d'avoir exécuté de grandes choses, ne cherche pas à les relever par une vaine os

tentation.

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DE L'AMÉRIQUE (*), AVANT ET APRÈS SA
DÉCOUVERTE.

Vingt-six ans s'étaient écoulés depuis que, tout entier à ses projets, et cédant à l'impulsion de son génie, Christophe Colomb avait conduit les Européens dans le Nouveau-Monde, et pendant ce laps de temps les Espagnols avaient été occupés à en parcourir différentes régions. Ils avaient visité toutes les îles dispersées en groupes à travers cette partie de l'Océan qui se trouve entre le continent septentrional (**) et le

Mundi terminum Thulen insulam antiqui cosmographi constituerunt, additæ huic à posterioribus GROENLANDIA et FRISLANDIA, nota nomina Gothicis temporibus: ætas posterior quartam Orbis partem antè istas insulas reperit, Americamque vocavit, ab Americo Vespucio, qui tamen non primus, sed post Columbum eò navigavit, quà Paria, et Brasilia Eoum spectant. Earum terrarum latè surgentium Regna varia, Populi innumeri, portuosi Sinus, ingentia Flu mina, MORISOT., ORB. MARIT.

(**) Ad Arcton salubres insulas esse, sed sinè nomine memorantur. Ab Arcto ad Æquinoctialem Circulum, quà Septentrionalis America Occidenti obtenditur, Insulæ istæ sunt: PASSERUM GERMANÆ duæ, super quas Tropicus Cancri currit, sicut et super BOLCANAS, hoc est, Giruosas sivè Sinuosas.

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