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Slaves de Novogorod, et les Russes, sous celui de Rouff de Kiof.

Quoique la marine russe n'ait guère été connue en Europe que sous Pierre le Grand, qu'elle pourrait même, en quelque sorte, regarder comme son fondateur, nous remonterons les siècles, et nous arriverons à la preuve que, bien avant la fondation de Saint-Pétersbourg, les Russes ont armé et combattu sur mer.

Les premiers succès d'Oleg ne sont que les premiers pas d'une ambition trop vaste pour se renfermer dans une enceinte de cabanes rustiques, et trop avide pour se contenter des tributs imposés aux peuples qu'elle a soumis. L'idée et le désir des richesses l'enflamment et lui montrent, en perspective, une meilleure fortune : la prise de Constantinople devient l'objet de ses vœux, et bientôt le Bosphore sera le théâtre sanglant de ses exploits. Mais, comment parviendra

que l'on soit modeste sur ce point. Combien de maisons illustres seraient peut-être dans le cas de rougir! Tous les peuples aujourd'hui policés ont été sauvages, et les peuples sauvages sont destinés par la nature à devenir policés. Si vous dites aux Russes: « Cachez vos titres, ils sont écrits avec du sang ; » ils vous répondront : « Quel est le trône dont la justice pût visiter les fondemens sans l'ébranler ? »

Hist. de Russie.

t-il à ce détroit sur lequel domine la ville des Césars, que les Russes appellent Tzargrad? Comment? L'énergie des pirates est capable de tout entreprendre et de tout exécuter. La cupidité est leur tactique, l'ardeur du butin nourrit leur vigueur; elle leur donne à la fois l'excès de tous les sentimens et le délire de toutes les passions: en faut-il davantage pour exécuter des choses qui, souvent, ne paraissent pas vraisemblables?

A toutes les époques du monde, la fureur des conquêtes a donné lieu à des prodiges. Oleg était varége d'origine, et les Varéges habitaient les côtes de la mer Baltique, antérieurement mer Varégienne. Ce peuple s'étendait depuis la Finlande jusqu'à l'Oder. Les Varéges pirataient continuellement sur des bâtimens légers, ravageaient les lisières des côtes, et dépouillaient tous ceux qui manquaient de force ou de courage pour se défendre. Cette espèce de cabotage hostile leur avait donné quelques connaissances de la navigation, et un goût décidé pour le métier de corsaire, métier aussi noble, aussi héroïque alors, comme nous l'avons fait remarquer en parlant des Danois, que celui des lions de la plaine et des autres bêtes féroces qui ont désolé et désoleront encore la pauvre humanité.

Toutefois, les Russes ne pouvaient parvenir à

Constantinople, que par des travaux plus grands et plus réels que ceux d'Hercule, et qu'à travers une foule d'écueils et de dangers inexprimables : ils ne pouvaient entrer dans le Pont - Euxin que par le Dnieper ou Boristhène.

Ce fleuve prend sa source dans un marais de la forêt Volkonski, à vingt verstes de Smolensk. Après avoir formé un grand nombre de détours, traversé la Lithuanie, la petite Russie, le pays des Kosaks Zaporotsky, et parcouru un espace de deux cent milles, il forme un liman ou lac marécageux, long de soixante verstes (*), et se jette dans la mer Noire, entre Otchakoff et Kinbourn.

Un historien moderne a dit que ce fleuve avait sept écueils dans un espace de quinze lieues. Le Boristhène a treize cataractes (parogui), dans le cours de soixante verstes, qui forment douze lieues de France. Les Kosaks, qui ne sont pas éloignés de ces cataractes, en ont pris le nom : ils ne peuvent les traverser que sur des bateaux vides.

(*) La mesure itinéraire de Russie est la verste, composée de cent cinquante toises ou sagènes. Une sagène a trois archines, ou sept pieds d'Angleterre. Cent quatre verstes, cent trente-une sagènes, une archine et 7 verchok, forment un degré de l'équateur. Ainsi, il faut compter cinq verstes par lieue de France.

LE CLERC.

On va voir comment Oleg franchira ces écueils, à la tête de quatre-vingt mille combattans.

Oleg laisse Igor à Kiof. Deux mille barques, plus ou moins grandes, forment tout son armement. Les soldats qui les montent sont exposés nuit et jour à toutes les injures de l'air; à peine ont-ils assez de place pour se coucher. On s'embarque comme les sauvages, sans crainte de manquer, sans soin de se conserver, exposé aux cruelles extrémités de la faim et des maladies, aux attaques renaissantes des Petchénégui et d'autres barbares, sur des chemins aussi scabreux que les parages.

La flotte descend le Boristhène jusqu'aux cataractes. Ici commence la nécessité d'employer des forces inconnues à la nature. On est obligé de décharger les barques, et de les pousser ensuite sur les rochers à force de bras et de leviers.

On hasarde tout, et l'on tire de la détresse un courage incroyable. Après avoir franchi les trois premiers écueils, les Russes portent leurs provisions pendant six mille pas, au risque d'être dépouillés par des ennemis implacables : cette audace extraordinaire leur réussit; ils passent enfin les treize cataractes et descendent-le fleuve qui resserrant son lit, les rapproche du rivage, les

exposé à de nouveaux dangers, et forme des obstacles à leur course.

Échappés de tous ces périls, ils parviennent à l'embouchure du Boristhène. Mais leurs barques ont souffert, elles ont besoin de radoub : la flotte gagne une île située entre la pointe d'Otchakoff et celle de Kinbourn; on y radoube, en attendant un vent favorable. Il arrive; on en profite, et, parvenues à l'embouchure du Danube, les barques exigent encore les mêmes réparations. On ne perd pas de temps, et, dès qu'elles sont en état, on arrive au détroit si désiré.

De fortes chaînes ferment l'entrée de ce détroit (*) sur lequel domine Constantinople. Ces obstacles, insurmontables pour d'autres hommes que des pirates, sont impuissans contre les Russes. Ils débarquent, tirent leurs bâtimens à terre et fabriquent des roues qu'ils y adaptent: tout cela paraît incroyable, et tout cela est vrai. C'était ainsi qu'ils entraient dans le Danube pour attaquer les Bulgares, ou pour commercer avec les Grecs. Mais ce qui répugne à croire, c'est que la chronique ajoute : « On força ces bâtimens, à l'aide de voiles, à arriver sous les murs de Con

(*) C'est le canal de Constantinople, jadis le Bosphore de Thrace. Dict. Géog.

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