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de considération. Il fallait être conquérant pour éblouir une nation guerrière, et bientôt Darius fut possédé du démon des conquêtes. Ces goûts belliqueux, il les dut à Atosse, qui, pleine d'ambition, et voulant à tout prix arracher Darius à l'espèce d'assoupissement dans lequel il paraissait plongé, saisit un de ces momens où la tendresse d'un époux lui fait recevoir toutes les impressions qu'une femme veut lui donner, et lui représenta qu'à son âge il n'était pas glorieux pour lui de rester oisif; que l'inaction flétrissait son règne; que, chef d'une nation généreuse, il était temps de lui faire connaître qu'il n'avait pas dégénéré de la bravoure de ses prédécesseurs, et qu'enfin la guerre était le métier des rois.

Cédant donc aux insinuations d'Atosse, Darius arme sur terre et sur mer. Sept cent mille hommes, sans compter la cavalerie, sont à l'instant rassemblés, et six cents voiles composent ses forces navales. Les Ioniens, les Eoliens, les habitans de l'Hellespont lui ont fourni des vaisseaux. Parti de Suze, sa capitale, le roi de Perse se met à la tête de ses troupes, et, pour leur faire passer le Bosphore, jette sur ce canal un pont qui s'étend depuis la Chalcédoine jusqu'à Bysance. Montant ensuite sur un de ses bâtimens, il se fait

conduire aux îles Cyanées, écueils à l'entrée du Pont-Euxin, pour considérer à loisir cette mer, qu'un ancien historien (1) assure être longue de onze mille cent stades, et large de trois mille deux cents. Sa curiosité satisfaite, Darius retourna au Bosphore pour voir défiler ses troupes. L'architecte du pont, Mandroclès, de Samos, peignit ce monument sur un tableau qu'il consacra dans le temple de Junon, avec une inscription en vers, et Darius, pour perpétuer le souvenir de ce passage fameux, fit élever des deux côtés du Bosphore deux colonnes en pierre blanche, sur lesquelles on grava les noms de tous les peuples qui composaient son armée.

Malheureux avec les Scythes, Darius obtint les plus brillans succès dans son expédition contre les Indes; mais, toujours occupé du désir de soumettre la Grèce, il ne perdait point de vue la conquête de cette contrée, et des préparatifs de guerre non interrompus, suivis d'hostilités continuelles, rendirent les Grecs et les Perses ennemis irréconciliables. Voulant s'emparer de Milet et de toute l'Ionie, ces derniers levèrent deux armées considérables de terre et de mer. Les Ioniens appelèrent la Grèce entière à leur secours,

(1) HÉRODOTE.

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et de toutes parts on leur expédia des vaisseaux. Comme il s'agissait de défendre Milet, dont les Perses voulaient s'emparer, la flotte confédérée s'assembla à Lade, petite île voisine de cette place. A l'est se trouvaient placés de front les Milésiens, les Priéniens et les Mynsiens, dont les bâtimens combinés étaient de trois cents voiles. Les Teyens,. ceux de Chio, les Érythréens, les Phocéens et les Lesbiens formaient une autre ligne composée de cent trente-huit navires, tandis que les Samiens présentaient à l'est une ligne de soixante vaisseaux.

Forte de six cents voiles que les Phéniciens, les Cypriens, les Égyptiens et d'autres peuples leur avaient fournies, l'armée navale des Perses, malgré la supériorité du nombre, cherchait à temporiser, dans la crainte d'un échec qui aurait décidé de l'empire de la mer entre les deux partis; et peut-être aurait-on vu que cette crainte était fondée, si les Ioniens avaient suivi les avis du chef des Phocéens.

Ce chef, nommé Denis, habile marin, leur fit sentir la nécessité d'instruire les soldats et les matelots avant que de risquer un combat, parce que l'occasion était trop importante pour négliger rien de ce qui pouvait leur assurer l'avantage. Les Ioniens goûtèrent cette proposition, et, pendant sept jours que Denis les exerça, il leur apprit à

manier la rame, et à faire toutes les évolutions et les manœuvres nécessaires, soit pour l'attaque, soit pour la défense; mais les Ioniens, rebutés par tant d'efforts, se dégoûtèrent tout-à-coup, et aimèrent mieux se mettre au hasard d'un combat incertain, que de se livrer à des travaux aussi rudes.

Au lieu donc de se tenir en garde contre l'ennemi, et d'être toujours prêts à repousser l'agression, ils voulurent, par un peu de repos, se dédommager des fatigues qu'ils avaient essuyées dans ces exercices, et sortir de leurs bords pour s'aller rafraîchir dans une île voisine. Les Phéniciens, qui les observaient, paraissant tout-à-coup, les forcèrent à combattre, et les Ioniens, rangés en demi-lune, s'aperçurent bientôt qu'ils avaient affaire à des hommes plus expérimentés qu'eux dans la marine. Voyant qu'ils soutenaient mal le premier choc de l'ennemi, ou, comme on le prétend, gagnés parles Perses, les Samiens préférèrent une prudente retraite à la gloire de périr dans une bataille où leur perte paraissait assurée, et firent voile du côté de Samos, à la réserve de dix vaisseaux, dont les commandans voulurent bien s'immoler pour leurs alliés. Si leur valeur ne fut pas heureuse, elle fut du moins récompensée par les monumens qu'on élevá en leur honneur.

La fuite des Samiens entraîna celle des Lesbiens et la déroute de toute la flotte. Ceux de Chio tinrent seuls avec une opiniâtreté remarquable; ils se jetèrent au milieu des Perses avec une furie qui les étonna, et prirent beaucoup de vaisseaux; mais, obligés de céder au nombre, ils firent une retraite glorieuse et cinglèrent vers Micale. Ceux d'entre eux dont les bâtimens avaient été maltraités pendant l'action les firent échouer, de peur qu'ils ne tombassent au pouvoir des ennemis qui les suivaient, et se sauvèrent par terre; mais, par un accident bizarre, que de si braves gens ne méritaient pas, comme ils approchaient d'Éphèse, au milieu de la nuit, et que les femmes alors célébraient la fête de Cérès, on les prit pour des voleurs et on les massacra.

Si les Perses surent vaincre dans cette circonstance, ils surent également poursuivre leurs succès, car leur flotte soumit l'Ionie, Chio, Lesbos, Ténédos, et se dirigea ensuite vers l'Hellespont dont elle s'assujétit tous les peuples. Effrayés à son approche, les Chalcédoniens et les Bysantins se réfugièrent dans les terres.

Ivre de ses succès, Darius voulut humilier Athènes, et tourner contre la ville de Minerve ses armes victorieuses; mais Mardonius, son gendre, grand seigneur sans expérience, accueilli,

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