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troupes bretonnes et poitevines: sous eux étaient le vicomte de Léon, les seigneurs de Vitré, de Château-Giron, de Goël, de Lohéac; les Angevins, les Flamands, les Manceaux, les Boulonnais, que commandait leur comte; les Tourangeaux et les Nivernais vinrent successivement grossir l'armée du duc, qui comptait dans ses rangs plus de quatre mille gentilshommes dévoués à sa cause, et parmi eux plus de deux cents seigneurs des premières familles du royaume, tels que comtes de Bayeux, de Mortain, de Beaumont, de Montfort, de Tougues, d'Avranches, d'Estouteville, de Senlis, de Jouy, de Longueville, d'Eu, de Gournay, de Harcourt, d'Évreux, d'Aumale, et le vicomte de Coutance, dont le grand âge était de près de quatre-vingts ans.

les

Tous les vaisseaux qui doivent composer la flotte ont mouillé près de Saint-Valery; onze cents bâtimens sont à l'ancre, et n'attendent pour mettre à la voile que ceux qui doivent les monter, et un vent favorable. On a chargé sur les trois plus grands les poutres détachées dont se composent trois forts en bois, que Guillaume a fait construire. On règle ce que chaque navire peut porter d'hommes, de chevaux et de munitions : le partage s'en fait avec la plus rigoureuse égalité. La revue générale que fit le duc de Normandie

de toutes les troupes réunies donna un total de soixante-sept mille combattans, et de près de deux cent mille, tant valets qu'ouvriers et pourvoyeurs; troupe inutile et même embarrassante un jour de bataille, mais dont le nombre pouvait imposer à l'ennemi au moment de la des

cente.

Le jour de l'embarquement est arrêté. La joie et l'espérance brillent du plus vif éclat sur le visage de Guillaume. Toutefois, il n'est pas sans inquiétude, incertain qu'il est, quoiqu'il se le persuade, que le roi de Norwége, pour opérer une diversion en sa faveur, soit descendu sur les côtes de l'Angleterre. Cependant, vainqueur dans un premier combat livré au nord de la GrandeBretagne, le roi de Norwége et le comte de Northumbre s'étaient présentés devant Yorck, avaient emporté cette place d'assaut, et s'apprêtaient à poursuivre leurs succès, lorsque la mort les frappa tous deux dans une bataille que leur livra Harold avec des forces supérieures.

Guillaume attendait depuis huit jours au port de Saint-Valery un vent favorable pour le départ de sa flotte. Ce vent si désiré s'élève et enfle toutes les voiles. Spectacle magnifique, que nulle expression ne peut rendre, et qu'il faut avoir vu pour s'en faire une idée! Onze cents embarcations de

tout rang couvrent la mer, et touchent au même instant la côte de Pevensey.

Suivi de vingt chevaliers, le duc de Normandie saute le premier à terre, et tombe sur les mains. « Bon! dit Guillaume, je prends possession de l'Angleterre (*). » Si la chose est vraie, c'est un trait de présence d'esprit comparable à ceux d'Épaminondas, de Scipion, de César, de Caton, et de quelques autres héros dont l'intrépidité savait expliquer ou braver les augures.

L'armée débarqua en bon ordre, d'abord les archers, ensuite les hommes d'armes. Le duc les rangeait en bataille à mesure qu'ils quittaient les vaisseaux, et ses yeux brillaient d'un feu qui animait les plus timides. Il mangea au centre de l'armée, et voulut qu'elle mangeât en même temps

(*) Un chevalier normand, interprétant la pensée de son souverain, courut à la couverture d'une maison voisine, en prit une poignée de chaume, et, la présentant au duc: «Sire, lui dit-il, je vous ensaisine du royaume d'Angleterre.» En pareille occurrence, un gascon, certes, n'eût pas mieux

fait.

Qu'on nous permette, à propos de présence d'esprit, de citer le trait suivant: M. de Malesherbes, prêt à monter dans la fatale charrette, à une époque d'exécrable mémoire, heurta son pied contre une pierre : « Ceci est de mauvais augure, dit-il, un Romain rentrerait. »

que lui. Le lendemain, on débarqua les vivres, les munitions de guerre et les trois forts en bois, dont il était temps de se servir. Ce fut alors que Guillaume incendia ses vaisseaux, et mit ainsi les siens dans l'alternative de la mort ou de la victoire (*).

S'étant assuré de Pevensey, où il fit placer un de ses trois forts, Guillaume marcha sur Hastings, dont il s'empara. Le second fort fut élevé dans cet endroit, et l'on monta le troisième entre les deux autres, pour défendre et protéger les communications.

Ne voulant pas s'engager témérairement dans le pays, le duc laisse reposer son armée, afin de pouvoir mieux observer les mouvemens de l'ennemi. Il publie deux manifestes, dans lesquels il proteste de la justice de sa cause, et, suivant l'usage, traite d'usurpateur et de parjure son compétiteur au trône. Il assure les peuples de la Grande-Bretagne qu'il vient les visiter en roi et en ami; que son cœur est rempli pour eux de tendresse et de bonté, et qu'il les prie instamment

(*) ANQUETIL. Rapin Thoyras dit au contraire qu'on est obligé d'avouer que le plus grand nombre des auteurs, ceux même qui paraissent être de la meilleure foi, ne font point mention de cet événement plus digne d'un furieux et d'un désespéré, que d'un prince sage et expérimenté.

de ne pas le forcer à tourner contre ses sujets, dont il veut faire le bonheur, des armes destinées à punir un traître.

Guillaume joignait les effets à ces magnifiques paroles : l'armée était soumise à la plus sévère discipline; les soldats ne s'écartaient point pour piller; et cependant, malgré cette sage et irréprochable conduite, tous fuyaient devant cette même armée, tous restaient attachés aux intérêts d'Harold, ministre tout - puissant sous les derniers rois.

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Ce prince ramenait vers Londres les troupes victorieuses du roi de Norwége et du comte de Northumbre, lorsqu'un courrier de la reine, sa femme, lui apprit la descente du duc de Normandie. « J'aurais bien su l'empêcher, si je l'avais prévue, dit-il aux seigneurs qui l'entouraient. Cachant ensuite sa surprise sous un extérieur tranquille et assuré, il hâta la marche de son armée, et donna des ordres pour en augmenter et en remplir les cadres. Arrivé à Londres, il y trouva un moine de Fécamp, qui venait le sommer, de la part du duc de Normandie, de descendre du trône qu'il occupait, et de le restituer à son légitime maître.

Indigné, Harold traita ce moine outrageusement, et envoya un héraut commander au duc

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