COMPLETES DE BOILEAU ACCOMPAGNÉES DE NOTES HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES ET PRÉCÉDÉES D'UNE ÉTUDE SUR SA VIE ET SES OUVRAGES PAR A: CH. GIDEL Professeur de rhétorique au Lycée Bonaparte, lauréa. de l'Académie GARNIER FRÈRES, LIBRAIRES-ÉDITEURS 6, RUE DES SAINTS PÈRES M DCCC LXXII ŒUVRES COMPLÈTES DE BOILEAU SATIRE VII.1 (1663.) LE GENRE SATIRIQUE. Muse, changeons de style, et quittons la satire; En courant à l'honneur, trouve l'ignominie; A coûté bien souvent des larmes à l'auteur. 1. Composée en 1663. 2. - Cf. HORACE, livre II, satire I. (MARTIAL, livre II, épigr. XXII.) On sait que M. de Montausier se levait tous les matins avec le projet de faire repentir Boileau de ses traits satiriques; il ne s'adoucissait qu'après avoir fait sa prière. II. U OF M BINDERY JUN 2 '60 18:8:0 Un éloge ennuyeux, un froid panégyrique, Peut pourrir à son aise au fond d'une boutique, Ne craint point du public les jugements divers, Et n'a pour ennemis que la poudre et les vers: 1 Mais un auteur malin, qui rit et qui fait rire, Qu'on blâme en le lisant, et pourtant qu'on veut lire, Dans ses plaisants accès qui se croit tout permis, De ses propres rieurs se fait des ennemis.* Un discours trop sincère aisément nous outrage: Chacun dans ce miroir pense voir son visage; Et tel, en vous lisant, admire chaque trait, Qui dans le fond de l'âme et vous craint et vous hait.3 Muse, c'est donc en vain que la main vous démange; ' 1. Securus licet Æneam Rutulumque ferocem Committas nulli gravis est percussus Achilles; : Aut multum quæsitus Hylas, urnamque secutus. Infremuit, rubet auditor, cui frigida mens est (JUVENAL, satire I.) 2. On verra dans cette variante avec quel soin Boileau se corrigeait : 3. Mais un auteur plaisant qui court par tout le monde, Qui contrôle les mœurs, qui nous mord et nous gronde, Dans sa critique ardeur qui se croit tout permis, Des lecteurs en tous lieux se fait des ennemis. Quum sibi quisque timet, quanquam est intactus, et odit. Horace dit encore de la satire : (HORACE, livre II, satire I, v. 23.) Doluere cruento Dente lacessiti; fuit intactis quoque cura Conditione super communi... (Livre II, épître I, v. 151.) 4. Saint-Marc et Le Brun trouvent cette expression un peu basse; c'est vouloir trop de noblesse dans un genre qui admet beaucoup de liberté. Molière dit dans le Misanthrope, acte I, scène 11: Qu'il faut qu'un galant homme ait toujours grand empire Sur les démangeaisons qui nous prennent d'écrire. |