Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

mais du nôtre; et ainsi ce bienfait nous le rend aimable outre que cette communauté d'intelligence que nous avons avec lui incline nécessairement le cœur à l'aimer.

XXVII.

Il faut qu'il y ait dans l'éloquence de l'agréable et du réel; mais il faut que cet agréable soit réel.

XXVIII.

Quand on voit le style naturel, on est tout étonné et ravi; car on s'attendoit de voir un auteur, et on trouve un homme. Au lieu que ceux qui ont le goût bon, et qui, en voyant un livre, croient trouver un homme, sont tout surpris de trouver un auteur plus poetice quam humane locutus est. Ceux-là honorent bien la nature, qui lui apprennent qu'elle peut parler de tout, et même de théologie.

XXIX.

La dernière chose qu'on trouve, en faisant un ouvrage, est de savoir celle qu'il faut mettre la première.

XXX.

Dans le discours, il ne faut point détourner l'esprit d'une chose à une autre, si ce n'est pour le délasser; mais dans le temps où cela est à propos, et non autrement; car qui veut délasser hors de propos, lasse. On se rebute et on quitte tout là:

tant il est difficile de rien obtenir de l'homme que par le plaisir, qui est la monnoie pour laquelle nous donnons tout ce qu'on veut !

XXXI.

Quelle vanité que la peinture, qui attire l'admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire pas les originaux!

XXXII.

Un même sens change selon les paroles qui l'expriment. Les sens reçoivent des paroles leur dignité, au lieu de la leur donner.

XXXIII.

Ceux qui sont accoutumés à juger par le sentiment ne comprennent rien aux choses de raisonnement, car ils veulent d'abord pénétrer d'une vue, et ne sont point accoutumés à chercher les principes. Et les autres, au contraire, qui sont accoutumés à raisonner par principes, ne comprennent rien aux choses de sentiment, y cherchant des principes, et ne pouvant voir d'une vue.

XXXIV.

La vraie éloquence se moque de l'éloquence : la vraie morale se moque de la morale; c'est-àdire, que la morale du jugement se moque de la morale de l'esprit, qui est sans règle.

XXXV.

Toutes les fausses beautés que nous blâmons dans Cicéron ont des admirateurs en grand nombre.

XXXVI.

Se moquer de la philosophie, c'est vraiment philosopher.

XXXVII.

Il y a beaucoup de gens qui entendent le sermon de la même manière qu'ils entendent vêpres.

XXXVIII.

Les rivières sont des chemins qui marchent et qui portent où l'on veut aller.

XXXIX.

Deux visages semblables, dont aucun ne fait rire en particulier, font rire ensemble par leur

ressemblance.

XL.

Les astrologues, les alchymistes, etc., ont quelques principes; mais ils en abusent. Or l'abus des vérités doit être autant puni que l'introduction du mensonge.

XLI.

Je ne puis pardonner à Descartes : il auroit bien voulu, dans toute sa philosophie, pouvoir se passer de Dieu; mais il n'a pu s'empêcher de lui faire

donner une chiquenaude pour mettre le monde en mouvement; après cela il n'a plus que faire de

Dieu.

wwwww

ARTICLE XI.

SUR ÉPICTÈTE ET MONTAIGNE.

I.

ÉPICTÈTE est un des philosophes du monde qui

ait le mieux connu les devoirs de l'homme. Il veut, avant toutes choses, qu'il regarde Dieu comme son principal objet; qu'il soit persuadé qu'il gouverne tout avec justice; qu'il se soumette à lui de bon cœur; et qu'il le suive volontairement en tout, comme ne faisant rien qu'avec une trèsgrande sagesse qu'ainsi cette disposition arrêtera toutes les plaintes et tous les murmures, et préparera son esprit à souffrir paisiblement les événements les plus fâcheux. «Ne dites jamais, dit-il, « J'ai perdu cela; dites plutôt, Je l'ai rendu : mon « fils est mort, je l'ai rendu : ma femme est morte, je l'ai rendue. Ainsi des biens, et de tout le reste, «Mais celui qui me l'ôte est un méchant homme, << direz-vous pourquoi vous mettez-vous en peine par qui celui qui vous l'a prêté vient le « redemandér? Pendant qu'il vous en permet l'usage, ayez-en soin comme d'un bien qui ap<< partient à autrui, comme un voyageur fait dans << une hôtellerie Vous ne devez pas, dit-il encore,

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

« désirer que les choses se fassent comme vous le << voulez; mais vous devez vouloir qu'elles se fas<< sent comme elles se font. Souvenez-vous, ajoutet-il, que vous êtes ici comme un acteur, et que << vous jouez votre personnage dans une comédie, << tel qu'il plaît au maître de vous le donner. S'il « vous le donne court, jouez-le court ; s'il vous le << donne long, jouez-le long : soyez sur le théâtre «< autant de temps qu'il lui plaît ; paroissez-y riche «< ou pauvre, selon qu'il l'a ordonné. C'est votre « fait de bien jouer le personnage qui vous est «<< donné ; mais de le choisir, c'est le fait d'un autre. «Ayez tous les jours devant les yeux la mort et « les maux qui semblent les plus insupportables; «<et jamais vous ne penserez rien de bas, et ne dé<<sirerez rien avec excès.»

Il montre en mille manières ce que l'homme doit faire. Il veut qu'il soit humble; qu'il cache ses bonnes résolutions, surtout dans les commencements, et qu'il les accomplisse en secret rien ne les ruine davantage que de les produire. Il ne se lasse point de répéter que toute l'étude et le désir de l'homme doivent être de connoître la volonté de Dieu, et de la suivre.

Telles étoient les lumières de ce grand esprit, qui a si bien connu les devoirs de l'homme : heureux s'il avoit aussi connu sa foiblesse ! Mais après avoir si bien compris ce qu'on doit faire, il se perd dans la présomption de ce que l'on peut. « Dieu, dit-il, a donné à tout homme les moyens << de s'acquitter de toutes ses obligations; ces

« ZurückWeiter »