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Fr 1383.62.12

GIFT OF

MARY E. HAVEN

JULY 2, 1914,

ESSAI HISTORIQUE

SUB

LA VIE ET LES OUVRAGES

DE

MIRABEAU,

PAR JOSEPH MÉRILHOU,

AVOCAT A LA COUR ROYALE DE PARIS.

Lorsqu'un homme a pris part à des événemens qui ont changé la face de son pays, et que, par de grands talens et un fort caractère, il y a exercé une profonde influence, il doit avoir été l'objet des jugemens les plus divers, des passions les plus contraires. Si les amis du régime renversé lui vouent une haine aveugle, si la médiocrité jalouse le poursuit par d'obscures diffamations, les sectateurs des idées nouvelles viennent de leur côté proclamer leur respect pour les apôtres de la réforme politique; la voix des hommes faits pour rendre justice au talent étouffe à la longue les clameurs de l'envie, et fait prévaloir l'admiration que doit obtenir la force de l'intelligence, la puissance de la volonté, et l'éclat des moyens par lesquels cette volonté exerce son empire. Tel, parmi nous, apparut Mirabeau.

Dans une courte carrière, dont plus de la moitié s'écoula dans les liens de l'enfance, dans l'exil ou dans les

a

fers, Mirabeau développa les ressources d'une âme fortifiée par les revers, les combats et l'étude. Son talent admirable avait atteint la maturité; précédé par une grande célébrité, qu'il devait tout à la fois à ses écrits, aux fautes d'autrui, peut-être autant qu'à ses fautes personnelles, il fut, dès son début, environné de préventions et de défaveur; mais bientôt écartant tous ces obstacles, on le vit, par l'audace de ses conseils et l'autorité de ses paroles, diriger souvent l'Assemblée nationale, exciter ou modérer tour à tour le génie de la révolution. Plus tard, au moment où il allait tendre une main secourable à la monarchie chancelante, il disparut au milieu de la tempête, au plus haut degré de gloire que puisse obtenir un citoyen.

:

Sa mort, qui excita tant de regrets et qui mit en deuil et le trône et la France, n'a pu défendre son nom des attaques les plus outrageantes : les ennemis de la révolution ont dû haïr en lui l'homme courageux qui avait le premier notifié à l'envoyé de la cour l'avénement de la puissance nouvelle des représentans de la nation. Ceux dont il avait humilié l'orgueil, dans le cours d'une vie pleine de combats, ne pouvaient lui pardonner ses triomphes et sa supériorité : d'autres ont voulu obscurcir la gloire du fondateur de notre tribune politique, en exhumant le souvenir de quelques intrigues d'amour et de ses malheurs domestiques. Des jours sont venus où l'on a fait le reproche à sa mémoire d'avoir cru à la possibilité d'une monarchie représentative, et d'avoir voulu déterminer la cour et les conseils du prince à transiger avec la révolution; plus tard les cendres d'un démagogue ignoble et sanguinaire sont venues chasser son ombre du Panthéon français: comme s'il n'avait manqué à sa gloire que la haine des tyrans qui, au nom de la liberté, couvraient la France d'échafauds.

Les principes que Mirabeau proclama si souvent et avec tant de persévérance ont triomphié dans les trente

ans qui se sont écoulés; le genre humain a acquis l'âge de la virilité: la révolution achève le tour du monde : le nouvel hémisphère a brisé ses fers; les idées de justice et de liberté, mieux comprises dans notre vieille Europe, y ont enfin acquis le droit de bourgeoisie, et pénétré jusque dans les conseils des princes les plus absolus.

Les écrits de nos philosophes, de nos poètes, les discours de nos orateurs ont peut-être contribué à ce triomphe autant que le sabre des guerriers; car les plus grands capitaines n'auraient fait souvent que changer les fers de leur patrie, si les principes d'une bonne organisation sociale n'avaient d'avance civilisé et éclairé ceux que le glaive devait affranchir.

Lorsque la postérité commence déjà pour ceux qui ont préparé à la France un nouvel avenir, il est convenable d'apprécier avec impartialité les droits que chacun d'eux peut avoir acquis à la reconnaissance de la patrie. C'est cette tâche difficile qu'on va essayer de remplir envers Mirabeau : aucun peut-être n'y eut plus de droits et n'en eut plus de besoin, parce que personne n'a essuyé plus d'injustice, et pendant sa vie, et depuis sa mort. Ce n'est ni une satire, ni un panégyrique qu'on se propose d'écrire à son sujet. Qui pourrait entreprendre de tout louer ou même de tout excuser dans la vie d'un homme qui n'a pas toujours été conforme à luimême, et qu'un caractère impétueux, irrité par de grandes injustices, a pu quelquefois porter à des actes que sa raison devait désavouer? mais on espère faire bien connaître sa vie publique, et les services qu'il a rendus à la cause de la liberté constitutionnelle, soit en combattant le despotisme, soit en luttant contre l'anarchie.

Honoré-Gabriel de Riquetti, comte de Mirabeau, naquit au château du Bignon, près de Nemours, le 9 mars 1749, de Victor de Riquetti, marquis de Mirabeau et de Sauvebœuf, et de Marie-Geneviève de Vas

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