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vers le principal vaisseau flamand, et, son exemple est, à l'instant, suivi par tous ses compagnons. Chaque capitaine ordonne l'abordage; les grapins balancés accrochent l'ennemi; les lances se croisent, et, de part et d'autre, on montre et la plus rare opiniâtreté, et le plus grand acharnement. Des deux côtés l'avantage est égal; on se bat bord à bord. Rendue inutile par le serrement des navires, qui s'oppose à toute manoeuvre, l'artillerie des Flamands ne peut foudroyer leurs adversaires; la victoire enfin est incertaine, lorsque, pour la décider, des grenades, lancées d'un point élevé, mettent le feu aux bâtimens dieppois.

Que faire dans cette affreuse perplexité, et après une lutte soutenue, avec bravoure, pendant six heures consécutives? Les flammes dévorent un vaisseau normand, et se communiquent à cinq autres de la même nation. Six navires flamands éprouvent le même sort, dans l'impuissance où ils sont, faute de temps, de couper les amarres des grappins. Tous alors paraissent plus occupés du soin de leur conservation, que de l'ambition de vaincre. La flotte normande est entièrement consumée; mais, dans cette fatale conjoncture, les équipages, ne prenant conseil que de leur désespoir, sautent en foule dans

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les vaisseaux ennemis, et préfèrent la captivité à une mort certaine. Cet acte d'intrépidité sublime, incontestablement dû au désir, bien naturel, de sauver sa vie aux dépens de sa liberté, devient l'occasion de la victoire.

Aussi étonnés de la hardiesse des Normands, qu'effrayés de leur nombre, les Flamands, attentifs au salut de leurs marchandises, ne songent à se défendre, que quand ils n'ont plus la faculté de le faire, et, sur dix-huit bâtimens, dont se compose leur flotte, ils en abandonnent cinq, qui entrent triomphans dans le port de Dieppe. La nuit seule mit fin à ce combat, un des plus honorables qui se soient jamais livrés entre particuliers, et qui coûta mille hommes aux Flamands; les Français n'en perdirent que quatre cents (*).

La marine française s'était presque toujours montrée active sous les rois de la troisième race, et si alors elle n'a point obtenu le degré de perfection qu'on lui a vu atteindre dans la suite, elle n'est cependant pas restée sans réputation; mais entièrement négligée depuis la fin du règne

(*) Les détails de cette brillante affaire se trouvent dans une ancienne relation annexée au Mare Liberum de Grotius, appartenant à la bibliothèque du Panthéon(Sainte Geneviève).

de Henri I jusqu'à celui de Louis XII, elle se ressentit des troubles intérieurs du royaume qui furent un obstacle majeur à son accroissement et même à son entretien. Aussi, laissant de côté Charles Ix, la prise du Havre, les Anglais croisant sur les côtes de l'Aunis, Henri ш, l'expédition des Açores, et la conjuration contre Boulogne, révélée par Poulain, nous passerons au siége de la Rochelle, que soumit le cardinal de Richelieu, après la plus vigoureuse résistance, et la belle et noble conduite de son maire, le brave et intrépide Guiton (*).

(*) Tout à leur religion et à la liberté, les Rochellois voulurent avoir un chef aussi déterminé qu'eux. Ils élurent pour leur maire, leur capitaine et leur gouverneur, Jean Guiton, lequel, avant d'accepter une place qui lui donnait la magistrature et le commandement des armes, prit un poignard, et dit en présence des principaux habitans de la ville: « Je serai maire, puisque vous le voulez, à condition qu'il me sera permis d'enfoncer ce poignard dans le sein du premier qui parlera de se rendre. Je consens qu'on en use de même envers moi, dès que je proposerai de capituler; et je demande que ce poignard demeure, tout exprès, sur la table où nous nous assemblons dans la maison de ville. »>

Guiton soutint ce caractère jusqu'à la fin. Un jour qu'un de ses amis lui montra une personne de sa connaissance tellement exténuée par la faim, qu'elle n'avait plus qu'un souffle de vie: « Etes-vous surpris de cela? lui dit-il. Il faudra bien

Cette ville n'était encore que menacée, lorsqu'on vit paraître un manifeste qui reprochait à la France une multitude de torts à l'égard de

que nous en venions là, vous et moi, si nous ne sommes pas secourus. » Un autre citoyen lui faisant observer que le manque de vivres faisait périr tout le monde, et que la mort achèverait bientôt d'emporter tous les habitans : « Eh bien! répondit froidement Guiton, il suffit qu'il en reste un pour fermer les portes. >>

« Nous trouvâmes cette ville en un état qui faisait horreur et compassion à tous ceux qui y entrèrent. Les rues et les maisons étaient infectées de corps morts qui y étaient en grand nombre, sans être ensevelis ni enterrés. Car, sur la fin de ce siége, les Rochellois, ressemblant plutôt à des squelettes qu'à des hommes vivans, étaient devenus si languissans et si faibles, qu'ils n'avaient pas le courage de creuser des fosses, ni d'emporter les corps hors des maisons. Le plus grand présent qu'on pouvait faire à ceux qui restaient, était de leur donner du pain, qu'ils préféraient à toutes choses, comme étant le remède infaillible qui pouvait les empêcher de mourir, quoique ce remède même devenait à quelquesuns mortel, par la grande avidité avec laquelle ils le mangeaient, et s'étouffaient en même temps.

» Le roi ayant fait son entrée dans La Rochelle, M. le duc d'Angoulême voulut aller voir ce fameux Guiton, qui avoit tenu tête si long-temps au plus grand prince de l'Europe. Quelques officiers, du nombre desquels j'étais, l'y accompagnèrent. Il était petit de corps, mais grand d'esprit et de cœur. Et je puis dire que je fus ravi de voir dans cet homme toutes les marques d'un grand courage. Il était magnifique

la Grande-Bretagne. Il sortit en même temps de ses ports une flotte formidable qui se présenta devant la Rochelle, qui, n'étant point prévenue

ment meublé chez lui, et avait grand nombre d'enseignes qu'il montrait l'une après l'autre, en marquant les princes sur qui il les avait prises, et les mers qu'il avait courues. Il y avoit quantité d'armes chez lui; et entr'autres j'y aperçus une fort belle pertuisane qu'il avait prise à un capitaine dans un combat. Je ne me fus pas plutôt échappé de lui dire qu'elle était belle, que, comme il était extrêmement généreux, il me la donna aussitôt, et me força de la prendre avec une centaine de piques, dont il me fit aussi présent. Il fit une trèsbelle réponse à M. le cardinal de Richelieu, lorsqu'il alla lui rendre ses civilités. Car, Son Eminence lui parlant du roi de France et de celui d'Angleterre, il lui dit qu'il valait mieux se rendre à un Roi qui avait su prendre la Rochelle, qu'à un autre qui n'avait pas su la secourir. Mais il fut ensuite bien mécontent de ce cardinal. Car, n'ayant rendu la ville au Roi, qu'après la parole qu'on lui avait donnée, de lui conserver les marques de sa dignité; et l'un de ses priviléges étant, que lorsqu'il marchait dans la Rochelle, il étoit toujours accompagné de douze hallebardiers, portant ses livrées; son Eminence lui envoya dire un jour, que le Roi étant dans la ville, il était contre les règles qu'il gardât ces marques d'une dignité qu'il n'avait plus, puisque le Roi était alors seul maire, et maître de la Rochelle. Cet ordre nouveau piqua étrangement. Guiton, qui se vit ainsi trompé et déchu de ses honneurs, contre l'assurance qu'il en avait eue; et il me dit, que s'il avait cru qu'on eût dû lui manquer ainsi de parole le Roi n'aurait pas trouvé un seul homme en entrant dans la

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