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"ton si haut avec des hommes tels que Cuvier et autres? Tous ces hommes éminents, ces intelligences d'élite soumis à la direction, à la - révision, à la correction de M. Michaud! M. Michaud distribuant la "besogne à ces grands écrivains comme on distribue des requêtes à des clercs! Cela n'est pas possible; on ne saurait l'admettre. En tous cas, « la vérification de ces faits est devenue maintenant impossible. »

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« La vérification de ces faits n'est pas impossible; et la preuve qu'elle n'est pas impossible, c'est qu'elle est faite. Elle est faite, d'abord par les lettres dont je viens de parler; elle est faite par le Discours préliminaire de M. Auger, publié en tête du premier volume de la Biographie universelle, en 1810, où M. Auger entre dans les plus grands détails, et rend compte du plan qui a été suivi, des précautions qui ont été prises pour en assurer l'exécution; elle est faite par le discours mis en tête de la seconde édition, dans lequel il est rendu un éclatant hommage à la sagesse du plan de M. Michaud; elle est faite enfin par les traités intervenus entre MM. Michaud et Pillet, Villenave, Durozoir, Weiss et bien d'autres, pour les charger, à diverses époques, du travail de direction, de révision, de correction qu'il s'était réservé (1). La délégation même prouve son droit, puisqu'elle en constitue l'exercice. Enfin, si la preuve ne résultait pas de ces éléments, je dirais qu'elle n'est pas nécessaire, et que le fait résulte suffisamment de la nature même des choses. Il n'y a pas d'œuvre possible, surtout une œuvre de cette proportion, si la pensée de l'ensemble ne domine pas le détail. La discipline dont il a été question a existé, parce qu'elle devait nécessairement exister. Elle était indispensable, rien n'étant possible que par elle. Cette discipline a été le moyen de succès nécessaire; le succès de l'œuvre et sa bonne exécution prouvent par eux-mêmes que la discipline a existé. Et il ne faut pas croire qu'il y ait rien là qui soit de nature à avilir les lettres. M. Michaud s'honore assurément au plus haut degré et il a le droit d'être fier de la collaboration des hommes qui l'ont assisté dans son œuvre. Chacun d'eux, au point de vue spécial de son article, avait une incontestable supériorité; et c'est précisément cette supériorité reconnue qui a déterminé le choix de M. Michaud, quand il a confié son article à chacun. Mais cette supériorité relative et spéciale n'est pas exclusive d'une direction reçue au point de vue de l'ensemble de l'œuvre. La véritable dignité des lettres inspire aux écrivains qui la ressentent et qui en sont jaloux ce qui doit conduire à sa perfection l'œuvre qu'ils ont entreprise. La dignité des écrivains, c'est de bien faire et d'accepter tout ce qui est indispensable pour amener la perfection d'une œuvre collective. C'est ce qu'ont parfaitement compris tous les hommes qui se sont associés à l'œuvre de M. Michaud. Ils ont accepté la direction de M. Michaud, son contrôle, sa révision, sa discipline, parce que rien de bon n'était possible qu'à ce prix, et qu'il fallait accepter la condition si l'on voulait atteindre le résultat auquel elle était essentielle.

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(1) M. l'avocat général aurait pu ajouter que cette preuve est faite par la notoriété publique; que nos adversaires ne peuvent l'ignorer, et qu'elle le serait, au besoin, ceux de mes collaborateurs qui vivent encore, et par beaucoup d'autres lettres qu'il n'a pu citer.

« Enfin une dernière objection se produit :

Tout cela, dit-on, c'est affaire d'intérieur entre M. Michaud et ses ❝ collaborateurs. Nous public, nous n'avons rien à y voir. Les articles ⚫ sont signés; nous ne connaissons que la signature. La signature est ❤sans signification si elle ne manifeste pas l'auteur au public. » Et l'on ajoute, avec plus d'esprit que de raison: M. Michaud veut que • celui qui a composé l'article et qui l'a signé n'en soit pas l'auteur, et qu'au contraire, l'auteur de cet article soit celui qui ne l'a ni composé ni signé; c'est absurde, c'est inadmissible. Cette objection constitue une erreur profonde.

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Je rappelle d'abord l'opinion de Merlin dans l'affaire des Études de Cramer. Les Études de Cramer étaient signées. Merlin n'hésitait pas cependant à considérer les dames Bonnemaison et Delahante comme auteurs des Études de Cramer, dans l'hypothèse où elles auraient fait faire ces Études par Cramer. La signature ne faisait donc pas l'auteur aux yeux de Merlin. Mais je n'ai pas même besoin d'alier jusque là. Je peux bien concéder que, dans une œuvre une et indivisible, la signature peut être la manifestation de l'auteur. C'est là ce qui arrive en général.

Mais dans une œuvre d'ensemble considérable, subdivisée en une infinie quantité de petites parties, que peut prouver la signature de l'une de ces parties? Elle prouve qu'on a fait la partie, et c'est là, en effet, sa raison d'être; c'est la garantie de la bonne exécution pour le public. Mais elle ne prouve pas qu'on soit auteur même de la partie dans le sens de la loi1. Pour qu'on fût auteur dans le sens de la loi, il ne suffirait pas de l'avoir composée, il faudrait qu'on l'eût mise au jour. Si l'auteur de la partie a été mis en mouvement par l'auteur de l'ensemble, si son travail n'a rien de spontané, si c'est l'exécution d'une tâche, s'il n'a fait et composé que pour l'auteur de l'ensemble et par lui, il s'absorbe en lui et sa propre individualité disparaît. Il peut bien donner à l'œuvre le mérite littéraire; il peut, par sa signature, lui donner l'autorité qui s'attache à son nom; mais il n'acquiert pas pour cela les droits d'auteur. L'auteur de l'ensemble a sa part nécessaire et dominante dans son œuvre; c'est lui qui a fait faire, c'est lui par conséquent qui a mis au jour; il est le véritable auteur. M. Michaud est donc le véritable auteur, le seul auteur de la Biographie universelle, non seulement de l'ensemble de l'œuvre, mais de toutes ses parties et de tous ses détails. Voilà les principes du droit.

"A ce point de la discussion, je crois superflu d'examiner quelle serait la position de M. Michaud comme compilateur. Comme compilateur, il aurait les mêmes droits que comme auteur; c'est la jurisprudence con

(1) M. l'avocat général aurait pu ajouter à ces judicieuses observations qu'il a été formellement annoncé que toutes les sciences, et surtout la géographie et la bibliographie dans chaque article, seraient confiées à des auteurs spéciaux, que les renseignements tirés des langues étrangères seraient le résultat d'un travail ajouté à celui de l'auteur primitif, de manière qu'il n'est point d'article dont un seul puisse se dire exclusivement l'auteur. C'est par suite de cette division du travail que l'on est parvenu à rendre cet ouvrage plus complet et plus parfait que tout ce qui avait été fait avant lui, et c'est pour arriver à ce but que l'on a eu besoin d'un si long travail, d'un aussi grand nombre de collaborateurs.

stante et incontestée. En d'autres termes, le compilateur est un véritable auteur dans le sens de la loi, alors surtout qu'il ne prend pas les éléments de sa compilation dans le domaine public. Dans les termes du droit, les deux thèses se confondent, et quant à moi je n'aperçois pas très clairement la nuance qui pourrait les distinguer. Dans la vérité des choses, M. Michaud n'a pas été un compilateur, mais un véritable auteur; je crois l'avoir suffisamment établi. Je ne suivrai donc pas la discussion sur le terrain de la compilation; ce n'est pas, suivant moi, le vrai terrain du procès. Je dirai seulement quelques mots en terminant sur la question du co auteur.

« Si vous n'admettes ni en fait ni en droit que M. Michaud soit l'auteur de la Biographie universelle, je dis qu'il est tout au moins co-auteur, et cela, non pas pour avoir fait quelques parties, mais pour avoir coopéré à toutes les parties de l'oeuvre, même à celles qui portent d'autres signatures que la sienne. M. Michaud est incontestablement co-auteur, car il a une part incontestable dans l'œuvre de la Biographie universelle. Il a l'ensemble de l'œuvre, 'et il a aussi très incontestablement un très grand nombre de ses parties, puisqu'il a personnellement composé et rédigé 1,267 articles. Aussi le jugement ne conteste pas que M. Michaud ne soit coauteur. Seulement il pose encore mal la question sur ce point, et il ne lui fait pas sa légitime part.

<< M. Michaud a la prétention d'être co-auteur, non pas seulement parce qu'il a fait personnellement 1,267 articles, et qu'il apporte ces 1,267 parties de l'oeuvre comme preuves de sa collaboration personnelle; mais M. Michaud soutient qu'il est co-auteur parce qu'il a, par la nature même des choses, sa part personnelle et dominante dans toutes les parties de l'œuvre, même dans celles qui portent une autre signature que la sienne, et qui ont été composées par d'autres que lui. Or c'est là ce que le jugement n'a pas même aperçu et compris.

Attendu, dit le jugement, que vainement M. Michaud prétendrait qu'ayant personnellement composé plusieurs articles qui portent sa signature, il est au moins co-auteur et qu'en cette qualité il peut réclamer l'application de la doctrine suivant laquelle la durée de la propriété littéraire, pour un ouvrage composé par plusieurs auteurs, se règle sur la vie du dernier mourant. Voilà évidemment encore une question mal posée. Après avoir ainsi dénaturé la prétention de M. Michaud, le jugement établit: 1° que chacun a dans l'œuvre sa part distincte et séparée; 2° que le privilége est divisible comme les parts de l'œuvre et doit être divisé comme elles; 3° que M. Michaud a son privilége pour les parts de l'œuvre qui sont siennes, mais qu'il ne peut pas avoir de privilege pour la part des autres. Je dois ajouter que c'est en effet l'opinion des auteurs que, quand le privilége est divisible entre les co-auteurs, il doit être divisé : Renouard et Et. Blanc s'expliquent nettement à cet égard. Renouard, notamment, fait l'application de ce principe à la Biographie universelle, et émet l'opinion que M. Michaud doit avoir le privilége seulement pour l'ensemble, les signataires des articles l'ayant de leur côté pour les parties qu'ils ont signées.

Je suis d'accord avec le jugement et les auteurs sur le principe; je

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conteste seulement l'application que Renouard en fait à la Biographie universelle. J'admets que, lorsque le privilége est divisible, il doit être divisé. Ainsi deux auteurs s'associent pour faire le dictionnaire anglais-français et français-anglais en deux volumes. L'un se charge du premier, l'autre du second; il est évident que l'œuvre est distincte. Le privilége est divisible, il doit être divisé. Mais deux auteurs s'associent pour composer un drame. L'un dresse la charpente, l'autre écrit les scènes; il est évident que chacun a une part essentielle dans toutes les parties de l'œuvre; le privilége est indivisible. Il en est de même dans la Biographie universelle '...

M. Michaud est co-auteur, non pas pour avoir fait quelques parties, mais pour avoir coopéré à toutes les parties de l'œuvre, même à celles qui ne portent pas sa signature. Si nous admettions, par exemple, le privilége des signataires et si nous cherchions à le régler entre eux, nous pourrions et nous devrions admettre la division; mais pour M. Michaud et avec lui il n'y a pas de division possible. M. Michaud est partout; il est dans tous les articles; il a personnellement et directement son privilége sur tous les articles. Voilà le fait vrai; c'est le point de départ essentiel de l'examen du droit. L'arrangement, la méthode, l'esprit qui anime toutes les parties de l'œuvre, l'unité qui s'y manifeste, tout cela n'a pas pu être le fruit du hasard. Or tout cela ne peut pas être dans l'ensemble, sans être en même temps et sans avoir été mis dans toutes les parties. Donc, dans tous les articles, il y a nécessairement deux auteurs: 1° le signataire pour l'article en luimême; 2o M. Michaud pour le lien qui le rattache à l'ensemble.

S'il y a deux auteurs pour chaque article, la conséquence est rigoureuse et le droit est certain; tous deux ont concurremment le privilége, et le privilége est indivisible. Le domaine public n'est pas le moins du monde entamé par la coexistence des deux droits. Quel est le droit du domaine public? d'entrer en possession dix ans après la mort de l'auteur. S'il y a deux auteurs, et que l'un meure, l'auteur n'est pas mort; ou du moins il n'est pas mort tout entier; il n'est mort qu'en partie; l'éventualité prévue n'est pas ouverte; le privilége survit avec le survivant. J'entends bien que, si le privilége est divisible, on le divise; mais s'il est indivisible, il repose nécessairement sur deux têtes, et en peut périr qu'avec le dernier mourant.

Iciil est de sa nature indivisible; quelle part feriez-vous à M. Michaud en ce qui touche chaque partie de l'œuvre? Pourriez-vous faire une division quelconque sans entamer son droit, sans diminuer son privilége? Ce serait impossible. Il faut donc reconnaître que le privilége est indi

(1) Il résulte de ce qui vient d'être dit, et de ce qui a été annoncé et exécuté dès le commencement de l'entreprise, que, toutes les branches des sciences ayant eu des rédacteurs spéciaux chargés de revoir et de compléter chaque article dans sa spécialité, on ne pourrait pas en citer un seul qui ait été fait exclusivement par un seul rédacteur, et la bibliographie surtout, cette partie si importante de l'histoire littéraire, inconnue ou du moins complétement omise jusqu'à la Biographie universelle, a été faite entièrement et pour tous les articles par des hommes célèbres dans cette partie, tels que MM. Beuchot, Weisse, Villenave, etc., dont nous pourrions produire les engagements et les quittances.

visible, et que, comme co-auteur, M. Michaud a un privilége complet non-seulement sur l'ensemble de l'œuvre, mais sur toutes ses parties. "J'ai fini et je me résume:

«Le titre de MM. Didot constitue une usurpation flagrante.

"Le mot Biographie pouvait être nécessaire; mais tout le reste avait des éqivalents, et a été usurpé sans nécessité pour jeter de la confusion dans l'esprit du public et violer le privilége.

Cette usurpation constitue une contrefaçon. Le titre, en effet, d'un ouvrage littéraire fait partie de cet ouvrage. C'est commettre le délit de contrefaçon partielle que de contrefaire le titre. La contrefaçon du titre constitue le délit par elle-même; à plus forte raison doit-elle être considérée comme délit, lorsque dans le corps de l'ouvrage 13,000 lignes et plus ont été textuellement copiées.

Sur ce premier point, la contrefaçon n'est pas contestable. Au fond, elle ne l'est pas davantage. M. Michaud a le privilége qu'il réclame sur l'ensemble comme sur toutes les parties de l'oeuvre de la Biographie universelle, non pas comme cessionnaire, comme éditeur et propriétaire, mais comme auteur, comme unique auteur de cette œuvre dans toutes ses parties aussi bien que dans son ensemble.

Les signatures apposées au bas des articles sont un perfectionnement apporté par lui à son œuvre; c'est une garantie pour le public de la bonne exécution de chacune des parties; mais il n'en peut pas résulter une réserve des droits d'auteur au profit des signataires. C'est M. Michaud qui est auteur dans le sens de la loi, parce que c'est lui qui a fait faire et qui a mis au jour.

«En tout cas, il est au moins co-auteur de l'œuvre dans toutes ses parties; et si son privilège est distinct de celui des signataires, quant à son origine et à son principe, il est de même nature, indivisible et ne peut être diminué par la mort d'aucun des co-auteurs.

J'estime en conséquence qu'il y a lieu d'infirmer le jugement et de faire à MM. Didot l'application de la loi.

Rien de plus clair, de plus concluant ne pouvait être dit dans ce déplorable procès, et nous n'avons pas douté, mon avocat et moi, après avoir entendu ce lumineux réquisitoire, que la plus entière conviction n'eût pénétré dans l'esprit de nos juges, qu'un arrêt fondé sur d'aussi puissants motifs n'en fût immédiatement la conséquence. Notre conviction à cet égard a été telle que nous nous sommes abstenu d'ajouter un seul mot à d'aussi éloquentes paroles, quelque bienveillante qu'ait été l'invitation qui nous en a été faite par M. le président. Sans doute nous avons eu tort d'avoir mis trop de confiance en notre droit et en l'éloquence de M. l'avocat général; mais ceux qui savent ce que sont, en pareil cas, les usages des tribunaux, trouveront que nous n'avons fait que nous y conformer.

Nous avons eu d'autant plus de tort qu'il en est résulté que ma cause n'a réellement pas été plaidée devant la Cour impériale; qu'elle ne l'a été réellement que pour M. Desplaces, dont les intérêts dans cette affaire sont, il est vrai, communs sous quelques rapports; sous plusieurs

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