Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

étaient fondées. Si ces mouvements d'une réaction spontanée, et qui n'eut d'autre mobile que l'indignation des royalistes, furent à déplorer, ce fut au moins un éclatant démenti donné aux mensonges des gens qui avaient été jusqu'à nier leur existence, qui en ce moment exagéraient leurs torts pour avoir le droit de les accuser. Et ce démenti, la France le donna peut-être encore avec plus d'évidence et d'énergie dans les élections qui eurent lieu pour le renouvellement de la chambre des députés. Fouché et Talleyrand, qui avaient trompé les étrangers avec tant d'impudence et de mauvaise foi sur le compte des royalistes, reconnaissant bientôt qu'eux-mêmes s'étaient trompés sur les forces de ce parti, et qu'ils ne pourraient pas lui résister s'ils n'étaient appuyés, par des chambres qui leur fussent dévouées, avaient fait tous leurs efforts pour hâter ce renouvellement, et surtout pour qu'il fût composé de révolutionnaires qui, comme eux, eussent besoin d'oubli et d'amnistie. Mais il était difficile de prouver à la France, si long-temps et si cruellement trompée, que, sous le règne d'un petit-fils de saint Louis, elle dût être gouvernée, qu'elle dût recevoir des lois de ceux qui, depuis un quart de siècle, faisaient hautement profession de tous les vices, de toutes les iniquités. Les électeurs, qui étaient les mêmes que ceux du régime impérial, comprirent tout autrement les choses, et, à de très-faibles exceptions, ils nommèrent partout des royalistes, persuadés qu'en cela ils remplissaient parfaitement les désirs du roi et de la France, que c'était le seul moyen de reconstituer solidement la monarchie.

Ce fut avec un véritable effroi que le parti Fouché et Talleyrand, ou la faction révolutionnaire, vit sortir de l'urne électorale les noms des Bonald, des Villèle, des Corbière, des Labourdonnaye et de beaucoup d'autres, connus par leur attachement à la monarchie, par les persécutions que cet attachement leur avait causées! Et il se trouva que ces hommes, dont on avait nié l'existence, ou qu'on avait dépeints comme dépourvus de courage, de capacité, étaient pour la plupart des hommes supérieurs, qui, dès le premier moment, effacèrent tous les coryphées de la révolution par leurs talents et leur énergie; ce qui fit dire à Louis XVIII,si long-temps trompé,et qui n'avait pu croire à un tel résultat, que c'était une chambre introuvable. Comme déjà il s'était laissé entraîner à ce système de déception, tout en appréciant de pareils hommes comme ils devaient l'être, ce prince ne fit rien pour profiter d'une assemblée que le ciel semblait lui avoir envoyée, et qui pouvait être si utile dans de pareilles circonstances. Mais une conséquence inévitable de ce phénomène politique fut de donner, dès l'ouverture des séances, un grand ascendant à la royauté, en lui assurant dans le pouvoir législatif un appui qu'elle n'y avait jamais trouvé; et, par les mêmes motifs, d'affablir, d'effrayer même les révolutionnaires. Fouché et Talleyrand surtout en sentirent toutes les conséquences. Le premier offrit sa démission, qui fut acceptée, et trois jours après, Talleyrand fut également obligé de donner la sienne. Voulant, selon sa coutume, que cette retraite forcée eût pour le public un motif louable, il imagina de répandre, comme il avait fait autrefois pour la guerre d'Es

pagne, qu'il s'était retiré pour ne pas signer le traité du 30 novembre Ce mensonge, comme tant d'autres, eut quelque succès, et le rusé diplomate s'en servit encore pour rejeter sur les royalistes, qu'il détestait plus que jamais, tout l'odieux de ce malheureux traité, dont lui seul était cause, dont il n'avait, en dernier lieu, que très-faiblement contesté l'exorbitance.

Du reste, il ne faut pas croire que ce fut par la volonté de Louis XVIII que les deux vétérans du jacobinisme cessèrent d'être ses ministres. Ce furent sans nul doute les premiers actes, les premières manifestations des introuvables, qui les forçèrent à se retirer. On a dit avec raison que ce fut le souffle seul de ces hommes énergiques, si bons, si forts dans leur conviction, qui les obligea de prendre la fuite! Qu'eût-ce donc été si le roi lui-même se fût rangé franchement de leur avis, s'il né lés eût pas mis dans la nécessité d'être plus royalistes que lui-même ? Ne pouvant mieux faire, ce prince assura aux deux ministres qu'il se voyait, à regret, contraint de remercier une belle et honorable retraite. Il envoya comme ambassadeur à son parent le roi de Saxe, le régicide duc d'Otrante, et il nomma le ci-devant évêque d'Autun son grand chambellan, avec cent mille francs de rente. Dans le même temps, le roi de Naples en accorda soixante mille à ce dernier avec le titre de duc de Dino, pour ses bons services au congrès de Vienne; ce qui, avec son immense fortune, lui fit une des premières positions financières de l'Europe... Le pauvre homme! il avait bien eu raison de dire, en entrant dans la carrière des révolutions, et du crime, qu'il y gagnerait plus que dans celle de l'honneur et

de la probité! Il connaissait bien son siècle.

Ainsi, pour Louis XVIII du moins, la retraite de Fouché, non plus qué celle de Talleyrand, ne dut pas être considérée comme une disgrâce. En sa qualité de grand chambellan, le prince de Bénévent se montra plüs que jamais assidu à la cour, et il prononça plusieurs discours à la chambre des pairs, ce qu'il n'avait jamais fait. Il reçut beaucoup de monde dans son salon, et même on y vit quelquefois des royalistes. Ce fut dans une de ces réunions que Salaberry, l'entendant së récrier sur l'impossibilité de retourner à l'ancien régime, lui dit malignement qu'il savait bien qu'on aurait de la peine à le refaire évêque d'Autun, mais que l'on pouvait bien sans cela rétablir beaucoup de choses qui seraient plus utiles. A quoi l'illustre diplomate ne trouvą point de réplique, par le seul motif qu'il n'était pas préparé à une telle plaisanterie, et que, dans le grand nombre de réparties spirituelles qu'on lui a attribuées, il en est beaucoup pour lesquelles, ainsi que pour ses discours, il eut souvent recours à l'esprit des autres. Son remplacement au ministère des affaires étrangères par le duc de Richelieu, homme très insignifiant, et qui ne fut mis là que pour plaire à l'empereur Alexandre, montra que rien ne serait changé au système de fusion et d'oubli; et la substitution de M. Decaze au duc d'Otrante le prouva encore davantage. Louis XVIII lui-même avait adopté ce système avec ardeur, persuadé que c'était le seul moyen de satisfaire les étrangers; et c'est dans cette vue qu'il se hâta de demander aux chambres la foi d'amnistie, qu'ils avaient exigée avec tant d'insistance,

Les discussions auxquelles elle donna lieu, furent très vives; les orateurs royalistes y déployèrent beaucoup de talent, d'énergie, et ils restèrent inflexibles à l'égard des régicides relaps, c'est-à-dire des juges de Louis XVI, qui depuis le départ du roi avaient accepté des fonctions publiques. Ceuxlà furent impitoyablement exceptés de l'amnistie, et condamnés à la l'exil. Le nouveau ministre de l'intérieur, d'abord protégé, puis protecteur du parti Fouché - Talley rand, soutint le projet avec beaucoup de chaleur, et, en cela, on ne peut pas douter qu'il ne fût vivement soutenu par le prince de Talleyrand, qui, en sa qualité de pair de France, ne manqua à aucune des séances où cette grande question fit discutée. On doit penser qu'en cela il était parfaitement d'accord avec le roi, qui, dans plusieurs occasions, força ses gentils-hommes de la chambre à l'accompagner dans ses promenades pour qu'ils ne votassent pas contre ses ministres !

Il y eut encore sur divers sujets, tels que le système électoral, la liberté de la presse, le budget, des discussions où les nouveaux députés déployèrent beaucoup d'énergie et une supériorité telle que le parti de la révolution en fut épouvanté, qu'il songea à se débarrasser d'une chambre qu'il avait lui-même voulue avec tant d'imprévoyance. Après avoir frappé à toutes les portes, on consulta aussi Talleyrand, et l'on ne peut pas douter qu'il n'ait beau ́ coup contribué à la dissolution qui suivit bientôt. Ce fut, comme on l'a dit, un des derniers services qu'il rendit à la révolution. On sait qu'il avait eu beaucoup de part à la nomination du préfet de police, M. Decaze, principal auteur de la

funeste ordonnance de dissolution, et qu'il contribua également à sa promotion au ministère de la police après la retraite de Fouché. Il est donc bien permis de croire qu'il conserva quelque crédit sur un personnage de sa création, et qui devait si bien répondre à son origine! On doit aussi penser que l'exprésident du conseil avait conserve quelques relations avec son confrère, l'illustre diplomate Pozzo di Borgo, qui ne contribua pas peu à l'ordonnance de dissolution qu'on a appelée, avec tant de raison, le suicide de la monarchie. Louis XVIII, dont le premier mouvement avait été de repousser une aussi funeste mesure, ne résista plus quand il se vit en même temps assailli par ses ministres Decaze et Richelieu, par le parti de la révolution, enfin par l'ambassadeur d'Alexandre, Pozzo di Borgo, dont on sait assez que cet événement doubla la fortune. Un peu plus tard, et dans les derniers temps de sa vie, ce diplomate regrettait beaucoup, au moins en apparence, le rôle qu'il avait joué dans cette circonstance, et il nous a dit à nous même que plus d'une fois il en avait versé des larmes. Sans croire à là sincérité de ces larmes, nous pensons que l'ambassadeur d'Alexandre, qui avait connu plus qu'aucun autre les suites déplorables de l'ordonnance du 5 septembre 1816, et qui au fond était royaliste, regretta sin-` cèrement sa participation à cette déplorable mesure. Il exprimait même ses regrets à cet égard en termes peu respectueux pour son souverain, qui, nous disait-il, lui en avait donné l'ordre.

Ces détails nous écartent un peu de l'histoire du prince de Bénévent, mais il y ont plus de rapport que

cela ne paraît au premier coupd'œil; et, en y réfléchissant, on trouvera sans doute que ce n'est pas trop sortir de notre sujet que de montrer à quel point la diplomatie russe', toujours d'accord avec le parti révolutionnaire, intervint dans la dissolution d'une chambre si éclairée, si courageuse, et qui seule eût sauvé la monarchie malgré l'influence étrangère, malgré les révolutionnaires, malgré le roi luimême! Ce prince, ainsi que nous l'avons dit ailleurs, avait accepté le rôle de protecteur des principes et des intérêts du parti révolutionnaire qu'il méprisait et qui devait le perdre! Et il avait consenti à se rendre le persécuteur, on pourrait dire l'ennemi de son propre parti, des hommes qui seuls pouvaient et devaient maintenir sa couronne; il s'était laissé persuader qu'en France les royalistes sont en petit nombre, sans capacité, sans courage, qu'enfin il était impossible de gouverner avec eux. C'était par ces opinions, on le sait trop, qu'avait commencé sa carrière politique; mais il paraissait les avoir abandonnées quand Talleyrand et Fouché, d'accord avec les étrangers, l'y firent malheureusement rentrer; et il y persista quand ces deux hommes pervers ne furent plus ses ministres.

Cependant il survint alors pour l'ancien prélat quelques motifs de disgrâce qui sont restés secrets, mais dont on a cru voir la cause dans les rapports qu'il continuait d'avoir avec le duc d'Orléans. Après beaucoup de détours et de circonlocutions, Louis XVIII finit par lui déclarer un jour nettement qu'il désirait lui voir habiter ses terres; et il fut obligé de se retirer à son château de Valençay, puis à celui de Rochecotte, où l'on

doit penser qu'il s'ennuya singulièrement loin de toutes ses habitudes d'intrigue et de conspiration. Sa correspondance y suppléait bien quelquefois, il est vrai, et il ne lui était pas absolument défendu de venir dans la capitale. La mort de Louis XVIII ne mit pas fin à cette ennuyeuse po sition, et l'on sait que Charles X et son ministre Polignac, le redoutant encore davantage, le firent soigneusement surveiller, surtout aux approches de la révolution de 1830, à laquelle on ne peut pas douter qu'il n'ait pris une grande part.

On ne peut pas douter que ce soit par ses soins, et par ses rapports avec les chefs de l'opposition, que vers la fin de ce dernier règne le National ait été fondé. On sait que ce fut le journal qui contribua le plus à la chute de Charles X; mais on ne sait pas que MM. Thiers et Armand Carrel, qui en furent les fondateurs, se rendirent pour cela au château de Rochecotte, qu'habitait Talleyrand, et que tous les apprêts de cette entreprise y furent réglés. La police royale fut informée de tout cela par Donnadieu, dans le commandement duquel se trouvait le château; mais il ne fut pris aucune mesure pour en empêcher les conséquences. Le général Donnadieu, qui nous l'a luimême raconté, doutait que sa dépêche eût été remise au roi!

Pour compléter l'histoire d'une époque aussi importante et achever le portrait de l'homme qui y joua un si grand rôle, nous emprunterons un fragment de notre Biographie de Louis-Philippe, publiée en 1849, et dont aucune circonstance n'a pu être démentie. ... Dans cette énumération

[merged small][ocr errors]

de conseillers, de ministres, disions« nous dans cet ouvrage, nous avons à peine dit quelques mots sur le fa

[ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

«ces de la branche aînée ! Talley-plots. Après la mort de Louis XVIII,

• rand ne lui fut pas inutile pour

[ocr errors]
[ocr errors]

l'accueil si bienveillant et si tim

prévu qu'il reçut de Louis XVIII,

- et il est probable qu'il contribua beaucoup par son crédit, et par celui de l'abbé de Montesquiou sa créature, à la restitution ou plutôt « à la donation de ses immenses » biens. Lors du retour de Napoléon en mars 1815, Talleyrand était à Vienne, et il eut peu de part à ce qui se fit à Paris; mais il se mit aussitôt en rapport avec le duc d'Orléans, qui était allé, s'é-tablir en Angleterre, et ce fut lui qui remit aux souverains alliés ses Mémoires, rédigés dans ce pays de concert avec Dumouriez. On sait

"

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

quels doutes, quelles hésitations

ils n'eurent pas même besoin des

- apparences de la dissimulation.

[ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small]
« ZurückWeiter »