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comme Fouché et Talleyrand, celuilà devait être considéré comme un en cas, une probabilité. Le duc d'Otrante, en homme sage, avait aussi de fréquents rapports avec Gand; il y avait même envoyé, comme nous l'avons dit, un homme non moins rusé que lui, son ami, son confrère de l'Oratoire, Gaillard, qui lui avait rapporté de très bons renseignements. Enfin il avait ouvert une négociation, et conclu une espèce de traité, par lequel il réussit à neutraliser la Vendée, ce qui eut alors de graves conséquences, puisqu'il résulta de cette perfide convention avec trois chefs vendéens, qui furent ensuite désavoués par les leurs, que l'armée vendéenne resta immobile, lorsqu'elle eût pu s'approcher de Paris, après la bataille de Waterloo, et s'y trouver en même temps que Louis XVIII! Alors, sans nul doute, eussent échoué les intrigues d'Arnouville; alors toute l'armée royale, plus nombreuse que celle de Wellington et de Blucher, fût entrée avant elle dans la capitale! Alors point de ces honteuses concessions, de ce pillage, de ces exactions exercées par des alliés, contrairement à une capitulation formelle ! point de ces violences dont le récit doit à jamais flétrir ceux qui les ordonnèrent ou qui du moins ne surent pas les empêcher!

Après la rentrée si pénible, silongtemps entravée, du roi dans sa capitale, le premier soin fut d'achever la création d'un ministère, si indignement commencée. C'était une opéra» tion difficile, et dont personne autre que le président du conseil ne pouvait être chargé. Le duc d'Otrante lui-même n'eut pas le pouvoir d'y faire entrer un seul de ses amis. Encore une fois ce fut la table de whist presque

tout entière qui eut l'honneur d'être appelée à gouverner la France: d'abord l'inévitable abbé Louis pour les finances; puis M. Pasquier, l'ancien préfet de police, pour la justice; M. de Jaucourt pour la marine; enfin Gouvion-Saint-Cyr pour la guerre. M. Dambray et le duc de Feltre, les seuls qui jusque-là eussent fait preuve de quelque dévouement, d'un peu de caractère, furent impitoyablement écartés. Ce bizarre assemblage d'hommes jusque-là peu connus, et surtout fort opposés aux opinions monarchiques, donna lieu à beaucoup de chansons et d'épigrammes. Nous donnons, dans les documents historiques qui terminent la publication séparée de cette notice, des couplets assez piquants, qui furent faits à ce sujet. On sait qu'au temps de Mazarin comme au nôtre, la dernière resource des Français fut de chansonner leurs oppresseurs; et que le cardinal ministre s'en inquiétait fort peu,disant dans son bizarre langage: S'ils cantent, ils pagaront; et en effet les Français payaient et chantaient au temps de la Ligue comme en celui de Fouché et Talleyrand; mais il s'en fallait beaucoup qu'à la première de ces deux époques les charges fussent aussi dures, aussi accablantes que nous les avons supportées. Jamais il ne s'était rien vu de pareil, même dans l'antiquité, où les peuples vaincus devenaient esclaves, étaient considérés comme la proie du vainqueur, qui ne répondait à leurs gémissements que par ce terrible anathème : Væ victis!

Et cependant nous n'étions pas un peuple vaincu les rois qui nous traitaient ainsi étaient nos alliés par des conventions formelles, par des actes authentiques; ils n'étaient

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dans cette guerre que les auxiliaires à réparer toutes les injustices, du roi de France, et ils lui devaient punir toutes les félonies. Mais à secours et assistance contre tout quoi bon, aujourd'hui, toutes ces ennemi d'un pouvoir reconnu par récriminations? Ne sait-on pas assez, eux! Pour cela, ils avaient tout au plus droit à une indemnité de toire, que dans tout le cours de et n'est-ce pas un fait acquis à l'hisguerre, dont l'Angleterre avait fait cette longue guerre, de ces fud'avance tous les frais par des sub- nestes révolutions, l'intention des sides auxquels Louis XVIII aurait puissances ne fut jamais d'en réprieu part, s'il n'avait pas renvoyé avec mer, d'en châtier les véritables autant d'imprévoyance sa maison mi- teurs, mais au contraire de les ailitaire et tous les braves qui avaient, der, de les encourager secrètement, au mois de mars, voulu le suivre et par là d'arriver à la ruine, à l'adans l'exil. Si, comme il l'avait an- néantissement de notre malheureuse noncé dans ses manifestes, les frais patrie, d'une puissance rivale à lade la guerre ne devaient être sup- quelle les rois vaincus n'avaient pas portés que par ceux qui l'avaient encore pardonné les conquêtes de causée, il est évident que les roya- Louis XIV, et bien moins encore listes devaient en être exempts; la sans doute celles de Napoléon! justice et la politique le voulaient ainsi; mais, par une des plus choquantes anomalies de cette époque, ce fut précisément le contraire qui arriva. Le général en chef de l'armée prussienne, qui avait pris dans leur véritable sens les manifestes et les déclarations royales, commença par séquestrer, dès qu'il fut entré sur le territoire français, les biens de ceux qui lui furent désignés comme les auteurs de la révolution du 20 mars, et par là il porta l'épouvante dans l'esprit de tous ceux qui se trouvaient dans le même cas; mais ils furent hientôt remis de leur effroi quand ils virent que cette mesure, loin de nuire à ceux dont les biens avaient été ainsi séquestrés, les garantit au contraire de tous les pillages et dévastations qu'essuyèrent leurs voisins restés paisibles et fidèles, et qui, d'après les proclamations royales, les principes d'équité les moins contestables, devaient être épargnés! Tel a été, sous beaucoup d'autres rapports, le sort des royalistes, dans une restauration destinée

Cependant il faut convenir que, sur cela, tous n'étaient pas d'accord, et qu'à cette seconde invasion de 1815, il fut très malheureux pour la France que l'armée russe restât éloignée du théâtre des événements, et que les Prussiens et les Anglais fussent seuls chargés de l'occupation de Paris. Quels que fussent alors les mécontentements du czar envers Talleyrand, nous pensons que, s'il se fût trouvé à Paris dès le commencement, il n'eût pas souffert qu'en sa présence, contrairement à tous les traités, et plus particulièrement au mépris de la capitulation du 3 juin (32) signée par les représentants de tous les rois confédérés, et en son propre nom par le plénipotentiaire Pozzo di Borgo, il n'eût pas souffert, disons-nous, que ses alliés renversassent les monuments de notre gloire, ou dévastassent ces ma

(32) Par la capitulation signée à SaintCloud, le 3 juin 1814, toutes les propriétés publiques, à l'exception de celles qui avaient garauties par les alliés. rapport à la guerre, furent formellement

mettre avec personne! I leur avait tant demandé, tant concédé dans les intérêts de la révolution et des siens, qu'il n'osait plus rien pour la France!

gnifiques galeries, enrichies depuis plusieurs siècles par les travaux de nos artistes, par des traités solennels, et toutes enfin très-honorablement et très-légitimement acquises. De tous les actes de vandalisme qui signalèrent cette époque, celui-là fut sans contredit le plus odieux, le plus outrageant qu'ait jamais supporté la France. Aucun de nos ouvriers ne voulut y coopérer, et ce furent des Allemands, des Juifs, pour la plupart protégés par des soldats prussiens, qui enlevèrent brutalement les chefs-d'œuvre de tous les siècles, qui en brisèrent et anéantirent brutalement plusieurs. Ce fut dans le même moment que le stupide Blucher voulut faire sauter un pont parce que ce pont s'appelait le pont d'léna, et que Louis XVIII ne l'en empêcha qu'en déclarant qu'il allait se placer dessus, et qu'il von cruelle année 1815, il s'agissait, te fit sauter en même temps!

Mais là ne devaient pas se borner nos calamités. Un million de soldats venait d'envahir nos provinces, et les deux tiers de la France, occupés par ces légions d'allies, durent satisfaire les besoins et souvent obéir aux caprices de soldats indisciplinés, de chefs irrités dès longtemps. Ceux de nos magistrats, de nos administrateurs, qui eurent assez de courage et de dévouement pour résister à ces indignités, furent enlevés sans pitié et transportés prisonniers jusqu'aux bords de l'Oder! Et pendant ce temps le président du conseil de Louis XVIII, l'ancien plénipotentiaire de Vienne, qui avait signé tous les traités, tous les engagements des rois, dont le devoir, à ce double titre, était d'en exiger, d'en requérir l'exécution, resta impassible, affectant de ne contrarier aucune puissance, de ne se com

Les choses en vinrent cependant au point qu'il fut obligé de se montrer, quand nos impitoyables alliés exigèrent de plus grands sacrifices encore, soit en argent, soit en concessions de territoire. Mais son discrédit était tel, depuis que l'on connaissait sa disgrâce auprès de l'empereur Alexandre, qu'il nuisait aux négociations, bien loin de les rendre faciles. Ce n'était plus l'époque où les princes de l'empire venaient humblement lui demander la faveur d'être admis dans la confédération du Rhin, et ne manquaient pas de se faire précéder de tributs séducteurs..... C'était alors le temps des bonnes affaires! Mais dans cette

au contraire, de rendre à ces mêmes princes beaucoup plus, sans doute, qu'il n'en avait reçu quand il dictait les conditions des traités. On conçoit donc facilement le dégoût qu'il eut bientôt de sa nouvelle position. Comme il n'avait jamais eu de penchant décidé pour les arts ni pour les artistes, il avait vu sans beaucoup de peine la destruction de nos musées et de nos galeries; mais quand il fut question du démembrement de la France, de plusieurs centaines de millions qu'il fallut payer, le président du conseil commença s'émouvoir; il fit quelques représentations, mais faiblement, et craignant toujours de compromettre les intérêts révolutionnaires.

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Ce fut le 21 sept. que commencèrent les négociations dans une assemblée des représentants de toutes les puissances, qui en posèrent les basés sur la cession par la France,

de tout ce qui ne faisait pas partie de son ancien territoire, sur le payement d'une indemnité et l'occupation d'une partie de nos places fortes pour un temps déterminé... Quelque effrayantes que fussent de pareilles bases, il se trouva des puissances qui en demandèrent de plus dures encore. L'Allemagne voulait qu'on réunît au corps germanique l'Alsace, la Lorraine, et elle demandait, en outre, que la France perdît la Flandre, le Hainaut, une partie de la Franche-Comté, de la Champagne, du Bugey. etc., etc. Déjà la carte était dressée, et le royaume de saint Louis allait disparaître... A ces accablantes demandes, Louis XVIII sentit enfin qu'il était impossible d'établir le trône de Louis XIV sur d'aussi infimes proportions; et dans une conférence secrète avec lord Wellington et l'empereur Alexandre, qui, enfin, était venu à Paris, il demanda au généralissime si l'on voudrait encore le recevoir en Angle terre, dans sa maison d'exil... A ces mots le czar, soudainement transporté par un de ces mouvements de générosité qui lui étaient naturels, mais qu'il ne soutenait pas toujours, s'écria: · Non! non! Votre Majesté ne perdra point ces provinces; je • ne le permettrai pas!.....» Et ces provinces ne furent point perdues! et le traité de pacification fut établi sur d'autres bases! Mais ce ne fut pas Talleyrand qui le signa.

Quelques jours avant la conclusion de la paix avec les puissances confédérées, le prince de Bénévent et son digne collègue le duc d'Otrante, effrayés des manifestations du royalisme contre le parti révolutionnaire, qui devenaient d'autant plus vives que le pouvoir royal semblait se liguer avec lui, se vi

rent obligés de quitter le ministère. A l'exemple des gouvernements de la révolution, qui n'avaient jamais manqué d'envoyer aux rois de la famille des Bourbons quelques régicides pour ambassadeurs, Fouché fut envoyé au roi de Saxe, proche parent de Louis XVIII! Quant à Talleyrand, sa retraite n'eut pas même les apparences d'une disgrâce; le roi le nomma son premier chambellan, avec cent mille francs de traitement, et le prince de la diplomatie conserva, on ne peut en douter, une grande influence dans le gouvernement. Tous ceux qu'il avait fait nommer, tous les coryphées de son parti, conservèrent leurs emplois. Le duc de Richelieu, qui lui succéda, n'avait guère d'autre titre à une telle distinction que la protection de l'empereur Alexandre. Après avoir passé la moitié de sa vie dans les déserts de l'ancienne Tauride, il ne connaissait pas plus en France les personnes que les choses. Le prince de Bénévent fit dès le commencement tous ses efforts pour le discréditer, et, ne trouvant rien de mieux, il lança contre lui un de ces bons mots dont il avait l'habitude d'écraser ses rivaux. « C'est l'homme de France, dit-il, qui connaît le mieux la Crimée. Louis XVIII ne l'avait guère accepté que pour complaire à l'empereur Alexandre, pour obtenir quelque adoucissement ditions du traité dont nous étions menacés; et il s'en faut de beaucoup qu'à cet égard son espoir ait été complétement réalisé.

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aux con

Enfin ce fut après avoir encore échangé quelques notes et ultimatums, que les plénipotentiaires des hautes puissances signèrent, le 30 nov. 1814, ce monument d'oppression, cette infraction si manifeste de

tous les traités qui l'avaient précédé, et que signa aussi, pour le roi de France, le duc de Richelieu, plus mort que vif, ainsi qu'il l'écrivit le lendemain à son ami Terrier de Monciel. Et tout exorbitante que furent les clauses de ce nouvel acte, il faut encore reconnaître que nous dûmes beaucoup à l'intervention du czar. D'abord ce fut par la générosité de ce prince que nous conservâmes plusieurs de nos provinces et que la durée de l'occupation par cent cinquante mille hommes fut réduite à cinq, puis à trois ans, et la contribution de guerre de 800 à 600 millions. On sait que la principale mission de cette armée de garnisaires, commandée par le duc de Wellington, fut d'assurer la rentrée de ces énormes tributs, et aussi de garantir la tranquillité de l'Europe contre le système révolutionnaire. Nous verrons plus tard comment cette garantie fut comprise par le généralissime qui avait eu tant de part à la création du ministère Fouché-Talleyrand, et par ces puissances assez aveugles pour ne pas voir que c'était par leur persistance, leur obstination à faire prévaloir un système aussi anti- monarchique, que le trône de Louis XVIII était tombé! Et pour mettre le comble à ces funestes aberrations, les hautes puissances qui renouvelèrent pour la seconde fois à cette époque l'alliance de Chaumont et de Vienne, par laquelle elles s'étaient engagées à étouffer en France toute tentative, toute idée de révolution, déclarèrent, par le même acte, que le repos de l'Europe était essentiellement lié à l'affermissement de la charte constitutionnelle qu'ils avaient forcé le roi d'accepter, en d'autres termes,à l'ordre de choses que, de concert avec les hommes de

la révolution, représentés par Fouché et Talleyrand, ils avaient euxmêmes imposé à la royauté ! Et dans la note par laquelle ce nouvel acte fut communiqué au ministère francais, le plénipotentiaire britannique qui l'avait dictée, tout en félicitant le roi de France sur son attachement au système constitutionnel, et en le pressant vivement d'y persister, lui donna des avis ou plutôt des ordres. Ainsi il est trop vrai que, même après la dure leçon des cent jours, l'Europe ne reconnut pas la faute qu'elle avait faite, en désarmant la royauté, en la privant, de concert avec le parti révolutionnaire, de tous les moyens de répression que lui donnaient ses anciens droits et qui eussent garanti sa durée. Par suite de ce fatal aveuglement, la charte fut imposée aux Bourbons, non pas certainement comme une restauration monarchique, mais comme une réhabilitation, une garantie de tous les intérêts révolutionnaires, avec l'impunité de tous les torts et de tous les crimes. Les conséquences de cet absurde système, qui consistait à recréer la monarchie avec les principes et les hommes de la révolution, même avec les juges, les assassins du monarque, se firent bientôt apercevoir. De graves soulèvements écla tèrent dans plusieurs départements, et il y eut, dans le midi surtout, des victimes, toujours regrettables qu'elle qu'en soit la cause, parmi les hommes que les royalistes ne purent voir sans indignation se perpétuer au pouvoir et les persécuter encore! On craignit un soulèvement géné ral, et dans des rapports au roi, que l'on a crus exagérés, mais qui étaient vrais pour la plus grande partie, Fouché établit que ces craintes

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