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Mais le jour où les ennemis de la France, réunis au parti de la révolution, tombaient d'accord sur un pareil choix, beaucoup de royalistes, surtout ceux qui s'étaient formés en volontaires royaux avant le 20 mars, serendaient aux mêmes lieux, les uns avec des armes, les autres avec l'es poir d'en trouver, tous avec le désir le plus vif de ramener le monarque dans sa capitale. Aux cris de Vive le roi qu'ils faisaient retentir dans les cours du château où ils entrèrent en foule, Louis XVIII parut s'être ému, et l'on crut qu'il allait partir pour se rendre à Paris avec une escorte aussi flatteuse, aussi touchante. Plusieurs officiers, mettant l'épée à la main, lui montrèrent radieux le chemin de sa capitale. Il ne s'y refusa pas d'abord et ce fut sans doute pour prendre conseil qu'il quitta ces braves serviteurs. Ils espéraient encore qu'il se rendrait à leurs vœux; mais ils n'y comptèrent plus quand ils virent M. Pasquier, venu de Paris, entrer dans le château et y rester longtemps en conférence avec Sa Majesté. On ne douta pas alors que l'ancien préfet de police ne fût venu annoncer la nomination de son chef le duc d'Otrante, et faire connaître à Louis XVIII qu'avant qu'il se rendît dans sa capitale, il fallait que le nouveau ministre y préparât son entrée et surtout qu'il disposât toutes choses pour sa sûreté, attendu que le parti de la révolution, les fédérés, enfin ses ennemis de toutes les couleurs, étaient encore armés et très menaçants. Ce fut avec ce vain épouvantail que le maître de Talleyrand réussit à tenir éloigné de sa capitale pendant une semaine le roi qui brûlait de s'y rendre et que tout Paris attendait, que tout Paris eût salué de ses acclamations!

Les circonstances de ce second avénement des Bourbons, qualifié si improprement de restauration monarchique, sont aussi remarquables que celles du premier; les causes, lés résultats ont été les mêmes, et nous ne fûmes pas moins bien placé pour les voir, les observer; nous pouvons donc en parler avec plus de vérité et d'exactitude qu'aucun des historiens qui nous ont précédé. Comme Talleyrand, principal objet de cet ouvrage, y eut encore une grande part, ce sont des faits qui lui appartiennent également.

Depuis les derniers jours de juin, où Paris était, non pas assiégé, ni même bloqué, mais seulement environné d'une armée anglo-prussienne, qui osait à peine en approcher, beaucoup d'agitation et d'inquiétude s'y manifestait sans qu'on en sût positivement la cause. Ce n'est que bien plus tard et après un long examen qu'on a pu savoir que ce tumulte n'était que le résultat des intrigues, des sourdes menées de Fouché et Talleyrand, qui, d'accord avec les chefs des armees étrangères, voulaient un jour effrayer le parti révolutionnaire et les chambres par des rapports sur les haines, les fureurs du royalisme, et le lendemain épouvanter les royalistes par d'autres mensonges sur l'audace et la force du parti révolutionnaire! C'est avec ces fantasmagoriques apparitions que le président de la commission de gouvernement parvint à dominer la capitale, et en tint si longtemps éloigné le trop crédule Louis XVIII, qui cependant était aussi un homme rusé, et non moins dissimulé peut-être que ceux dont il allait faire ses ministres! Personne ne fut mieux que nous à portée d'apprécier la force et les efforts des partis à

à cette époque. Comme Énée, nous pouvons dire de cet autre siége d'llion miserrima vidi, et rien n'empêche aujourd'hui que nous disions toute la vérité sur de misérables faits où figurèrent des hommes non moins fourbes, non moins perfides qu'Ulysse et Sinon. Pour parler d'abord des révolutionnaires, je puis affirmer que, surtout après le départ des débris de Waterloo, qui se retirèrent derrière la Loire, ce parti ne consistait guère qu'en quelques agents de police sous la main de Fouché, et quelques fédérés des faubourgs qu'il faisait également mouvoir à son gré, mais dont il se serait bien gardé de lâcher à la fois la meute tout entière. Quant aux royalistes, je puis en parler plus exactement encore, puisque, à la fatale époque du 20 mars, ils avaient bien voulu me reconnaître pour un de leurs chefs, et que notre éphémère organisation s'était secrètement maintenue pendant l'interrègne; que, tous connus les uns des autres, nous avions eu de frequentes réunions, même des mots d'ordre, des instructions que les embarras de cette époque avaient singulièrement favorisés. Comme, pour la plupart, nous appartenions à la garde nationale, nos armes étaient prêtes, et je ne doutais pas que dans l'occasion tout le monde se fût conduit comme nous l'aurions fait trois mois auparavant, si nous avions été commandés. Mais, ainsi que l'a dit un orateur à la tribune des députés, « ce n'est pas les bras qui ont manqué * au vingt mars!» Dès que nous apprîmes l'arrivée du roi à Arnouville, nous ne doutâmes point qu'il ne voulût entrer aussitôt dans sa capitale, et il fut décidé par les volontaires dont j'avais le commandement, que nous nous réunirions

dès le lendemain, et que nous irions au-devant de Sa Majesté, ce qui nous paraissait très-facile, très-simple, et ce qui aurait certainement eu lieu si le même jour on ne nous eût pas fait dire que cette démarche ne serait point approuvée par le roi, et qu'il fallait nous en abstenir. Comme cet avis nous vint des compagnies de la rive gauche, plus particulièrement placées sous l'influence de Fouché, j'ai toujours pensé que ce fut un des moyens qu'il employa pour retarder le retour de S. M. Quoi qu'il en soit, il fallut renoncer à une entreprise qui, faite partiellement, ne pouvait réussir, et qui, par une réunion bien concertée devait avoir les plus grands résultats. Pour être bien persuadé que ce n'était pas une chimère ni une vaine illusion, il faut se rappeler qu'il n'y avait plus dans Paris d'autre pouvoir que celui de la commissiou de gouvernement que présidait Fouché, d'autres troupes que la garde nationale, dont la grande majorité attendait le roi, et qu'un mouvement des volontaires royaux, qui appartenaient à toutes les légions, eût certainement entraînée! Aụcun étranger n'avait pénétré dans Paris, et les appartements des Tuileries étaient prêts; sur tout son chemin il n'eût reçu que des applaudissements; Fouché lui-même, voyant que dans son propre intérêt il n'avait rien de mieux à faire, serait venu au-devant de lui, et Talleyrand n'eût pas manqué de le suivre.

J'étais livré à ces tristes réflexions avec quelques amis, lorsque, dans la soirée du 5, il me vint un message du roi avec le manuscrit de sa proclamation de Cambrai et l'ordre de l'imprimer et faire afficher sur-lechamp. Comme, depuis la Déclaration du 31 mars 1814, rien ne m'avait

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été ordonné ni demandé pour le rendîmes ensemble à la préfecture service de Sa Majesté, je fus surpris, de police, alors occupée par M. Courmais très-flatté, qu'on voulût bien se tin. Les huissiers qui étaient à sa souvenir de moi dans de pareilles porte m'ayant demandé de quelle part circonstances. Dès le lendemain de je voulais lui parler, je leur répontrès-bonne heure, la proclamation dis hautement, et de manière qu'il pût royale fut affichée sur tous les murs m'entendre lui-même, que c'était de de la capitale, et principalement dans la part du roi! Comme depuis plules faubourgs où se trouvaient les fé- sieurs jours on annonçait que Louis dérés, ainsi que je l'avais recóm- XVIII était aux portes de Paris, et mandé. Tout le monde la lut avec le qu'on disait à chaque instant qu'il plus grand empressement, et des allait y entrer avec des projets de groupes nombreux se formèrent pour vengeance, ces huissiers parurent efcelà au coin des rues, même devant frayés, et ils entrèrent aussitôt dans ma porte au centre de Paris, sans que le cabinet du préfet, qui sortit immé personne proférât aucune injure ni diatement lui-même avec un air égaune menace contre le roi Louis XVIII lement très-effrayé, et me demanda au nom duquel tout cela se faisait, ni l'objet de ma visite: « Je viens me contre les afficheurs qui poursuivaient plaindre, lui dis-je, que vos gens impassibles leur importante opéra-se permettent d'enlever une affiche tion,ni même contre l'imprimeur qui « que j'ai fait poser ce matin sur les n'avait pas craint d'y apposer son « murs de Paris, par ordre du roi... nom,son adresse et sa qualité d'impri- - J'ai bien connaissance de cette meur du roi, qu'il avait perdue depuis trois mois, mais qu'il osa reprendre dans une aussi belle occasion! Pendant ce temps, j'étais resté fort paisible chez moi, où quelques volontaires du mois de mars venaient à chaque instant et me proposaient d'aller à Arnouville. N'ayant reçu aucun autre avis que celui de la veille, je ne savais que leur répondre, lorsqu'un ami vint me faire compliment sur l'affiche royale, et me pré-versation'en lui faisant observer que, vint qu'il avait vu des agents de police l'arracher, qu'il pensait que c'était par ordre, et que je devrais en porter mes plaintes au préfet de police, proposant de m'y accompagner. Comme c'était un magistrat honorable (30) et que sa présence donnait à ma démarche un caractère d'authenticité, je n'hésitai point, et nous nous

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(30) M. Roussiale, alors substitut du procureur du roi près le tribunal de la Seine.

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affiche, me dit-il, mais je n'ai donné - aucun ordre de l'enlever.-Eh bien, « monsieur, répliquai-je, si vous n'a«vez pas donné d'ordre pour qu'on l'enlève, ayez la bonté d'en donner pour qu'on la respecte... Je rendrai compte au roi de ce que vous aurez fait.. Et il promit de donner ces ordres aussitôt. Sur quoi, M. Roussiale lui ayant adressé quelques interpellations un peu vives, je mis fin à la con

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monsieur le préfet promettant de donner immédiatement des ordres, nous n'avions plus rien à dire. Le préfet réitéra sa promesse, et nous nous retirâmes. M. Roussiale m'ayant alors dit qu'il conviendrait de faire une pareille démarche auprès du commandant de la garde nationale, afin qu'il donnât aussi des ordres pour que la proclamation du roi fût respectée, je m'y refusai, en faisant observer à mon brave ami que nous

pourrions bien n'avoir pas aussi bon marché du maréchal Masséna que du préfet Courtin. Il trouva que mon observation était juste, et nous revînà mon domicile, où nous vîmes encore plusieurs volontaires du mois de mars qui, malgré les avis contraires, voulaient aller ce jour-là même au-devant du roi, et me pressèrent vivement de les accompagner. Je ne pus résister à leurs sollicitations, et malgré les prières, les larmes de ma famille, je partis avec eux pour Arnouville. Nous trouvâmes sur le chemin beaucoup de royalistes qui, comme nous, allaient au-devant du roi, et ne doutaient pas que S. M. ne revînt avec eux. Sans les dirimantes intrigues de Fouché et de Talleyrand, je crois que nous y eussions trouvé la moitié de Paris! A notre entrée dans le village, nous fûmes témoins d'une scène fâcheuse, mais qui ne nous étonna pas. Les gardes du corps indignés avaient arraché les épaulettes d'un de leurs chefs qui, après avoir été comblé des bienfaits du roi, s'était rangé sous les drapeaux de l'usurpation, dès qu'il l'avait vu triomphante, et venait insulter en quelque façon à la fidélité de ses camarades. C'était, hélas ! l'histoire de beaucoup de gens dont on n'arrachait pas les épaulettes, et qu'on allait, au contraire, une seconde fois combler de bienfaits! Ce petit événement causa un grand effroi dans le château, où ce pendant personne ne devait redouter un pareil châtiment; mais on sait que dans cette maison l'on a trop souvent eu peur du courage des autres, même de celui des meilleurs amis ! Sans nous arrêter à cet incident,nous nous précipitâmes en foule dans les cours où nous ne vîmes d'abord que des visages sombres et quelques rares amis qui osaient à peine nous

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reconnaître, qui nous félicitaient d'avoir échappé aux fureurs des fédérés. Nos vivat, nos cris de joie purent à peine les dissuader.... Cependant le roi, qui jusque-là était resté dans le fond de son appartement, parut enfin nous avoir entendus; nous le vîmes paraître et venir à nous jusque sur la pelouse de la première cour, voulant être, nous dit-il gracieusement, au milieu de ses vrais amis! Il serait difficile d'exprimer ce que furent alors les cris, les transports qui éclatèrent dans tous les groupes de ces vrais amis qui pressèrent, supplièrent le monarque de partir à l'instant pour Paris, où tout le monde l'attendait, où tout était prêt pour le recevoir. Cette scène fut véritablement touchante; elle dura près d'une heure, et Louis XVIII en parut très ému. Sans consentir précisément à un départ immédiat, il ne s'y refusa pas formellement, et s'éloigna en nous laissant croire qu'il allait s'y préparer. Quelques-uns le pensèrent; pour moi, je le crus d'autant moins, qu'au même instant je vis entrer dans le château un des hommes destinés à faire partie du ministère de conciliation et d'oubli qui venait d'être définitivement arrêté avec toutes les garanties exigées par la révolution, au quartier général anglais, sur les indications de Fouché, de Talleyrand, qui devaient eux-mêmes en être les chefs! On sut bientôt que ce grand œuvre de réformation serait présenté au roi le lendemain, et que ce prince ne devait pas s'éloigner d'Arnouville, qu'il devait surtout bien se garder d'aller à Paris,où sa proclamation avait été mise en pièces et l'imprimeur obligé de prendre la fuite! Il y eut des gens de la cour qui, tout consternés, vinrent me raconter ce fait à moi-même, de

plorant le sort des royalistes, et j'ens bien de la peine à leur prouver qu'il n'en était rien. On conçoit que, sous de tels auspices, personne n'osa plus compter sur le départ du roi. Il fallut se résigner, et revenir tristement dans la capitale avec quelques-uns des volontaires qui m'avaient suivi.

Il était encore jour quand nous fûmes de retour, et nous traversâmes très paisiblement les rues avec nos armes et nos uniformes sans rencontrer un seul fédéré, et sans que personne proférât contre nous une menace ni une injure. Je vis même encore sur ma porte les affiches royales que j'y avais fait apposer le matin et que, sans doute, M. Courtin avait recommandées à ses agents, suivant la promesse qu'il m'en avait faite. Rentré chez moi, j'y trouvai encore quelques amis venus pour avoir des nouvelles du roi, pour savoir s'il allait entrer à Paris. « J'ai vu le roi, leur dis-je; il se porte bien; je ne sais pas quand il en • trera à Paris; mais je crains bien que ⚫ ce ne soit pas par une bonne porte. Et je les quittai un peu brusquement pour aller prendre quelque repos dont j'avais grand besoin. Le lendemain, je persistai dans ma résolution de ne pas sortir, et je résistai aux sollicitations de beaucoup de volontaires qui vinrent encore me prier de me mettre à leur tête pour aller au-devant du roi! Du reste cette journée du 7 juillet fut très-paisible. Fouché et Talleyrand touchaient au terme de leurs intrigues, et ils n'avaient plus besoin d'agitation ni d'émeute. Depuis huit jours, ils étaient sans cesse en conférence avec le duc de Wellington et Pozzo di Borgo. Le duc d'Otrante n'avait oublié, auprès de ces représentants des puissances, aucun de ses moyens de

persuasion, exagérant toujours la puissance, la force du parti révolutionnaire, affaiblissant, atténuant celle des royalistes. Le généralissime se laissa d'autant plus facilement persuader, que c'était précisément ce qu'il avait entendu dire à Vienne par le prince de Bénévent, qui ne cessait de répéter qu'on ne pouvait rien changer aux préjugés, à l'esprit routinier des royalistes. De tout cela Fouché concluait qu'il fallait, pour contenir et diriger ces partis opposés, un homme supérieur, un homme qui fût capable d'imposer à tout le monde, de repousser la haine des uns, les prétentions exagérées des autres. C'était évidemment de lui que l'ancien ministre parlait ainsi. Talleyrand, qui l'entendait, ne déniait rien, bien qu'il ne le regardât pas comme un homme qui lui fût supérieur, et qu'il ne voulût pas certainement se désister en sa faveur de la présidence du conseil. Du reste ces deux chefs du parti révolutionnaire étaient parfaitement d'accord quand il s'agissait de leurs intérêts communs. Ils voulaient l'un et l'autre l'amnistie sans réserve, sans condition, et dans laquelle ils pussent comprendre la conservation des places, des titres, l'impunité des crimes, la garantie des spoliations, sans indemnité et sans dédommagement pour les victimes! d'où il résultait évidemment que tout ce qui ayait été fait était fort bien, qu'il n'y aurait point d'inconvénient à recom

mencer!

C'était le 6 juillet que tout avait été définitivement arrêté et convenu au quartier général britanique, en présence de lord Wellington, de Pozzo di Borgo, et des deux illustres chefs de la révolution, que le généralissime se chargea de présenter lui-même à Louis XVIII. Le prince de Bénévent

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