Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

quand il proposa la liquidation de la dette publique arriérée, jusque-là repoussée par tous les gouverne ments, surtout par celui de l'empire, qui ne s'était pas cru obligé de payer les dettes de la révolution. Le projet fut vivement appuyé par les orateurs du parti révolutionnaire, qui pour la plus part y avaient un intérêt personnel. Il ne manquèrent pas de dire que, dans un moment où la France avait besoin d'un grand crédit, le plus sûr moyen d'en obtenir était de payer ses dettes; ce qui eût été vrai, si ces dettes avaient été celles de la royauté, et si toutes eussent été contractées au profit de l'État. Ce qui est bien plus vrai, et malheureusement trop positif, c'est que cette liquidation a coûté horriblement cher, qu'elle a passé presque tout entière dans les mains des étrangers, des ennemis de la France, qu'enfin elle a ouvert le gouffre où s'écoulera encore longtemps le sang des générations. Un projet moins important, mais plus spécialement encore destiné à complaire au libéralisme, fut la proposition du même ministre, de vendre trois cents mille hectares de biens d'Église qui avaient échappé aux conséquences des premières spoliations, et que l'on aurait pu rendre au clergé comme on avait fait des biens d'émigrés qui se trouvaient dans le même cas. Ce projet fut trèschaudement discuté à la chambre des pairs; et il n'est pas inutile de dire que l'ancien évêque d'Autun, le protecteur, le constant ami du financier Louis, qui avait lui-même, à la tribune de l'assemblée constituante, provoqué avec tant d'ardeur les spoliations, les ventes des biens du clergé, se montra encore dans cette occasion fort opposé à tout

projet de restitutions ou de dédommagement, et que, par un long discours, il appuya tous les projets de l'abbé Louis. Il y ent encore à cette époque, aux deux chambres, quelques discussions non moins irritantes sur des questions de biens nationaux, sur les garanties à donner aux acquéreurs dont par-dessus tout il fallait assurer le repos !

Quant aux victimes, aux familles dépouillées, il ne leur fut pas même permis de faire entendre une plainte ni un gémissement. C'étaient des gens indignes, sans capacité, sans courage, qui n'avaient rien oublié, rien appris, qui avaient le tort irrémissible de penser aux biens qu'on leur avait pris, de ne pas oublier leurs parents qu'on avait égorgés! Il fut fait une loi qui interdit toute réclamation, toute plainte en leur faveur,et des hommes d'un hauté probité furent traînés en justice et condamnés pour l'avoir enfreinte ! Pour les royalistes fidèles, qui avaient refusé toute participation aux actes révolutionnaires, qui avaient été victimes de leur zèle par l'incarcération ou d'autres infortunes, ils n'étaient bons qu'à livrer aux risées de la multitude; c'est ce qui fut fait dans plusieurs pamphets, même dans quelques journaux subventionnés par la liste civile. Ce que la postérité ne croira pas, c'est que le roi Louis XVIII lui-même prit part à la rédaction d'uue pièce de théâtre (la Famille des Glinets) consacrée tout entière à déverser le ridicule sur les gens de bien qui, pensant que leur tour était enfin arrivé de concourir au bonheur de la patrie, venaient lui offrir leur services, et se voyaient repoussés par l'ingrate royauté, qui les persiflait,

qui insultait à leur fidélité. Beaucoup de pamphlets dans le même sens parurent à cette époque. Le régicide Carnot alla jusqu'à dire, dans un odieux libelle qu'il eût l'audace d'adresser au roi lui-même et de faire crier dans les rues, que la condamnation de Louis XVI était un acte de justice, que c'était d'ailleurs aux émigrés, aux royalistes qu'il fallait l'attribuer. Et tout cela se faisait en présence du monarque et de ses ministres, qui s'en défendaient à peine, qui ne paraissaient occupés que de repousser, de calomnier les royalistes! Enfin il ne fut plus possible de douter que c'était au profit de la révolution et de ses promoteurs, beaucoup plus qu'à celui de la royauté et de ses amis, de ses vé ritables défenseurs, que cette restauration s'était faite.

chambre des pairs, qu'il le [proposa même pour directeur général de la police; mais la tache du régicide l'en éloigna pour le moment. Sur ce point l'on n'avait pas encore surmonté tous les scrupules de Louis XVIII. Nous ne pensons pas d'ailleurs que ce prince ait beaucoup mieux fait en confiant ces importantes fonctions à Dandré, ancien collègue de Talleyrand, qui l'avait retrouvé en 1793 à Londres où ils s'étaient très-bien entendus, et qui, comme lui habile spéculateur, bien que long-temps agent secret de Louis XVIII, ne s'était pas beaucoup éloigné du système et des opinions de l'ancien évêque.

Le congrès de Vienne fut encore un théâtre bien digne du prince des diplomates, et l'on ne peut pas dire qu'il y ait fait défaut à sa grande renommée. Cependant il n'y conserva pas l'influence qu'il avait eue sur les événements de Paris. On a dit que cette réunion sans exemple de rois et de potentats devait être, par ses conséquences, là dernière limite de la révolution, comme, deux siècles auparavant, le congrès de Westphalie l'avait été du schisme de Luther. Nous pensons qu'il y a beaucoup de vérité dans ce rapprochement, et que la présence de Talleyrand dut y ajouter encore. Si la puissance fran

Et l'on sait qu'à côté de ces provocations à la révolte, de ces audacieuses manifestations, se tramaient secrè tement des complots trop réels, tels que la conspiration militaire qui avait commencé le jour de l'entrée de Louis XVIII à Paris, et qui s'était si bien organisée que les affiliés recevaient une solde, étaient soumis à des inspections, des revues, qu'enfin leur discipfine était plus régulière que celle de l'armée royale! Lorsqu'à ce complot se fut réuni le parti révo-çaise qu'il fut chargé d'y représenter lutionnaire, que dirigeait Fouché et était devenue trop infime pour qu'il Carnot, le succès ne fut plus dou- y jouât le premier rôle, pour qu'il y teux; Talleyrand, qui s'était ligué fût ce qu'avaient été les envoyés de depuis long-temps, comme nous l'a- Louis XIV à Munster, ce qu'il avait vons dit, avec l'ancien ministre de été lui-même à Presbourg, à Tilsitt, la police, eut connaissance sans au- on doit au moins reconnaître que, cun doute de toutes ces intrigues, comprenant bien sa position, il vit et l'on sait qu'avant de se rendre au qu'il avait besoin de plus de soucongrès de Vienne, voulant, selon plesse, d'habileté, et que s'il ne réusson usage, se ménager un appui pour sit pas en tous points, il se montra toutes les éventualités, il chercha à digne du titre de prince des diplofaire entrer le duc d'Otrante dans la mates qu'on lui avait donné depuis

[ocr errors]
[merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors]

dit, parce qu'il me servira par ses relations, à propager les secrets

que je veux que tout le monde

sache. Noailles est l'homme du pavillon Marsan, et quant à être surveillé, il vaut mieux l'être par

celui que j'ai choisi. La Tour du Pin

- me servira à signer les passeports

[ocr errors]
[ocr errors]

et La Besnardière sera pour le travail. »

La première et la plus importante des questions qui durent être traitées fut celle de la Saxe que la Prusse voulait tout entière, et que la Russie, qui l'occupait par ses troupes, était près de lui livrer, ce dont elle prétendait bien se dédommager par le duché de Varsovie, depuis longtemps convoité. L'Angleterre parais sait avoir consenti à ces spoliations et son envoyé lord Castelreagh avait exprimé clairement son opinion à cet égard dans une note au prince de Hardenberg, ministre prussien.

[ocr errors]

K

[ocr errors]
[ocr errors]

Je déclare, lui avait-il dit, que, si l'incorporation de la totalité de ce pays dans la monarchie prussienne « est nécessaire pour assurer en Eu« rope la sûreté et la confiance gé nérale, quelque peine que j'éprouve personnellement à l'idée de voir « une ancienne maison, si profondé- ment affligée, je ne saurais nourrir • aucune répugnance morale ou politique contre la mesure elle-même. « Si jamais un souverain s'est placé <« dans le cas de devoir être sacri• fié à la tranquillité future de l'Eu«rope, je crois que c'est le roi de Saxe, qui, par ses tergiversations perpétuelles, et parce qu'il a été ⚫ non-seulement le plus dévoué, mais aussi le plus favorisé des vassaux

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small]

«

[ocr errors]

a

[ocr errors]

pas qu'il y a eu en Allemagne plusieurs exemples d'une immo• ralité publique du même genre; je « ne serais pas fâché qu'en pardonnant à la masse des coupables, on fit un exemple sur un d'entre eux, pour arrêter le cours d'une cala• milé aussi intolérable. » C'était là, il faut en convenir, un bien singulier langage dans la bouche d'un envoyé britannique parlant à un ministre prussien! et si Talleyrand voulut en empêcher les conséquences, nous ne pensons pas que ce soit avec l'intention de punir un acte d'immoralité publique. D'autres causes le firent agir, nous n'en doutons point, et, s'il ne réussit pas entièrement, on ne peut en accuser ni ses intentions, ui son habileté. L'affaire était difficile. Tout semblait arrêté, et même en voie d'exécution, lorsqu'il arriva au congrès le 25 septembre 1814. Malgré la protestation du roi de Saxe, qu'on retenait prisonnier dans le château de Frédérichfeld, et les scrupules de l'empereur François II, qui hésitait à concourir au détrônement d'un prince son parent, la Prusse avait pris possession des États de ce prince, qui lui avaient été remis par les troupes Russes, et de son côté l'empereur Alexandre s'était emparé du grand-duché de Varsovie évacué par les Prussiens. Le prince de Bénévent ne parut point effrayé des obstacles que lui présentait un pareil état de choses. Il ne renonça pas au projet qu'il avait formé d'empêcher que la Saxe tout entière ne passât dans les mains de la Prusse, et le duché de

Varsovie dans celles de la Bussie. Il conçut en même temps un autre projet, qui en apparence ne présentait pas moins de difficultés, mais qui, pour lui personnellement, dut présenter de plus grands avantages ce fut de rendre à la maison de Bourbon le trône des DeuxSiciles, occupé par Joachim Murat, beau-frère de Napoléon. On doit penser de combien d'intrigues et de sourdes menées de telles opérations furent la conséquence. Le prince des diplomates était là dans son élément, et l'on peut être assuré qu'il n'y fit point défaut à sa renommée. Quand l'empereur Alexandre en eut connais sance, et quand surtout il apprit que c'était contre lui-même et contre son intime allié le roi de Prusse que ces plans étaient dirigés, il en fut d'autant plus étonné qu'en ce moment-là même il désirait sincèrement resserrer encore les liens qui l'attachaient à la France, et qu'il avait manifesté l'intention de contracter une alliance avec la famille royale, en donnant au duc de Berri la main de la princesse Anne sa sœur. Il fit appeler Talleyrand dans son cabinet, et, n'ayant rien pu en obtenir de satisfaisant après une longue conférence, il se contenta de lui dire froidement: « J'aurais espéré plus de reconnaissance de la part de la France, monsieur de Talleyrand, et de vous même. Cette explication n'amena pas une rupture définitive, mais il en résulta beaucoup de froid et de lenteur dans les négociations. Nous ne comprenons pas, en vérité, comment le prince de Bénévent avait pu en venir à de tels procédés envers l'empereur Alexandre; et comme nous, tous les historiens en ont témoigné beaucoup d'étonnement. Ceux qui passent pour l'avoir le mieux

[ocr errors]

connu n'ont pas hésité à dire qu'il avait été gagné par le roi de Saxe; et l'on est allé jusqu'à articuler pour cela une somme de plusieurs millions. Sans aller aussi loin, nous dirons avec notre franchise accoutumée que toutes les probabilités sont pour cette présomption et que la cupidité trop connue du plénipotentiaire doit y il ajouter encore. Cependant il est juste de dire que la plus grande partie de ces projets était dans ses instructions, à la rédaction desquelles il avait lui-même concouru, et que Louis XVIIl était le fils d'une princesse saxonne! Mais d'un autre côté il est bien sûr que ce prince avait un grand intérêt à rester parfaitement d'accord avec la Prusse et la Russie, que

[ocr errors]
[ocr errors]

surtout il ne devait rien négliger pour éloigner des bords du Rhin la première de ces puissances, et ne pas lui faire donner les contrées de la rive gauche de ce fleuve qu'en définitive elle a obtenues pour dédom magement de la portion du royanme de Saxe à laquelle elle a dû renoncer. Il y a, dit l'abbé de Pradt en parlant de la possession des provinces rhénanes par la Prusse, deux principes invariables dans « le système de la France: alliance • et éloignement. L'un est le moyen « de l'autre. Or, dans tout ie congrès, la France n'a travaillé qu'à « aliéner d'elle la Prusse, et qu'à la ་ forcer à se rapprocher de sa propre frontière... Si la France est restée - muette sur l'envahissement de l'Italie par l'Autriche, pourquoi a-t-elle fait tant de bruit sur celui de la « Saxe par la Prusse? La conservation de la Saxe dans son intégrité « étant démontrée impossible, c'était bien peu la servir que d'attacher • tant d'importance à une question dont le meilleur résultat ne pouvait

[ocr errors]

"

[ocr errors]

a

la préserver d'un déchirement. » Il est bien vrai que Louis XVIII avait déclaré qu'il renoncerait plutôt à la couronne que de souffrir que son cousin fût dépouillé de ses États; mais ce n'était pas son dernier mot, comme on doit le penser quand on connaît bien le caractère de ce prince, qui tenait beaucoup plus à sa couronne qu'à ses liens de famille. Il est donc bien sûr que Talleyrand fut parfaitement le maître de diriger les négociations à son gré. Et ce fut sans doute par les mêmes moyens et dans le même but que furent dirigées celles de Naples, où il eut du moins l'avantage de faire remonter sur son trône un autre parent de son roi, et de se faire donner, avec une forte somme, la principauté de Dino pour celle de Bénévent, près de lui échapper. Dans leur zèle pour le roi de Saxe, les plénipotentiaires français ne se bornèrent pas à des intrigues, à de sourdes menées. Après avoir partout colporté les protestations et les plaintes de ce prince, ils les consignèrent dans un long mémoire qui fut remis à tous les membres du congrès. Il ne serait pas juste de contester la vérité et l'exactitude des principaux faits de ce mémoire, mais on doit convenir que sous tous les rapports il était, de la part des plénipotentiaires français, sans convenance, sans opportunité, et que pour la France les conséquences en ont été très-funestes. Les conclusions surtout en étaient très-amères pour le roi de Prusse et même pour l'empereur Alexandre, auquel on le savait attaché par d'indissolubles liens. « Si le roi de Saxe, y était-il dit, doit être jugé, ee ne peut être par ceux qui voulaient profiter de ses dépouilles, ni par ceux dont la politique seule a

nécessité les fautes qu'il a pu commettre... On sent à quel point ce dernier trait, plus particulièrement dirigé contre Fréderic-Guillaume, dut irriter le monarque prussien.

Quant à l'empereur Alexandre, les plénipotentiaires français ne le ménagèrent pas davantage relativement à l'invasion de la Pologne; mais si leurs plaintes à cet égard avaient quelque apparence de raison, on doit au moins reconnaître qu'elles étaient, encore plus que celles qu'ils dirigèrent contre le roi de Prusse, dépourvues de convenance et d'opportunité. Ce prince tenait évidemment alors dans ses mains les destinées de l'Europe; et s'il n'avait pas donné à la restauration des Bourbons une meilleure direction, on ne pouvait pas douter que ses intentions n'eussent été très bonnes, et qu'en cela il n'eût été indignement trompé par Laharpe et Talleyrand, qui en ce moment ne le combattait pas seulement dans les opérations du congrès, mais l'attaquait encore secrètement et avec plus de perfidie dans la correspondance particulière qu'il entretenait avec Louis XVIII. C'est dans cette correspondance qu'il avait l'impudence d'écrire, à l'occasion d'un projet de mariage de la sœur du czar avec le duc de Berri, qu'il ne fallait pas que la France favorisât les vues ambitieuses et les idées révolutionnaires dont l'empereur Alexandre était plein, et qu'il cherchait à voiler sous le nom spécieux d'idées libérales... Et dans la même lettre il insistait sur la nécessité de repousser une alliance qui eût été alors si avantageuse, si utile pour la France! Il faisait chaque jour un rapport des chroniques scandaleuses du congrès, ce qui plaisait fort au caustique vieillard. C'est encore dans

« ZurückWeiter »