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alors placée l'opinion des vrais royalistes. Toutes ces questions importantes donnèrent encore lieu de leur part à de vives récriminations, et l'on vit s'engager dans ce débat des hommes très distingués, MM. de Villèle, Bergasse, Barruel, etc. Quelques autres publièrent des écrits contradictoires, et qui firent beaucoup d'impression. Fouché luimême eut l'impudence d'adresser au frère du roi une lettre fort audacieuse, où, comme on devait s'y attendre, il soutint la cause du sénat et celle de la révolution. Cette controverse se prolongeant, Talleyrand en prit de l'inquiétude, et, se défiant du caractère incertain d'Alexandre, il le décida à envoyer en Angleterre au-devant de Louis XVIII, afin de hâter son arrivée, et d'insister auprès de lui sur la nécessité de son adhésion à toutes les mesures révolutionnaires, et surtout à la constitution du sénat.

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Ce retour d'un prince que le plus grand nombre attendaient comme un libérateur, que d'autres redoutaient comme un maître irrité, comme un juge sévère, est un des faits les plus remarquables de cette époque, et nous devons en rapporter les principales circonstances avec d'autant plus d'étendue que Talleyrand y eut encore une grande influence. C'est à son instigation que Pozzo di Borgo fut envoyé en Angleterre, au nom des rois confédérés, mais plus particulièrement de l'empereur Alexandre, pour y préparer Louis XVIII à toutes les exigences du parti révolutionnaire. Plusieurs causes devaient rapprocher ce diplomate de l'ancien évêque d'Autun. C'était un ennemi personnel de Napoléon, un Corse initié dans toutes les intrigues de la politique Européenne, et qui, vers

LXXXIII.

la fin de l'année précédente, avait déjà fait une apparition à Hartwell, pour y sonder les vues de la famille royale de France, sans rien lui dire de positif sur celles du czar. Cette fois, il dut être plus explicite, et fut chargé positivement de faire accepter par le roi Louis XVIII la constitution du sénat, et de le préparer aux plus larges concessions. Nous avons expliqué dans notre Notice sur ce prince, publiée depuis dix ans, les causes et le but de cette seconde mission, puisée à des sources irrécusables, et nous n'hésitons pas à les donner une seconde fois. C'est un des faits les plus remarquables de cette époque, et nous ne pensons pas que nulle part il ait été raconté avec plus de détails et d'exactitude. . Selon les instructions ou les or

dres de l'envoyé russe, disions<«< nous en 1843, Louis XVIII, en re« montant sur le trône de ses pères, - devait donner à la France une • constitution libérale, reconnaître << tous les actes de la révolution, « gouverner avec et pour le parti révolutionnaire, attendu que les royalistes étaient peu nombreux, « que d'ailleurs, éloignés des affai- res depuis longtemps, ils n'avaient • aucune expérience, aucune habileté. Ce prince n'avait pas prévu de telles objections, et l'on sent tout le déplaisir qu'il en eut. Cepen- dant il voulait régner; et il dissimula, ce qui lui fut toujours facile. Pozzo di Borgo a raconté, dans une notice qui est sous nos « yeux, qu'il revint avec lui jusqu'à Paris, qu'il continua de lui faire connaître les intentions des puis"sances que la Déclaration de Saint-Ouen, puis la charte, et enfin toutes les concessions au parti révolutionnaire, furent les consé

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gouvernement qui, pendant quatorze siècles, avait fait la gloire et le bonheur de la France. Nous en étions encore au début de nos calamités révolutionnaires, lorsque le frère de Louis XVI en caractérisa aussi bien les causes et les tristes conséquences. « Oh! ne croyez pas, dit-il aux Français dans cette mé

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morable Déclaration, véritable mo«nument historique trop peu connu, ne croyez pas ces hommes avides

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et ambitieux qui, pour envahir à la fois vos fortunes et la toute-puissance, vous ont dit que la France « n'avait pas de constitution ou que sa constitution vous livrait au despotisme. Elle existe aussi an

*quences de ses avis, ou, pour mieux <«< dire, des ordres qu'il avait reçus, et qu'il transmit avec la plus rigoureuse exactitude (27).» Mais le jour même où Pozzo di Borgo parut à Hartwell, il y vint un autre envoyé plus vrai et dans lequel Louis XVIII dut mettre plus de confiance: ce fut le comte de Bruges, qui lui apportait de Paris les rapports et les avis de son frère et ceux de quelques vrais royalistes, sur la constitution du sénat et les intrigues de Talleyrand. On ne peut pas douter que ces sages avis, ces prudents avertissemens n'aient eu alors quelque influence sur l'esprit du monarque. On sait assez que, plus qu'aucun autre prince, il avait cru aux décep-cienne que la monarchie des Francs; tions, aux mensonges de ce parti philosophique ou révolutionnaire qui avait perdu la monarchie et qui en ce moment s'opposait à sa restauration; mais on sait aussi qu'une longue et funeste expérience lui avait enfin ouvert les yeux; que, par son admirable déclaration de 1795 au moment où, après la mort de Louis XVII, i prit possession de la couronne, il avait formellement repoussé toute espèce de changement

(27) Ces faits importants, et sans lesquels il est impossible de comprendre l'histoire de cette époque, sont restés longtemps ignorés; nous peusons même qu'aucun historien ne les a rapportés. Nous avons sous les yeux un document authentique, et qui émane de l'ambassadeur Pozzo di Borgo lui-même, qui a fourni les éléments d'une Notice biographique sur lui-même, insérée en mars 1835 dans la Revue des deux mondes. On y trouve un récit fort étendu de cette mission de 1814, avec l'aveu positif de l'intervention russe dans l'ordonnance du 5 septembre 1816, fait non moins important dans l'histoire de la Restauration. Pozzo di Borgo fit imprimer à part plusieurs exemplaires de cette notice, qu'il distribua à ses amis. C'est un de ces exemplaires que nous avons sous

les yeux.

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elle est le fruit du génie, le chefd'œuvre de la sagesse et le résultat ⚫ de l'expérience... Vos pères éprouvèrent-ils jamais les fléaux qui nous ravagent depuis que des novateurs ignorants et pervers l'ont • détruite ? Elle était l'appui commun de la cabane du pauvre et du palais des riches, de la liberté individuelle et de la sûreté publique, des droits du trône et de la prospérité de l'État. Aussitôt qu'elle a été renversée, propriété, sûreté, liberté, tout à disparu avec elle. Vos biens sont devenus la pâture des brigands. L'instant où le trône est devenu la proie « des usurpateurs, la servitude et la tyrannie vous ont opprimés dès que l'autorité royale a cessé de vous couvrir de son guide..." Depuis 1795, Louis XVIII avait encore manifesté dans d'autres occasions son repentir de ses premières erreurs sur le danger des principes révolutionnaires. Les conseils et les instructions que lui apporta M. de Bruges étaient parfaitement en har

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monie avec ses convictions de cette époque, et il ne fit que le fortifier dans les réponses qu'il dut faire à l'envoyé des rois confédérés. Trèsembarrassé au milieu de missionnaires si différents dans l'objet de leur message, il s'en tira à peu près comme avait fait son frère à Nancy, dans une position analogue, et comme lui, il allégua la nécessité d'un prompt départ.

Débarqué à Calais le 24 avril, au milieu d'un peuple ivre de joie, Louis XVIII arriva le 29 à Compiègne, où devait s'ouvrir pour lui une autre carrière de discussions, où il allait avoir besoin plus que jamais de fermeté et d'énergie. Au moment où ce prince s'embarquait pour la France, il reçut un message de Talleyrand, qui lui imposa de nouyeau la nécessité de déclarer formellement et par lettres patentes, avant de mettre le pied sur le sol français, qu'il acceptait la constitution, puisque telle était la volonté du sénat. Et l'ancien ministre de Napoléon ajoutait que tout ce qu'il avait pu obtenir de cette Assemblée, c'était qu'il fût permis au monarque de déclarer que cette constitution, ayant été faite un peu rapidement, était susceptible de quelques modifications, et qu'on lui laissait le pouyoir de la discuter avec le sénat lui-même! Le roi comprit sans peine ce nouveau piége, et il me crut pas devoir suspendre son voyage. Suivant l'itinéraire que lui avait tracé le président du gouvernement provisoire, il se dirigea vers Compiègne, au milieu des acclamations du peuple, qui venait implorer la bonté, la clémence d'un petit-fils de saint Louis, qui venait se soumettre à ses lois sans demander ni promesse ni garantie. Il arriva ainsi

le 29 avril au château royal de Compiègne, où tout était préparé pour le recevoir. C'était là que devaient aboutir et se dénouer tant d'intrigues et de machinations, ourdies depuis un mois dans la rue Saint-Florentin. On s'en fera une idée quand on saura que le fameux Montgaillard, ce vétéran de la diplomatie révolutionnaire, ce digne agent du ci-devant prélat, que nous avons fait assez connaître au tome LXXIV de la Biographie Universelle, y était lui-même convoqué, qu'il fut un des premiers reçus par S. M et qu'il eut avec elle de longues conférences ! Pour ce qui fut dit dans ces entretiens, nous ne savons que ce que ce misérable en a dit lui-même dans plusieurs de ses cyniques écrits, où il s'est vanté de cette inexplicable faveur. Ce qui est bien sûr, c'est qu'il vint à Compiègne avec la recommandation de son prolecteur Talleyrand, et que ce ne fut certainement pas dans l'intérêt de la cause monarchique. D'autres émissaires de différents partis, dont on n'a pas mieux connu les motifs, y vinrent également, puis l'abbé de Montesquiou, Becquey, Royer-Collard, ces anciens agents du prétendant, toujours prêts à se prosterner devant la Révolution, et qui, dans un pareil moment, ne devaient pas manquer à leur déplorable système! Une députation du corps législatif vint toutefois dans d'autres intentions, et sembla vouloir protester contre le Sénat, qui persistait à ne pas se soumettre. « Venez, descendant de tant de rois, dirent les législateurs; montez sur ce trône où nos pères placèrent votre illustre famille, et que nous sommes si heureux de vous voir occuper. Tout ce que vainement nous avions espéré loin de vous, Votre Majesté

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<< nous l'apporte; elle vient sécher ⚫ toutes nos larmes, guérir toutes nos blessures... Louis XVIII comprit facilement ce langage, et il y répondit, avec autant d'à-propos que de convenance, qu'il recevait avec d'autant plus de satisfaction l'assurance du dévouement et de l'amour des législateurs, qu'ils étaient les véritables représentants de la nation et que de leur union seule devaient naître la stabilité du gouvernement et la félicité publique. Tout pouvait finir après de telles explications entre les véritables représentants de la nation et leur roi; la dissolution du sénat était prononcée, et Louis XVIII semblait n'avoir plus qu'à se placer sur le trône de ses ancêtres. C'était certainement ce que voulait, ce que demandait la nation tout entière, cette nation dont Alexandre et ses alliés avaient si hautement déclaré qu'ils accompliraient les vœux, qu'en tout ils suivraient la volonté! Mais ce n'était pas ainsi que ce prince l'avait compris, ou, pour mieux dire, ce n'était pas ce que voulaient Talleyrand et le parti révolutionnaire, qui ne cessaient de dire au crédule inonarque que c'était sur sa promesse d'institutions fortes et libérales que la déchéance avait été prononcée; que ce n'était qu'à ce vote que les Bourbons devaient leur rétablissement; que le pays ne devait pas être exposé à de nouveaux troubles, et la paix de l'Europe compromise, parce que ces princes ne voulaient rien sacrifier de leurs vieux préjugés, etc., etc. Comment le jeune czar, si généreux, si confiant, n'aurait-il pas été dupe de pareils sophismes, d'aussi impudents mensonges? Ce fut sous de pareilles influences que ce prince vint à Compiègne, pour porter les plus rudes coups aux ré

solutions de Louis XVIII, déjà fort ébranlées. Son premier raisonnement fut que le nouveau règne ne devait dater que du jour où il accepterait la constitution du sénat, qui, ainsi que la première des constitutions révolutionnaires, lui donnait le titre de roi des Francais; qu'il fallait renoncer au droit divin, aux mots par la grâce de Dieu, qui n'étaient pas compris de son peuple; enfin, qu'il fallait aux Français une constitution; que le sénat avait agi dans son intérêt et selon les idées du siècle !... On a de la peine à croire que de telles paroles aient pu être prononcées par le monarque le plus absolu de cette époque, et nous qui les tenons de la source la moins récusable, nous sommes encore tenté d'en douter; nous ne pouvons pas comprendre comment l'autocrate, qui réunissait en sa personne le pouvoir civil et le pouvoir religieux, qui passait pour tenir beaucoup à ce double avantage, ait pu s'exprimer ainsi sur le droit divin. Tout cela ne s'explique que par le vice de sa première éducation dirigée par l'un des plus ardents révolutionnaires de notre siècle, et par la fatalité de ses liaisons avec Talleyrand, enfin de sa rencontre à Paris dans de pareilles circonstances! Louis XVIII savait tout cela sans doute, et, au premier moment de ce mémorable entretien, il ne parut ni étonné ni convaincu ; il fit, avec autant de force que de dignité, cette admirable réponse: Le droit divin est une conséquence du dogme religieux, de la loi du pays; et cette loi ne peut qu'ajouter à la soumission, au respect des peuples, et par conséquent à leur repos, à leur bonheur; c'est par elle que, depuis huit siècles, le droit héréditaire de

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la monarchie est dans ma famille. - Sans elle, je ne suis qu'un vieillard infirme, longtemps proscrit, réduit à mendier un asile; mais par elle, • ce proscrit est roi de France !... « Je ne flétrirai pas par une lâcheté « le nom que je porte, et le peu de « jours que j'ai à vivre!... Je sais ce « que je dois à Votre Majesté, pour la délivrance de mon peuple; mais si • un aussi grand service devait met- tre à votre discrétion l'honneur de ma couronne, j'en appellerais à la France, ou je retournerais en exil!» L'énergie, la sagesse de cette réponse étonna le czar, sans lui faire changer de résolution. Trop poli, trop habile pour heurter de front un malheureux vieillard dont il respectait la position, il parut lui céder sous plusieurs rapports, et se replia sur les promesses faites au sénat, en son nom, par le lieutenant général son frère. Cette objection embarrassa beaucoup Louis XVIII, mais elle ne le déconcerta point; il finit en déclarant, avec une fermeté dont on ne le croyait pas capable, qu'il n'accepterait point la constitution du sénat; que, comme ses ancêtres, il prendrait le titre de roi de France et de Navarre; enfin que, conformément à la loi salique, son règne daterait de la mort de Louis XVII. Alexandre ne répliqua point, et là se termina la conférence. Ce fut alors qu'on vit l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse qui venaient présenter leurs félicitations sans vouloir entrer dans aucune explication politique. Pour cela, ils avaient donné leurs pouvoirs au czar, et ils s'en rapportaient complétement à lui. D'ailleurs leur principal but se trouvait rempli: la puissance de Napoléon était tombée, et ils le croyaient pour toujours hors d'état de la relever. Cette grande réunion

se termina par un dîner que la présence d'aussi illustres convives rendit bien remarquable. Nous ne pensons pas qu'on trouve dans l'histoire un exemple d'autant et de si grands potentats assis à la même table. Le roi de France en fit les honneurs avec grâce et dignité ; c'était la partie de la royauté qu'il entendait le mieux. Par une faveur spéciale, le prince de Schwartzenberg, Blucher et d'autres chefs de la coalition y curent une place, ainsi que les cinq maréchaux de France, qui se trouvaient alors à Paris, les mêmes qui, quelques jours auparavant, étaient allés au-devant du lieutenant général du royaume. Cette fois ils n'oublièrent pas la cocarde blanche, et ils protestèrent du plus entier dévouement à la monarchie. Contre l'usage de pareilles réunions, la conversation ne fut pas trop languissante; on y aborda même des questions politiques, et Louis XVIII parla avec un air de supériorité que lui donnait l'assurance d'avoir triomphé d'Alexandre. Ce prince, en apparence plus humble, mais certainement plus fin, plus habile, se borna au rôle d'approbateur. François II et Frédéric-Guillaume, gardant le silence, laissèrent cependant voir qu'ils n'approuvaient pas tout ce que l'on faisait. L'ancien général de la République, Bernadotte, devenu prince-royal de Suède, dit, avec la franchise d'un soldat parvenu, que, tout en parlant sans cesse de liberté et d'égalité, les Français étaient le peuple le plus facile à gouverner; et il ajouta en s'adressant à Louis XVIII: « Fai

tes-vous craindre d'abord, ils vous » aimeront ensuite. Pour leur commander, il ne faut qu'une main de fer

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avec un gant de velours. Talley. rand, à un bout de la table, s'en timt

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