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pas l'auteur de ces brutales hostilités, mais qui devait en soutenir les conséquences. Talleyrand, qui l'avait autrefois connu, et qui savait que son ami lord Yarmouth était au nombre des victimes, imagina de faire venir celui-ci de Verdun, pour qu'il lui servît d'interpréte auprès du nouveau ministre. Lord Yarmouth, ravi de trouver une occasion de recouvrer sa liberté, accepta avec joie une mission d'ailleurs fort honorable; mais voulant qu'elle eût au moins quelques probabilités de succès, il eut avant son départ pour l'Angleterre, avec le prince de Bénévent, plusieurs conférences dans lesquelles il lui manifesta franchement son appréhension de rencontrer de grandes difficultés dans le cabinet de Saint-James, qu'il savait sements de la puissance impériale, peu disposé à tolérer tous les accroisnotamment la Confédération du Rhin, destinée à produire de si grands changements en Allemagne, et que l'on disait définitivement arrêtée; à quoi Talleyrand répondit froidement: Ces changements sont résolus, mais ils ne seraient pas publiés si la paix se faisait. On sent à quel point une pareille réponse, destinée à tranquilliser l'Angleterre, dut ouvrir les yeux des princes confédérés, que l'on était toujours disposé à démentir, à abandonner pour le premier avantage que l'on eût trouvé d'un autre côté. Lord Yarmouth partit néanmoins avec cette assurance et d'autres instructions, dont la plus remarquable était relative à la Sicile, où s'était réfugié le roi de Naples après l'invasion de son royaume, et où il avait appelé les Anglais à son secours. Soit par affection pour le nouveau roi Joseph Bonaparte, soit par tout autre motif,

de la confédération du Rhin, il suivait secrètement avec le cabinet de Saint-James une négociation dont le succès était probable lors de l'avènement de Fox au ministère. On devait penser en effet que ce grand orateur, toujours si favorable à la France révolutionnaire, la défendrait encore lorsqu'elle était victorieuse. Voulant cependant sonder le terrain, le rusé ministre lui tendit un de ces piéges dont on sait qu'il a souvent usé. Il lui envoya un de ces misérables qui, pour de l'argent, ne craignent pas de se charger de l'infamie d'un assassinat qu'ils n'ont pas le courage de commettre. Cet homme étant venu offrir son bras aux ministres anglais pour assassiner Napoléon, soit qu'il l'eût deviné, soit qu'il fût bien aise de cette occasion de manifester son noble caractère, Fox le fit arrêter et en donna surle-champ avis au ministère français. Ce qui prouve que ce n'était qu'un piége, une ruse grossière, c'est que ce prétendu assassin, qui fut bientôt relâché par la police anglaise, revint en France très paisiblement, sans que jamais il y ait été question de lui, ni de sa proposition d'assassinat. Après cet étrange essai de conciliation, Talleyrand imagina un autre moyen. On se rappelle qu'après la rupture du traité d'Amiens, Napoléon, par une trop juste représaille de l'embargo mis sur nos vaisseaux de commerce, qui naviguaient en paix sur la foi des traités, fit emprisonner et reléguer dans la ville de Verdun tous les voyageurs anglais qui, de même que nos vaisseaux sur l'Océan, voyageaient en France sur la foi des traités. Tous furent envoyés prisonniers à Verdun, où ils étaient encore en 1806, à l'avénement du ministre Fox, qui n'était

Talleyrand désirait vivement que les Anglais le missent eux-mêmes en possession de la Sicile, et pour cela il offrait de leur faire rendre l'élec torat de Hanovre, sans même en prévenir la Prusse, à qui ce pays avait été si bizarrement donné par la France. Il leur offrit aussi les villes anséatiques, jusques-là si heureusement indépendantes, à l'abri des calamités de la guerre; et sur le refus de l'Angleterre, il lui offrit encore la Dalmatie, la république de Raguse; enfin il fut question des îles Baléares, dont on eût dépouillé l'Espagne, pour les donner en dédommagement de la Sicile, non à l'Angleterre ni à Ferdinand IV, mais à son fils, à qui il n'était rien dû, qui ne demandait rien, et qui n'eût certainement pas accepté de la France ni de l'Angleterre des possessions qui ne leur appartenaient ni à l'une ni à l'autre. En vérité, il est difficile de croire aujourd'hui que de pareilles extravagances aient pu être sérieusement proposées par le ministre d'un grand empire, et l'on avouera que tout cela avait bien besoin d'être couvert par le grand nom et la glorieuse épée de Napoléon. Le ministre anglais répondit avec dignité : L'abandon de la Sicile est impos«sible. Les troupes du roi occupent - ce pays pour le défendre, et non pour le livrer aux ennemis de son « légitime souverain. Les villes anséatiques ne peuvent pas davan<tage servir de dédommagement... >> Quand on en vint à dire que c'était sans la participation de la Russie que l'on voulait traiter, Fox déclara nettement que toute proposition de ce genre serait une cause de rupture immédiate. Cette dernière partie de la réponse britannique était d'autant mieux fondée qu'en ce no

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ment le cabinet de Pétersbourg, avec qui Talleyrand avait aussi cherché à négocier séparément, répondait avec la même franchise qu'il ne traiterait pas sans l'intervention de l'Angleterre; et il désavouait hautement son envoyé d'Oubril, qui était venu à Paris pour d'autres affaires de moindre importance, et qui, entraîné par les séductions du prince de Bénévent avait consenti, sans y être autorisé, non-seulement à traiter séparément de l'Angleterre, mais encore à faire toutes les concessions qu'on n'avait pu obtenir de cette puissance, relativement à la Sicile, mais pour les bouches du Cattaro, qui intéressaient plus particulièrement la Russie, et que d'Oubril, oubliant tous ses devoirs, avait aussitôt donné l'ordre d'évacuer et de livrer aux Français, sans at endre de Pétersbourg ni réponse ni ratification. L'empereur Alexandre fut si mécontent de la conduite de son envoyé qu'il le destitua, l'exila sur-le-champ, et que, par une circulaire de son ministère, il fit connaître à toutes les puissances que c'était sans aucun pouvoir et dans un sens tout à fait contraire aux ordres qu'il lui avait donnés, que d'Oubril avait traité.... Ainsi tout espoir d'une prochaine paix disparut à l'égard de la Russie comme à l'égard de l'Angleterre, et tout le monde dut comprendre que la puissance des armes seule en déciderait.

Avant d'en venir à ce triste dénouement, nous citerons un fragment de rapport qui fut envoyé à cette époque à Berlin, par un des correspondants du cabinet prussien. En confirmant ce que nous venons de dire, ce rapport présente d'autres détails assez curieux : « J'ai eu l'hon« neur d'instruire V. E. des proposi

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tions faites à l'Angleterre relati<vement à l'électorat de Hanovre; je « lui ai parlé de la menace faite au gouvernement britannique, d'envahir le Portugal; mais une chose que cache le rusé Talleyrand, c'est le projet toujours subsistant de Napoléon relativement aux établisse«ments Anglais dans l'Inde. Sa résis«tance à céder Malte et la constance avec laquelle il réclame la Sicile n'ont pour véritable motif que le désir de se livrer à cette gigantesque expédition manquée par la capitulaation de l'armée d'Égypte, puis par la mort de Paul Ier, mais que la facilité avec laquelle d'Oubril vient de signer un traité honteux lui fait espérer de pouvoir faire adopter à l'empereur Alexandre. Voilà ce qui l'a rendu subitement si difficile dans la négociation depuis si longtemps entamée avec le ministère britannique.... Au reste, cette expédition serait bien plus difficile à exécuter qu'on ne l'avait d'abord soupçonné. » Le correspondant ajoute à cela quelques explications géographiques et stratégiques qui prouvent qu'en effet la conquête de l'Inde par terre doit être considérée comme impossible. Il termine ainsi : « Au reste, cette impraticable expédition ne « sera probablement jamais secondée • par l'empereur de Russie; mais soyez certain que l'espérance de l'y • entraîner a considérablement nui « aux projets de pacification que les ministre Fox et Talleyrand avaient, également à cœur de conclure........ » Ainsi la guerre devenait de plus en imminente, et la Prusse allait d'abord en supporter tout le poids, sans qu'elle eût droit de s'en plaindre ni d'accuser ses alliés naturels. L'oppression qui pesait sur toutes les parties de l'Allemagne s'était extraordi

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nairement accrue par la mort du libraire Palm, citoyen de Nuremberg, qui avait été impitoyablement fusillé pour la vente d'un livre dont il ne voulut pas nommer l'auteur (Gentz), lequel aurait lui-même péri, s'il n'eût réussi à se sauver. Ce fait, et beaucoup d'autres non moins tyranniques, avaient causé une grande fermentation en Allemagne, et plusieurs écrits du même genre étaient sortis des plumes ardentes de Arndt, de Villers, de Kotzbue, etc. Des sociétés secrètes se formaient, et tout annonçait que la cause de l'indépendance européenne allait être mieux défendue par les peuples qu'elle ne l'avait été par les rois. Cependant le cabinet prussien, agité par divers partis, semblait encore hésiter; Haugwitz y conservait de l'influence, et le duc de Brunswick, l'homme le moins capable de l'énergie que semblaient exiger de pareilles circonstances, avait été envoyé à Pétersbourg pour reconnaître les torts du passé et promettre au nom de Frédéric-Guillaume une franche et loyale réparation. On le reçut avec la politesse que commandaient son âge et la nature de sa mission; mais on ne promit rien de positif, et les préparatifs urgents qu'eût exigés l'imminence du péril furent à peine commencés, ce qu'on a regardé comme une des principales causes de la ruine des Prussiens. Cependant on n'avait pas attendu le retour du duc de Brunswick à Berlin pour s'y préparer à combattre, et Talleyrand n'avait pas manqué d'en faire des plaintes au général Knobelsdorff, envoyé extraordinaire de Frédéric - Guillaume, par une note du 11 octobre 1806, où il était dit que des avis récemment parvenus annonçaient un redoublement d'activité dans l'armée prussienne, que

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cela engageait S. M. l'empereur et roi à renforcer ses armées, quoiqu'il ne fût pas dans ses vues d'agir contre une puissance amie naturelle de la France; que ses sentiments pour S.M. Prussienne n'avaient été ni changés, ni affaiblis, etc. Il y eut encore pendant quelques jours un échange de notes. mensongères et par lesquelles les deux ministres cherchèrent à s'endormir réciproquement. Pendant ce temps, l'empereur faisait adresser aux princes de sa Confédération l'ordre de fournir leurs contingents, et de nouveaux bataillons étaient envoyés en Allemagne, de l'intérieur de la France. L'envoyé prussien s'en plaignit à son tour par une note qu'il termina ainsi : « Le soussigné a reçu ordre de déclarer que le roi attend ⚫ de l'équité de S. M. Impériale, 1° que - les troupes françaises, qu'aucun ti- tre fondé n'appelle en Allemagne, repasseront le Rhin; 2o qu'il ne - sera plus mis, de la part de la France, d'obstacle à la formation de la ligue ⚫ du Nord; 3° qu'il s'ouvrira une négociation pour fixer tous les inté« rêts encore en litige, et que les ba- ses préliminaires seront la sépara« tion de Wesel de l'empire français, « et la réoccupation par la Prusse des abbayes d'Eten, d'Essen et de Verden, etc. » C'était une espèce de manifeste qu'on a comparé à celui du duc de Brunswick en 1792, et ce qui ressemblait encore davantage de la part de la Prusse à une expédition dont le souvenir devait lui être peu flatteur, c'est que ce fut le même prince que l'on chargea du commandement d'une armée qui,comme lui, pendant quatorze ans était restée immobile en présence de la France, qui n'avait pas cessé de combattre et de vaincre. Pour que tous les torts fussent du côté de la Prusse, le prince

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de Bénévent fit publier dans ses journaux ministériels « qu'on ne s'était point opposé à ce que cette puis.sance formât dans le nord de l'Allemagne une confédération; que la « Prusse avait occupé la Saxe et menacé la Confédération du Rhin; qu'elle voulait s'emparer des villes anséatiques et de la Saxe, chose à Jaquelle la France ne pouvait se dis« penser d'être opposée.... » Tant de mensonges et de duplicité avaient en. fin ouvert les yeux de Haugwitz luimême, et il était devenu un des partisans de la guerre les plus outrés. Mais le public ne crut pas à ses tardives démonstrations, et, aux premiers revers de l'armée, lui, Lombard et quelques autres n'échappèrent que par la fuite aux fureurs populaires. Nous ne dirons pas comment tomba en quelques jours par la guerre, une monarchie que la guerre avait créée; comment une armée qui naguère passait pour le plus brave, la mieux exercée de l'Europe, fut dispersée, anéantie en quelques heures; comment des forteresses, des places réputées imprenables et défendues par de nombreuses garnisons, se rendirent à des avant-gardes, des patrouilles de hussards!... De pareils faits ne peuvent s'expliquer que par les décrets de la Providence. Le prince de Bénévent n'y prit aucune part, comme on doit le penser; cependant il était parti de Paris presque aussitôt que son maître, et ce fut de Mayence d'abord qu'il observa les événements. Après la victoire, il se rendit à Berlin, où nous ne pensons pas que la diplomatie eût beaucoup à faire. Nous lui rendrons la justice de croire qu'il eût peu de part au fameux décret par lequel Napoléon, sans avoir un seul vaisseau à sa disposition, condamna à être blo

quée, renfermée dans ses ports toute la marine britannique! Obligé de suivre le quartier général comme l'eût fait un commis, un simple secrétaire, il essuya plus d'une fois de la part du maître des brusqueries auxquelles il ne s'attendait point; mais qu'il supporta avec son calme accoutumé. Forcé de voyager dans une saison rigoureuse, au milieu des colonnes de soldats mécontents, il essuya plus d'une fois leurs railleries. Près de Varsovie, sa voiture enfoncée dans la boue n'en fut tirée que par leur secours. Arrivé dans cette capitale, il reprit près de Napoléon son office de secrétaire, ce qui lui plaisait d'autant moins que le souverain maître voulut le soumettre aux exigences de servitude et de domesticité qui avaient si profondément blessé Bourienne. Pendant des jours entiers, il lui faisait expliquer et copier des dépêches sans même lui demander son avis. Une autre fois il le fit appeler au milieu de la nuit pour un travail non moins fastidieux qu'il fallut achever sous ses yeux. Ne pouvant résister au sommeil, et voyant l'empereur lui-même s'endormir, il se jeta sur un canapé, où Napoléon fut très-choqué de le voir couché à côté de lui lorsqu'il se réveilla quelques heures après. Du reste, si l'on en excepte quelques communications avec des princes qui vinrent solliciter leur admission à la confédération du Rhin, des propositions des rois de Prusse et de Suède qui furent dédaigneusement rejetées, et enfin de nouvelles intrigues avec la Turquie pour la pousser à la guerre contre la Russie, le ministre des affaires étrangères n'eut rien de bien important à faire en Pologne, jusqu'à ce que les événements eussent pris un caractère plus décisif

et qui ouvrît la voie des négociations. On doit aussi remarquer qu'à cette époque son influence baissait de jour en jour, et que dans les affaires, que jusqu'alors il avait traitées seul, Duroc lui était toujours adjoint.

Ce ne fut qu'après la terrible bataille d'Eylau, où les deux partis essuyèrent de si grandes pertes, que Napoléon parut montrer sérieusement quelques intentions pour la paix,et que Talleyrand et Duroc furent chargés de la proposer à FrédéricGuillaume. Mais la position de ce prince semblait s'être améliorée. Il reçut à cette époqne d'amples subsides de l'Angleterre, qui consentit à remplir toutes les conditions d'un traité d'alliance proposé plusieurs mois auparavant, lorsque la Prusse était encore dans toute sa puissance. D'un autre côté, l'empereur Alexandre ne se montrait pas moins généreux envers lui; il faisait, pour le soutenir, les plus grands sacrifices. D'aussi bons procédés placèrent le monarque prussien dans une position délicate; il se vit obligé avec quelques regrets, par les conseils de son ministre Hardenberg, de rejeter les propositions de Napoléon et d'accepter celles du roi de Suède, qui, toujours animé des mêmes sentiments pour le rétablissement de la monarchie française, écrivait encore, le 26 avril 1807, à Frédéric-Guillaume qui avait demandé sa coopération à la guerRien ne me procurera une plus grande satisfaction que de pouvoir concourir avec vous à un sûr rétablissement de l'ordre général et de l'indépendance des États; mais pour atteindre ce but impor<< tant, on doit, je pense, s'intéresser - à la cause légitime de la maison de Bourbon, en se déclarant publi

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