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été répandu sur ce point, même le quiproquo qu'elle aurait fait en prenant le voyageur Humboldt pour Robinson Crusoé, ce qui prouverait de l'ignorance, sans doute, mais non de la sottise; car une Indienne pouvait bien, sans manquer d'esprit, ne pas connaître M. de Humboldt ni même le roman de Foé.

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C'était vingt ans après le concordat, et dans une position bien différente, que Bonaparte parlait ainsi de son ancien ministre. A la première de ces époques, et surtout quand Talleyrand eut conduit à une heureuse issue les négociations de Lunéville et d'Amiens, il ne pensa plus qu'il lui fût possible de s'en passer, et il sembla excuser tous ses torts. Cependant, comme ses nombreuses polices et surtout celle de Fouché lui faisaient à chaque instant des rapports sur les intrigues, sur les jeux de bourse du ministre, il lui dit un jour sans beaucoup d'amertume: Mon<< sieur de Talleyrand, je sais que vous jouez à la bourse, et que vous y gagnez beaucoup d'argent, parce • que vous profitez pour cela de la connaissance que vous avez des se• crets de l'État. Cela n'est pas bien, << et je ne puis le souffrir plus longtemps. Je n'y ai joué qu'une seule fois, répondit le rusé minis«tre, et cela m'a, il est vrai, très bien réussi; j'ai acheté la veille - du 18 brumaire, et j'ai vendu le lendemain. Cette adroite flatterie désarma le maître, et les choses en restèrent là pour le moment, au moins quant aux jeux de bourse. Mais un autre champ d'affaires bien plus vaste et plus considérable s'était ouvert. Après les revers de l'Autriche et le traité de Lunéville, qui en avait été la dure conséquence, toutes les puissances de l'Allemagne

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se prosternèrent devant le vainqueur, même la Prusse, qui cependant n'avait pas été vaincue, puisqu'elle n'avait pas fait la guerre, mais qui n'était pas moins tombée dans un état de faiblesse relative plus évident encore que ceux qui avaient combattu; ce qui prouve qu'à côté d'une lutte de grandes puissances, la neutralité est un fort mauvais calcul. Ainsi l'héritier du grand Frédéric, qui d'abord avait été l'allié de l'Autriche, qui ensuité s'était séparé d'elle pour réparer ses forces, tandis que son alliée ou plutôt sa rivale épuisait les siennes, se trouvait alors encore plus faible et réduit à un état d'infériorité plus fåcheux. Ses ministres, et surtout Haugwitz, l'avaient enfin compris; mais ils étaient décidés à tous les sacrifices, à toutes les humiliations, plutôt que de faire la guerre. Tout annonce que pour cela, d'ailleurs, ils continuaient à recevoir des arguments irrésistibles. Napoléon l'a dit assez clairement dans ses conversations de Sainte-Hélène. Le cabinet de Berlin n'était pas alors d'ailleurs autre que Biron l'avait trouvé en 1792. Napoléon et son ministre des affaires étrangères en profitèrent merveilleusement.

On se rappelle qu'aussitôt après le 18 brumaire Talleyrand avait fait envoyer à Berlin, comme ambassadeur, son ancien ami Beurnonville, avec des pouvoirs très étendus, et surtout la recommandation de poursuivre partout où il les rencontrerait les partisans de l'ancienne dynastie, les hommes connus par leur dévouement à cette cause royale dont la même puissance prussienne avait autrefois paru embrasser la défense avec tant d'éclat, mais qu'elle avait ensuite abandonnée

lorsqu'il était en son pouvoir de la faire triompher. A présent qu'elle la considérait comme tout à fait perdue, elle livrait honteusement à ses ennemis ses plus honorables defenseurs. On n'a pas oublié, et l'histoire doit graver en traits ineffaçables le fait honteux de l'arrestation de royalistes aussi distingués par leur ràng que par leur fidélité, exécutée à Bareuth par les soldats, les agents du roi de Prusse, d'après les ordres du gouvernement français de cette époque. Ces ordres furent signifiés par Beurnonville, qui remplit sa mission avec tant de zèle qu'il porta luimême à Paris et remit à son ami Talleyrand tous les papiers et correspondances de ces malheureux émigrés, saisis par la police prussienne, et qui, imprimés sous le titre de papiers saisis à Bareuth, compromirent en France, et surtout à Paris et dans le département de la Lozère, beaucoup d'honnêtes gens. Parmi ceux qui furent arrêtés et gardés à vue à Bareuth pendant plusieurs mois, se trouvaient des hommes dignes de la plus haute estime: le comte de Précy, cet illustre défenseur de Lyon en 1793; le vertueux Imbert-Colomès, qui, dans la même ville, avait donné le premier exemple du courage, de la fidélité, et de la résistance aux désordres de la révolution, qui à présent, accablé de vieillesse, était poursuivi, emprisonné par ordre de ces mêmes rois auxquels il avait consacré sa vie. Pichegru, cet illustre vainqueur de la Hollande, qui avait abandonné, pour servir la même cause, le plus brillant, le plus séduisant avenir, n'échappa à l'arrestation, à l'extradition qui fut demandée avec beaucoup d'instance, que par la bonté du prince Louis et de cette excellente reine de Prusse à qui tant

de malheureux ont dû leur salut! Voilà ce que fut en 1802 la puissance prussienne; voilà comment elle remplit les promesses, comment elle exécuta les menaces qu'elle avait faites en 1792! Et ce qui n'est pas moins remarquable, ce que l'inexorable histoire ne doit pas omettre, c'est que quinze ans plus tard, lorsqué cette noble cause du royalisme parut avoir partout triomphé, ceux de ses héroïques défenseurs qui avaient survécu à tant de combats, à tant de calamités, furent moins accueillis, moins protégés que leurs persécuteurs par un gouvernement qui se disait restaurateur, qui s'annonçait comme le réparateur de tous les torts, de toutes les injustices! Un demi-siècle s'est écoulé depuis que la Prusse donna au monde l'étrange spectacle de Français honorables, fidèles à leur roi, irréprochables sous tous les rapports, et qui furent arrêtés, emprisonnés par les ordres d'un autre roi! Le souvenir de faits aussi monstrueux nous étonne encoré, nous qui én fûmes les témoins, nous pourrions dire les victimes! il nous étonne d'autant plus que le roi au nom duquel s'exerçèrent de si odieuses persécutions était le fils, l'héritier, du monarque qu'on avait vu dix ans auparavant, à la tête d'une puissante coalition, d'une nombreuse armée, ánnoncer hautement par de menaçants manifestes l'intention généreuse de rétablir le trône de Louis XVI, le trône qué ces mêmes royalistes avaient alors défendu, ét qu'en ce moment ils défendaient encore! Comment serait-il possible qu'en reportant notre pensée vers de pareils événements, nous ne nous rappelassions pas que, lorsqu'il touchait au but de sa noble entreprise, forsqu'il pouvait, sans obstacle et

de ce même roi, d'arrêter, de livrer à leurs ennemis des royalistes honorables et fidèles! Ce dernier attentat, cette violation manifeste du droit des gens, de toutes les lois de l'honneur et de l'hospitalité, excita dans toute l'Europe une vive indignation. En Angleterré surtout, de vives réclamations éclatèrent dans les journaux. Le poète Delille, qui habitait cette contréc, où il composait un de ses meilleurs ouvrages, y fit entrer ces vers dictés par l'indignation encore plus que par la pitié :

Mais c'est vous, rois du monde, oui, c'est vous qu'in ·

Le sort de ces proscrits. Cette brave noblesse, [téresse
Ces prêtres, ces prélats, dispersés en tout lieu,
Souffrent, vous le savez, pour leur roi, pour leur Dicu;
Vous leur devez un port au milieu de l'orage;

Et pour eux et pour vous, honorez leur courage.

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Gardez-vous done d'offrir la scandaleuse scène
De ces cœurs généreux, punis d'aimer leurs rois.
L'avenir du présent se venge quelquefois.
Un faux amour de paix enfante les orages,
Et la faute d'un jour pèse sur tous les âges...

sans effort, obtenir les plus grands, les plus heureux résultats, le père de Frédéric III avait tout à coup suspendu sa marche, qu'il était entré en négociations avec la révolte, qu'il avait transigé avec les assassins, les bourreaux, qu'il avait reçu la dépouille des victimes égorgées en sa présence, qu'enfin il s'était retiré après avoir signé une honteuse capitulation? On ne trouvera pas mauvais sans doute que nous donnions quelque étendue au récit d'événements d'une si haute importance, à des faits dont les conséquences pèsent encore sur nos destinées. Et on ne peut pas dire qu'en cela nous nous écartions de notre sujet, puisqu'aux deux époques, si Talleyrand ne joua pas le premier rôle, il est au moins bien sûr que, là comme toujours, il fut le guide, le conseiller de cette odieuse politique. On a vu qu'en 1792 il fut aux massacres de septembre, aux capi- Du monstre, à votre tour, vous sentirez les coups, tulations de Valmy, le conseiller de Dumouriez et de Danton; en 1802 et 1803 il fut encore le conseiller, le ministre de la politique consulaire. Rien dans ce genre ne pouvait alors se faire sans sa participation, et il n'est que trop facile de reconnaître dans tout ce qui fut fait, son caractère de cupidité, sa haine pour les royalistes, et surtout son but constant et si manifeste de l'extinction de la dynastie. Et si l'on considère qu'en Prusse c'étaient aussi les mêmes hommes, Haugwitz, Lombard, Lucchésini et le duc de Brunswick, qui aux deux époques dirigeaient la politique prussienne, on ne s'étonnera pas que ceux qui avaient conseillé si lâchement en 1792 d'abandonner Louis XVI à ses bourreaux, aient conseillé plus lâchement encore en 1802, à leur roi, à l'héritier, au frère

Et leurs maux dédaignés retomberont sur vous.

C'était en 1803 que Delille publiait ces vers prophétiques, et trois ans s'étaient à peine écoulés, que les désastres d'léna, d'Eylau et de Friedland avaient justifié les prévisions du poète. Nous ne dirons pas qu'il ait applaudi aux calamités qu'il plut à la justice divine de faire supporter à la nation prussienne. Non, cet excellent homme, que nous avons connu si bon, dont nous avons éprouvé, admiré l'excellent cœur, était trop sensible, trop généreux pour applaudir aux souffrances que les nations doivent supporter pour les torts de leur maitres. Nous l'avons entendu plus d'une fois, à l'aspect de nos calamités, répéter avec douleur ce vers de Virgile: Quidquid delirant reges, plectuntur Achivi.

Mais cet homme si hon, si compatissant à tous les maux de l'humanité, s'il lui avait été donné de vivre jusqu'au retour de ces princes qu'il avait tant aimés, qu'il avait si souvent appelés de ses vœux, comment aurait-il pu voir, dans le pa-, lais du même roi, si lui-même y eût été admis, comment aurait-il pu voir, disons-nous, le serviteur fidèle, longtemps persécuté et proscrit, à côté de ses persécuteurs? Nous savons qu'une restauration doit être un temps de réconciliation, de pardon, même d'oubli; mais ce doit être aussi un temps de justice, de retour au droit, à l'immuable équité, et si quelque chose doit y être oublié, ce sont les torts pour ceux à qui l'on peut en reprocher, mais non les réparations, les justes rémunérations pour les pertes essuyées, pour les services honorablement rendus. Or il arriva trop souvent le contraire en 1814, à cette époque où l'on vit Beurnonville, homme non moins décrié par la perversité de ses mœurs et de ses opinions que son ami Talleyrand, où on le vit, disons-nous, placé dès le premier jour à la tête du gouvernement, puis chargé d'apprécier les services des anciens officiers (13), et enfin créé maréchal de

(13) Par une des anomalies si nombreuses dans la politique de cette époque, Beurnonville fut nommé par le roi Louis XVIII président d'une commission chargée d'apprécier et de récompenser les services des anciens officiers, c'est-à-dire de ceux qui, ayant quitté le service dans le cours de la révolution, par suite de leur attachement à la cause de la monarchie, avaient continué de la servir aux armées des princes, dans laVendée ou ailleurs. Il résulta souvent de cette étrange pomination des méprises qui donnèrent lieu à des railleries aussi fâcheuses pour le général que pour ceux dout il était chargé d'apprécier les services. On a dit que, l'un des pétitionnaires lui ayant déclaré qu'il avait

France; tandis que le comte de Précy, l'un des généraux les plus distingués de l'armée française, dont les services remontaient aux guerres de Hanovre, qui avait combattu pour Louis XVI au 10 août 1792 contre la révolte et l'insurrection, qui, en défendant Lyon contre

Bareuth, il s'arrêta tout confus et dit à ses été en 1801 au nombre des prisonniers de collègues que cet officier méritait certainement la croix de Saint-Louis, mais qu'il tissons point cette anecdote, qui, si elle ne la lui donnerait pas!... Nous ne garann'est pas vraie dans toutes ses circonstances, est au moins très probable; mais nous pouvons attester un autre fait du même genre avec plus de certitude, puisqu'il nous concerne personnellement. Ayant été derniers temps de son règne, nous continuânommé officier par Louis XVI dans les

mes à servir pendant les premières années de la révolution, et, en y comprenant les campagnes, nous touchions de très près au temps exigé pour la croix de Saint-Louis. Persuadé que cette lacune serait facilement remplie par les services que nous avions rendus à la cause du roi dans le cours de la révolution, nous demandâmes un certificat de ces services à S. A. R. Monsieur,depuis Charles X,qui en avait eu connaissance, qui même les avait ordonnés pour la plupart, et qui, jugeant que notre demande était fondée, l'appuya de la manière la plus honorable et la plus positive dans une attestation que nous conservons précieusement, mais qui n'eut alors aucun succès, le président Beurnonville ayant décidé que de tels services ne pouvaient pas remplacer le temps qui nous manquait : « Je vois bien, lui dis-je en retirant les pièces que je lui avais remises, que je n'ai pas servi la révolution assez longtemps: si c'était à recommencer je n'y serais pas pris. Cette réponse, que je lui fis en présence de beaucoup de monde, peut-être avec un peu d'humeur, ce dout je ne fus pas maître, parut le choquer autant que celle du prisonnier de Bareuth; mais il ne put s'en prendre à moi. Ce n'était pas ma faute, ni même celle de Beurnonville, si celui qui n'avait pas cessé de servir la révolution était chargé de juger du mérite de ceux qui l'avaient combattue, et si les instructions données à cette commission étaient telles que dans une demande ils dussent admettre lesfaits contraires à la cause de la monarchie et rejeter ceux qui lui étaient favorables!

l'oppression conventionnelle, s'était illustré par l'un des plus beaux faits d'armes de cette époque (14), fut à peine reçu dans le palais du roi qu'il avait si longtemps défendu au péril de sa vie et par la perte de sa fortune, et il alla mourir dans l'obscurité d'un village, recommandant à la bonté royale sa veuve, qu'il laissa sans fortune, tandis que le maréchal Beurnonville vivait dans l'opulence et comblé par ce même roi de toutes les faveurs réservées à l'honneur et à la fidélité! Nous pourrions citer beaucoup de faits du même genre, mais nous y reviendrons à cette époque de restauration; il faut, aupara vant, que nous disions tout l'avilissement dans lequel la Prusse était tombée en 1803. Pour cela, il faut raconter ce qui se passa dans ce temps-là à Varsovié.

On sait comment Louis XVIII, forcé de quitter la Russie par un caprice de Paul Ier, ou peut-être par les intrigues du cabinet des Tuileries que dirigeait Talleyrand,

(14) Dans le système d'oubli où la plupart des historiens se sont efforcés de laisser les faits des dernières guerres qui ont le plus honoré la valeur française, par le motif que ces faits étaient contraires à la révolution, on a surtout compris le plus beau fait d'armes de notre siècle. Voulant réparer en peu de mots cette grave omission, nous dirons que le comte de Précy se défendit pendant près de trois mois contre 100,000 assiégeants, dans une ville ouverte, sans fortifications, presque sans munitions et avec moins de 5,000 hommes armés, au milieu d'une population qui n'était pas toute entière dévouée à la même cause, et qu'enfin, quand la moitié de ses braves eut succombé, quand toute résistance devint impossible, il sortit l'épée à la main et s'ouvrit un passage jusqu'à la frontière avec le petit nombre de fidèles qui lui restaient. Au milieu de tant de beaux exploits qui ont illustré notre époque, nous n'en connaissons pas de plus remarquable; mais aussi, nous le disons à la honte des historiens, c'est celui qui est resté le moins connu, le moins honoré.

s'était réfugié dans la capitale de la Pologne, alors soumise à la domination prussienne. On sait aussi avec combien de difficultés ce prince fugitif avait obtenu cet asile et de combien d'amertume il y avait été abreuvé. A peine y fut-il arrivé qu'une foule d'émissaires, d'espions de police y vint de toutes les parties de l'Europe, et surtout de Paris où Talleyrand dirigeait toute la politique, même celle de l'intérieur, étant venu à bout de faire éconduire Fouché son rival. La contrée qui fixait alors plus particulièrement ses regards était certainement la Pologne, où se trouvait réunie la famille royale de France presque tout entière. On ne peut pas douter aujourd'hui qu'il n'eût conçu sur le sort de cette malheureuse famille les plus sinistres projets, et qu'en cela, il ne fût parfaitement d'accord avec le chef du cabinet prussien, le ministre Haugwitz, dont tout le monde a connu l'esprit de vénalité, que Napoléon luimême s'est vanté d'avoir acquis à prix d'argent. On conçoit qu'avec un pareil gouvernement, l'ancien évêque d'Autun dut toujours être parfaitement d'accord pour surveiller et tendre des piéges de tous les genres au prétendant. La première tentative auprès de ce prince fut la đémarche du conseiller Meyer, gouverneur civil de Varsovie pour le roi de Prusse, qui, le 26 février 1803, vint demander au comte de Lille (c'était le nom que portait alors Louis XVIII) sa renonciation au trône de France, tant pour lui que pour tous les siens, lui proposant en échange de riches indennités en Italie; puis, dans un second message, le royaume de Pologne tout entier, ce qui était assez remarquable de la part d'un envoyé du roi de Prusse

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