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qu'elle est dépositaire de notre • confiance que vous justifierez. Elle l'est également pour les membres de votre chapitre, parce qu'elle propagera et solennisera les sen.timents religieux et patriotiques dont ils ont fait et feront constam- ment la profession la plus inviolable. . Il était difficile que le prélat-député se méprît à ce persiflage, très-amer sans doute, mais exprimé avec politesse et fort respectueusement. Très - embarrassé d'abord, il n'y répondit que par des phrases vagues, des lieux communs qui ne trompèreut personne, et il finit par un refus positif de remettre la protestation à l'Assemblée. Je ne sais ce que c'est, dit-il, que de pré• senter au corps législatif une protestation contre ses décrets, et de la présenter surtout comme un • monument glorieux de votre patriotisme; j'aime bien mieux la lui ⚫ laisser ignorer. Le fait de ces protestations et le refus de les présenter fit beaucoup de bruit dans le monde politique. Les journaux royalistes traitèrent fort mal l'évêque d'Autun; ce qui ajouta à son crédit dans le parti révolutionnaire. Il en reçut d'éclatants témoignages à l'anniversaire du 14 juillet, où il fut chargé d'officier pontificalement sur l'autel de la patrie, élevé au Champde-Mars, en présence de quatre cent mille spectateurs, de soixante mille gardes nationaux venus de tous les départements, de la famille royale, et enfin assisté des abbés Louis et Desrenaudes, qui un peu plus tard devaient comme lui abjurer et dénier le sacerdoce. On doit bien penser que pour de tels hommes une pareille cérémonie ne pouvait être qu'une vaine parade, une scanda leuse comédie. Ce qu'il y a de sûr,

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c'est que tous les trois s'y montrèrent peu édifiants. On a même cité, de la part du prélat d'Autun, des paroles qui furent très-hautement prononcées et que nous n'oserions répéter. Ce qui est certain, c'est que c'est la dernière messe qu'on l'ait vu célébrer.

Vers le même temps, Talleyrand eut à s'occuper d'une affaire où se manifesta plus ouvertement encore son esprit d'irréligion et son zèle révolutionnaire. Ce fut cette loi de persécution et de tyrannie qu'on appela la constitution civile du clergé, par laquelle tant de vénérables ecclésiastiques devaient être poursuivis, immolés. Le prélat - député parla peu dans la discussion de cette loi satanique, et que l'on pourrait appeler sans exagération le code des martyrs; mais on ne peut pas douter qu'en sa qualité de membre du comité de constitution il n'ait pris une grande part à sa confection, qu'il n'en ait même dicté les mesures les plus cruelles. Par cette étrange législation, une assemblée qui n'avait que des pouvoirs civils très-restreints, mais clairement exprimés, s'arrogea sur l'Église les droits spirituels les plus étendus. Elle déchira le concordat avec le saint-siége, fixa l'étendue des circonscriptions épiscopales, rejeta entièrement la primauté du pape dans l'Église, priva de leur pouvoir cinquante-trois évêques, enfin destitua provisoirement tout l'épiscopat, en le soumettant à une réélection scandaleuse, sans exemple, où des protestants et des juifs eurent à nommer des prélats catholiques! Cette absurde constitution fut votée le 24 juillet 1790, et sanctionnée le 24 août par Louis XVI, malgré les énergiques représentations de Pie VI et les éloquentes protestations de Maury et de Cazalès. Dès que le dé

cret fut rendu, l'évêque d'Autun s'empressa de prêter le serment exigé: « Je jure de remplir mes fonc⚫tions avec exactitude, dit-il, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, • et de maintenir de tout mon pouvoir les décrets relatifs à la constitution civile du clergé. • Trentesix ecclésiastiques seulement, sur deux cent quatre-vingt-dix qui se trouvaient dans l'Assemblée, se réunirent à lui, ce qui ne l'empêcha pas d'adresser au clergé de son diocèse une circulaire dans laquelle il le pressa de suivre son exemple, et ne craignit pas d'affirmer que les décrets ne renfermaient rien qui dût alarmer les consciences les plus craintives; qu'on y avait séparé avec un soin religieux ce qui appartient au dogme de ce qui lui est étranger; qu'enfin ils n'étaient, sur presque tous les points, qu'un retour aux lois les plus pures de l'Eglise, que le temps ou les passions humaines avaient si étrangement altérées, etc. - Étrange • dérision, dit un des historiens du • prélat-député, détestable hypocrisie de la part d'un homme qui allait • bientôt abandonner ses fonctions • épiscopales, et passer tout le reste de sa vie dans le plus entier oubli ⚫ des lois de l'Église! »

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avoir prêté serment, et malgré la protestation des deux chapitres, les sacra l'un et l'autre, le 25 janv. 1791, dans l'église de l'Oratoire à Paris, en présence d'une minorité des pères de cette maison; car la majorité avait protesté, et c'était sans son aveu qu'on avait choisi cette église. Tout cela se fit sous la protection d'un bataillon de garde nationale que Lafayette avait eu soin d'y envoyer. Le prélat d'Autun fut assisté par deux nouveaux évêques in partibus, Gobel et Miroudot. Tant d'irrégularités dans une aussi grave cérémonie ne pouvaient être approuvées par les gens pieux, et elles furent sévèrement blâmées par la cour de Rome. Le 10 inars 1791, un premier bref, dans lequel le pape signala les erreurs de la constitution civile du clergé et prouva qu'elle était réellement schismatique, fut envoyé aux évêques membres de l'Assemblée nationale. Dès le mois suivant, des éloges furent donnés à la majorité du clergé de France, dans un second bref qui fut adressé aux prétres et fidèles du royaume, et dans lequel le saint-père déplora vivement la conduite des quatre évêques, surtout de celui qui avait osé procéder à la consécration des constitu tionnels, déclarant les élections faites en conséquence de la constitution civile illicitės, sacriléges, et prononça contre les nouveaux prẻ. lats la privation de toute juridiction. Enfin il suspendit de toute fonction et recommanda tous les ecclésiastiques qui avaient prêté le serment, s'ils ne le rétractaient pas dans quarante jours. Quelques-uns se soumirent; mais le plus grand nombre persista dans le schisme, et l'évêque d'Autun fut de ce nombre. Déjà même il avait abdiqué ses

fonctions épiscopales, et n'appartenait plus ni à l'église constitutionnelle, ni à l'église catholique. On ne doit donc pas s'étonner de l'impudeur, du cynisme avec lequel il reçut et raconta à ses amis la nouvelle d'une condamnation certainement très-méritée et qui dans un autre temps l'eût livré au mépris, à l'indignation des gens de bien. Voici comment il en écrivit le lendemain à son ami le duc de Lauzun: • Vous savez la nouvelle; venez me ⚫ consoler et souper avec moi. Tout le monde va me refuser le feu et l'eau ; ainsi nous n'aurons ce soir que des viandes glacées et nous ne boirons que du vin... » Cependant, dans un discours qu'il prononça quelques jours après, comme membre du directoire du département, sur la destination ultérieure des édifices religieux dans Paris, on vit bien qu'il mettait plus d'importance qu'il ne voulait le faire paraître aux anathèmes du Vatican. Amené naturellement par le sujet à la constitution civile du clergé, comme on doit le penser, il en prit la défense et ne manqua pas de se justifier lui-même autant que cela était possible. Personne ne ⚫pense plus sincèrement que moi, dit-il, que la religion dont les cérémonies seront célébrées dans nos églises est la religion catholique dans toute sa pureté, dans toute son intégrité ; que c'est trèsinjustement qu'on a osé nous ac•cuser de schisme; qu'une nation ⚫n'est point schismatique lorsqu'elle affirme qu'elle ne veut point l'être; que le pape lui-même est • sans force comme sans droit pour ⚫ prononcer une telle scission; qu'en vain prétendrait-il se sépa«rer d'elle; qu'elle échapperait à

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• ses menaces comme à ses anathè• mes, en déclarant qu'elle ne veut point se séparer de lui, et qu'il • convient mieux qu'elle écarte juŝ• qu'aux plus légères apparences de rupture, en manifestant haute.ment la résolution de ne point se donner un patriarche. Disons plus si dans ce moment-le pape, égaré par des opinions ultramontaines ou par de perfides conseils dont on aurait trompé sa vieillesse, • s'était permis de frapper d'un im• prudent anathème la nation française, ou seulement ceux d'entre - ses membres dont la conduite au• rait concouru spécialement à l'exécution de la loi; s'il ne craignait pas de réaliser ces menaces que plus d'une fois ses prédécesseurs • se sont permises contre la France, ■ sans doute qu'on ne tarderait pas « à montrer à tous les yeux non pré• venus la nullité d'un tel acte ⚫ de pouvoir, sans doute que l'on trouverait dans les monuments im• périssables de nos libertés gallia canes, comme aussi dans l'histoire « des erreurs des pontifes, de quoi le • combattre victorieusement. Mais alors même nous resterions encore attachés au siége de Rome. »

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«En vérité, s'écrie à cette occasion ■ un historien que nous avons déjà • cité, c'est un fait bien singulier • que cette prétention de rester atta

ché au siége de Rome, que cette • apologie de l'Église constitutionnelle, de la part de l'ancien évêque d'Autun, qui déjà avait renoncé aux fonctions ecclésiastiques dans la nouvelle comme dans l'an«cienne église ! Pour nous qui pou *vons aujourd'hui envisager froide• ment les faits, les paroles de cette époque, quelle hypocrisie ou quelle ⚫ aberration dans ce discours! ⚫

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Prononcé dans un moment où des critiques, des attaques de tout genre retentissaient partout contre l'évêque d'Autun, ce discours ne fit qu'ajouter à la haine que lui avaient dès lors vouée tous les amis de la religion et de la monarchie. Nous citerons à cette occasion un portrait assez vrai qui fut donné par Peltier dans les Actes des apôtres :

Sans savoir, sans talent, beaucoup de suffisance,
Sous Calonne, à la bourse escroquant dix pour un,
Et dans son vieux sérail outrageant la décence,
Tel on vit autrefois le pontife d'Autun.
Plus heureux aujourd'hui, sa honte est moins obscure.
Froidement du mépris il affronte les traits;
Il conseille le vol, enseigne le parjure,
Et sème la discorde en annonçant la paix.
Sans cesse on nous redit qu'il ne peut rien produire,

Et que de ses discours il n'est que le lecteur.

Mais ce qu'un autre écrit, c'est lui seul qui l'inspire,

Et l'on ne peut du moins méconnaître son cœur.

Vers le même temps, une autre circonstance se présenta qui fit encore beaucoup parler du ci-devant évêque; ce fut la mort de Mirabeau, qui expira le 2 avril 1791. On a vu que ces deux hommes, si bien faits pour vivre d'accord, s'étaient successivement liés, brouillés, puis réconciliés, et l'on sait qu'à cette époque ils s'étaient rencontrés souvent dans les comités de l'Assemblée nationale, et plus souvent encore dans les conciliabules du Palais-Royal, où l'insurrection des 5 et 6 octobre avait été préparée. La procédure du Châtelet, si indignement empêchée par une décision de l'Assemblée nationale, avait bien révélé une partie des secrets de cet horrible complot; mais beaucoup de ces secrets, beaucoup de témoignages ignorés étaient restés dans les mains de Mirabeau, et l'on doit bien penser que, le voyant près de mourir, les gens les plus intéressés à les ensevelir dans l'ombre firent tous leurs efforts pour les faire disparaître. Le duc d'Orléans surtout y mit tous ses spins, et, ne pouvant

parvenir lui-même au chevet du malade, il en chargea l'astucieux évêque, que l'on dit avoir été appelé non point assurément comme ministre des autels pour aider le grand orateur à remplir ses devoirs de piété: de pareils soins, à cette époque, il n'en était jamais question, même en présence de l'auguste assemblée qui représentait la grande nation, qui avait été réunie par le roi très chrétien ! Si l'on en croit le rapport que le prélat député fit le lendemain à la tribune de l'illustre aréopage, c'était tout simplement pour le charger de travail sur les successions, que son communiquer à cette Assemblée un collègue l'avait appelé à son heure suprême. Il faut convenir qu'on n'aurait guère soupçonné qu'en un tel moment le grand orateur se fût exclusivement occupé d'un pareil objet. Ce fut cependant ce que dit pompeusement le prélat-député, dans l'oraison où il parla avec tant d'emphase de l'immense proie que la mort venait de saisir. Comme l'on devait s'y attendre, les législateurs applaudirent avec transport; et quelques jours après, sur le rapport de l'évêque d'Autun, qui, en sa qualité de membre du directoire du département, vint parler des édifices religieux, elle décréta que la belle église de SainteGeneviève, fondée par Louis XV, et qui n'était pas achevée, serait enlevée à sa destination première et consacrée à la sépulture des grands hommes. Dans son oraison funèbre, Talleyrand n'avait parlé d'aucune autre communication qui lui eût été faite par Mirabeau; mais, après avoir examiné toutes les circonstances de cette mort et surtout le caractère et la position des deux principaux acleurs, nous sommes restés convaincus qu'il avait été question dans cette

dernière entrevue de bien autre chose que d'un discours sur les successions, dont Mirabeau ne s'était jamais occupé, mais de secrets politiques d'une très haute importance, surtout des complots du PalaisRoyal et des intrigues qui avaient préparé les journées des 5 et 6 octobre 1789. On sait que cet horrible attentat fut le coup le plus funeste porté à la monarchie, à l'existence de la famille royale, et que Mirabeau se sépara aussitôt après de la faction d'Orléans, non pas certainement par amour de la dynastie régnante, mais par mépris pour le prince dont il avait entrepris de servir les ambitieux projets, et qui, par sa lâcheté, les faisait échouer dans l'exécution. Il exprima ce mépris si hautement et dans des termes si énergiques que le duc d'Orléans et son parti ne le lui pardonnèrent pas, qu'il fut convenu dans les comités du Palais-Royal, qu'on chercherait par tous les moyens à conjurer les périls d'une aussi fàeheuse défection. Talleyrand, resté fidèle à la cause du Palais-Royal, sans toutefois se séparer du grand orateur, l'observa au contraire dès-lors avec plus d'attention, et l'on ne peut pas douter qu'il n'ait eu à sa mort une très grande part. Comme dans ce temps-là tout se disait et s'imprimait ouverte ment, il fut dit dans plusieurs journaux et dans d'autres écrits, même à la tribune, que c'était à son instigation et par ses conseils qu'un poison sans remède lui avait été administré dans une partie de débauche, chez une dame Lejeai, notoirement sa maîtresse. Jamais l'évêque d'Autun ne s'est lavé de cette accusation; et le discours qu'il prononça le lendemain à la tribune pour annoncer la mort du grand orateur dont il se

dit impudemment l'exécuteur testamentaire, est pour nous une preuve plutôt qu'une négation de sa complicité, dans un crime commis tout entier au profit de la révolution, de la faction qui l'avait commencée, et qui voulait l'achever à tout prix, per fas et nefas Ainsi nous ne doutons pas que tout le pompeux discours du prélat, annonçant la proie immense que la mort venait de saisir, ne fût qu'une de ces comédies dont les fastes de la révolution, et surtout la vie de Talleyrand, offrent tant d'exemples!

Nous ne pensons donc pas que, ni lui, ni le comte de Lamark, a aient reçu des mains de Mirabeau l'œuvre posthume récemment publiée et qui ne contient au reste rien de relatif aux événements dont celui-ci avait été, ainsi que Talleyrand, le confident et l'un des principaux acteurs. Nous savons même que ce comte de Lamark fut longtemps fort embarrassé de ces papiers que le hasard avait mis dans ses mains; que, ne se sentant pas capable d'en être l'éditeur, il s'adressa successivement à plusieurs hommes de lettres, notamment à Beaulieu, notre collaborateur, qu'il fit venir vers l'an 1820 à Bruxelles, où il le retint pendant deux ans, et d'où celui-ci revint fort mécontent, disant que le comte n'y entendait rien, qu'il voulait supprimer les choses les plus intéressantes. Il est évident qu'une partie de ces manuscrits, qui ont fini par tomber dans les mains de la famille d'Orléans et viennent d'être publiés, ne contiennent rien d'important, comme nous l'avait dit Beaulieu, et que tout ce qui était relatif aux complots du Palais-Royal en a disparu. On n'imagine pas à quel point Louis-Philippe s'occupait depuis la Restau

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