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villons, des jardins d'orangers et de myrtes. Le voyageur auquel s'ouvrait ce sanctuaire la trouvait coiffée d'un turban formé d'un vaste cachemire rouge ou blanc, vêtue d'une longue tunique, à manches ouvertes et flottantes, d'un large pantalon turc dont la draperie s'affaissait sur des bottines de maroquin jaune, brodées en soie, les épaules couvertes d'une sorte de bournou et le yatagan à la ceinture. Sa physionomie était grave, imposante; elle avait appris l'arabe et le parlait fort bien; ses traits nobles et doux avaient une majesté que relevaient encore sa haute stature et la dignité de sa démarche. Mais un jour arriva que ce prestige, si dispendieusement entretenu,s'évanouit. La fortune de lady Esther s'altérait par son absence; chaque année voyait diminuer ses revenus ; ses ressources positives, qui avaient pendant un temps soutenu la magie de cette domination bizarre, s'affaiblissaient jour par jour. Alors la reine de Palmyre redescendit au rang des simples mortels; celle qui avait signé les firmans absolus qui donnaient au voyageur le droit de parcourir en maître les régions de Palmyre, celle dont la Sublime-Porte avait tacitement reconnu l'autorité, vit les populations méconnaître sa toute-puissance. On lui laissa le titre de reine, mais ce n'était plus qu'un souvenir. Reine dépossédée de son auréole d'un jour, elle expira au moment où l'Orient s'ébranlait, au moment où l'héritier d'Achmet rendait le dernier soupir sur le trône vermoulu de Mahomet II. Elle mourut obscure, solitaire, sans même avoir mêlé son nom à ces grands événements, au bruit du canon qui gronda dans les plaines de Nésib et fut si près de changer les

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destinées de l'Orient. Dans son Voyage en Orient, M. de Lamartine a donné un récit très curieux d'une visite qu'il fit en 1838 à cette femme extraordinaire, peu de temps avant sa mort, et dont nous le prions de permettre que nous reproduisions une partie : Vous êtes venu de « bien loin pour voir une ermite, lui dit-elle; soyez le bienvenu. Je reçois peu d'étrangers, un ou deux à peine par année, mais votre let« tre m'a plu, et j'ai désiré connaître « une personne qui aime comme moi Dieu, la nature et la solitude. Elle lui fit ensuite, dans une conversation assez bizarre, sa profession de foi religieuse, finit par lui demander son nom et avoua qu'elle ne l'avait jamais entendu. « Voilà ce

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que c'est que la gloire, dit le poète; j'ai composé beaucoup de « vers, mon nom a été répété quelques millions de fois en Europe, mais il n'a pas traversé vos mers. Ici, je suis inconnu, mais d'autant plus flatté de votre bienveillance, milady. — Oui, répondit celle-ci, poète ou non, je vous aime et j'espère en vous; nous nous reverrons, soyez-en certain. Elle lui fit ensuite servir à dîner, ainsi qu'à ses compagnons de voyage, après lui avoir dit : « Je ne mange jamais avec

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personne, vivant trop sobrement. « Du pain, des fruits me suffisent à l'heure où le besoin se fait sentir. Je vais m'occuper de vous et voir plus clair sur votre avenir........ »

« Nous dinâmes très-vite; mais elle « n'attendit pas que nous fussions hors de table et m'envoya dire qu'elle m'attendait. J'y courus, et « la trouvai fumant une longue pipe orientale; elle m'en fit apporter une autre. J'étais déjà accoutumé ■ à voir fumer les femmes les plus

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« des différentes religions au milieu desquelles elle s'est condamnée à

vivre; mystérieuse comme les Druses, dont seule peut-être au monde elle connaît le secret mystique; résignée comme le musulman et fataliste comme lui; avec le juif attendant le Messie, et avec le chrétien professant l'adoration du Christ et la pratique de sa chari

table morale. Ajoutez à cela les couleurs fantastiques et les rê* ves surnaturels d'une imagination, teinte d'Orient et échauffée par la solitude et la méditation, quelques révélations peut-être des astrologues arabes, et vous aurez l'idée de ce composé sublime et bizarre

qu'il est plus commode d'appeler

folie que de le comprendre et de l'analyser. Non, cette femme n'est point folle... La puissante admiration que son génie exerce sur les populations arabes prouve assez

que cette prétendue folie n'est qu'un moyen. Aux hommes de ⚫ cette terre de prodiges, à ces hommes du désert dont l'imagination est plus colorée, plus brumeuse que l'horizon de leurs sables et de leurs mers, il faut la parole de Mahomet, le commerce des astres,

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les prophéties, les miracles, la seconde vue du génie! Lady Stanhope l'a compris, d'abord par la haute portée de son intelligence - vraiment supérieure, puis peut

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parlez, me dit-elle, comme un « homme qui croit trop à la volonté « humaine et pas assez à l'irrésistible empire de la destinée seule; ma force à moi est en elle; je l'attends, « je ne l'appelle pas. Je vieillis; j'ai diminué de beaucoup ma fortune; je suis maintenant seule et aban. donnée à moi-même sur ce rocher désert, en proie au premier auda« cieux qui voudrait forcer ma vertu, " entourée d'une bande de domesti« ques infidèles et d'esclaves ingrats qui me dépouillent tous les jours « et menacent quelquefois ma vie. • Dernièrement encore je n'ai dû « mon salut qu'à ce poignard, dont · j'ai eté forcée de me servir pour dé

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fendre ma poitrine contre celui • d'un esclave noir que j'ai élevé. . Eh bien! au milieu de toutes ces tribulations je suis heureuse; je réponds à tout par le mot sacré « des musulmans Allah henim! la volonté de Dieu; et j'attends avec confiance l'avenir dont je vous ai parlé et dont je voudrais vous inspirer à vous-même la certitude.. Lady Stanhope montra ensuite à M. de Lamartine ses beaux jardins, où aucun Européen ne pénétrait. Elle lui fit même voir une superbe jument arabe qu'elle faisait élever secrètement et qu'elle destinait à lui servir de monture pour le jour de son entrée à Jérusalem..... C'est à peu près là que se borne tout ce que le poète a raconté de son séjour chez cette nouvelle Circé. Il y passa deux jours et deux nuits sans la quitter un seul instant. Nous nous séparâmes - avec un regret sincère de ma part, dit-il, avec un regret obligeant de a la sienne. — Point d'adieux, lui ditelle en le quittant. Nous nous re- verrons souvent dans ce voyage, • et plus souvent encore dans d'au-, • tres... Souvenez-vous que vous laissez une amie dans les solitudes du Liban... Elle me tendit la main, je portai la mienne sur mon cœur, à la manière des Arabes; et nous - sortîmes..... C'était en 1838; lady Stanhope avait alors cinquante ans, et M. de Lamartine assure qu'elle était encore fort belle. Elle mourut deux ans après.

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2.

STAPFER (PHILIPPE-ALBERT), savant et diplomate suisse, fut un des hommes les plus distingués de notre époque par son savoir et son extrême probité. Né à Berne en 1766, dans la religion protestante, il fit ses premières études dans cette ville, et les termina à Gættingue; puis il entra dans le

ministère évangélique, et fut nommé professeur d'humanités, ensuite de philosophie, de théologie, membre du conseil chargé de la direction des écoles et des affaires ecclésiastiques. Après l'occupation de la Suisse par les armées françaises en 1798, il fut un des délégués que le gouvernement de Berne envoya auprès du Directoire, et il y entama, de concert avec Luthard et Jenner, des négociations pour obtenir la retraite des troupes françaises, ainsi qu'un traité qui stipulât pour la Suisse le droit de rester neutre dans les guerres de la France, la restitution des armes enlevées aux habitants de plusieurs cantons, et des titres de créance sur l'étranger saisis par le général Brune, etc. Ces négociations ayant eu pour résultat d'empêcher l'entière spoliation des familles bernoises, de faire révoquer les arrêtés des généraux français qui avaient ordonné l'exclusion des patriciens de toutes fonctions publiques, de rendre la liberté aux otages que ces généraux avaient enlevés, et de sauver les dépôts et les magasins dont le commissaire du Directoire, Rapinat, voulait s'emparer, ce dernier dénonça les négociateurs, Luthard et Stapfer, qui venaient de signer une convention secrète où ces avantages étaient stipulés, comme fauteurs de l'oligarchie et comme ennemis de la république française. Il insista spécialement sur l'éloignement de Stapfer du ministère des arts et sciences, auquel il avait été appelé. Le gouvernement helvétique ne céda pas aux instances de l'agent français, et maintint Stapfer dans la place de ministre de l'instruction publique, qui comprenait le département des cultes. Ce fut en cette qualité qu'il fournit à Pestalozzi les moyens d'essayer sa méthode sur un

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nombre considérable d'élèves, et qu'il lui procura la jouissance du château de Burgdorf. A une époque où le fanatisme anti-religieux s'était emparé de tous les esprits, Stapfer dut borner ses efforts au maintien du clergé dans la jouissance de ses droits et de ses propriétés. Dans le premier des rapports qu'il présenta à son gouvernement sur l'ensemble de l'instruction publique (réimprimé dans les Annales de la religion, t. VIII, p. 45 et suiv.), il posa en principe (p. 54, ibid.) «que l'Église, ⚫ comme personne morale apte à posséder, est propriétaire; que les dons faits par l'humanité, la piété . ou la superstition, n'importe par quel motif, lui appartiennent 'de droit. Bien qu'il servît le gouvernement helvétique avec zèle et sans aucune arrière-pensée, Stapfer fut au commencement de 1799, ainsi que ses collègues des autorités centrales, dénoncé au Directoire de France comme un traître dévoué au parti aristocratique et à l'Autriche. Le gouvernement français décréta que Usteri, Escher, Meyer de Schauensée, Koch, Kuhn et Stapfer, seraient traduits devant une commission; mais la sortie du Directoire de Rewbell, qui était parent de Rapinat et promoteur de ces persécutions (voy. RAPINAT, LXXVIII, 332), fit tomber cette décision dans l'oubli. Lorsque Bonaparte se fut emparé du pouvoir, et que la victoire de Marengo lui eut livré la Suisse, Stapfer fut accrédité auprès de lui comme ministre plénipotentiaire de la république helvétique pour remplacer Jenner, qui avait désiré quitter ce poste. Dans cette mission, il fut appelé à traiter nonseulement des intérêts qui sont du ressort des fonctions diplomatiques, mais aussi des parties principales de

LXXXIII.

l'organisation politique, sur laquelle Bonaparte se réservait d'exercer son influence, tout en se donnant l'air de laisser les Suisses libres dans leur choix. Il gardait néanmoins encore quelques ménagements pour l'opiniou publique; et ce reste d'égards hypocrites aida Stapfer à empêcher le démembrement de sa patrie. Depuis ses campagnes d'Italie, Bonaparte n'avait cessé de convoiter la possession du Valais. Croyant le moment de se l'approprier arrivé, il fit, en mars 1802, adresser à l'envoyé helvétique une note dans laquelle la cession de ce pays était demandée comme nécessaire à la France, et comme n'étant sujette à aucune objection fondée, puisque le Valais, dit le ministre, n'avait jamais appartenu au système fédératif. Stapfer, sans attendre les instructions de son gou-, vernement, adressa au ministre des relations extérieures une note qui donnait et motivait un refus absolu. Cette note, publiée très-inexactement par sir Francis d'Yvernois, dans son écrit intitulé: Les cinq promesses de Bonaparte (1803), offrait des raisonnements d'une franchise qui, plus tard, eût vraisemblablement attiré à son auteur un traitement fort contraire au droit des gens. « Je ne puis • vous considérer l'un et l'autre (le premier consul et son ministre), « disait-il, que comme les destructeurs de son indépendance (de ⚫ la Suisse) et de plusieurs sources essentielles de sa prospérité,

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• vous persistez à vouloir en détacher une portion aussi intéressante que le Valais. Tous les peuples de la terre aiment et estiment les « Suisses: tous les esprits cultivés de l'Europe leur portent une affection composée de souvenirs, de pitié et d'espérance. L'Helvétie a, aux

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yeux de l'humanité, un prix d'opinion que n'ont pu acquérir de - grands empires; et son restaurateur s'assurerait une gloire nouvelle dans l'histoire, en réparant les - maux qu'a faits gratuitement au plus ancien, au plus utile et au plus • fidèle des alliés du peuple français, « la funeste politique du Directoire. Ceux des sénateurs helvétiques qui n'eussent jamais consenti à faire présenter cette note se virent contraints, par respect humain, à joindre leur approbation à celle de leurs collègues, et Bonaparte, voyant le sénat helvétique unanime dans sa résolution, ajourna l'exécution de son des sein, pour la reprendre à la fin de 1810. Le Valais dut à cette résistance de rester, pendant huit ans, exempt de conscription et d'impôts onéreux. Une assemblée de notables, convoquée peu après à Berne, pour aviser aux moyens de rétablir la concorde et de rapprocher le régime unitaire du système fédératif, ayant modifié la constitution de l'État, et le personnel du gouvernement ayant subi de nouveaux changements, Stap fer remit de nouvelles lettres de créance, et Bonaparte fit offrir au gouvernement helvétique, par son ministre à Paris, de retirer du territoire suisse les troupes qui y étaient restées depuis l'invasion de 1798. Bien que le moment choisi pour cette offre lui donnât plutôt le caractère d'un piége que celui d'un acte de justice ou de bienveillance, et que l'évacuation proposée parût devoir être le signal d'une guerre intestine, qui fournirait à la France un prétexte de s'iminiscer plus directement dans les affaires de la Suisse, Stapfer conjura ses commettants de ne pas hésiter à l'accepter. Les chefs du parti qui leva

bientôt l'étendard de l'insurrection contre le gouvernement helvétique donnèrent alors à ce dernier leur parole, que, loin de le contrarier, ils l'appuieraient de tous leurs moyens, s'il consentait à la retraite des troupes françaises. Toutefois l'exécution de cette mesure fut presque aussitôt suivie des troubles que Bonaparte avait prévus et même suscités. La diète d'opposition formée à Schwitz se vit bientôt secondée par tous les mécontents et par la multitude toujours prête à se donner le spectacle d'un bouleversement et les chances de profit qu'elle en espère. Les succès de ce mouvement, préparé de longue main par les agents de Bonaparte, furent si rapides et si étendus que la cause de l'opposition prit, tout à coup, aux yeux de l'étranger, la couleur d'une cause nationale, et que des amis sincères de la patrie se joignirent aux adversaires du gouvernement central, pour tâcher d'engager le plénipotentiaire helvétique

se séparer des adhérents de l'unité. La diète de Schwitz lui fit en même temps insinuer qu'elle l'investirait de ses pouvoirs, s'il voulait renoncer à ce système de gouvernement. Dans cette position délicate, Stapfer ne crut pas devoir se soustraire aux douleurs morales et aux jugements erronés qui en étaient inséparables; il prit les intérêts de son pays pour guide, et donna, entre les divers moyens de pacification, la préférence à ceux qui étaient puisés dans les ressources nationales et indépendants de l'influence étrangère. Malgré le mécontentement que lui en témoigna le gouvernement français, il se prêta avec empressement aux entretiens que vint lui demander l'envoyé de la diète de Schwitz. Il fit de pressantes démarches pour obte

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