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pour but d'empêcher les sanglantes réactions, si fréquentes en Espagne entre les partis. En avançant dans le pays, notre armée trouvait les pierres de la constitution renversées, les autorités rétablies au nom du roi, mais les prisons encombrées d'hommes exposés à de cruelles représailles. Au sentiment de générosité pour des vaincus, se joignait un motif politique qui devait entrer dans les combinaisons d'un chef d'armée. En laissant une voie de salut à tout ce qui avait été entraîné et forcé de servir avec les factieux, le prince affaiblissait l'ennemi et aplanissait les voies pour arriver plus facilement et plus tôt au but de l'expédition. L'événement a justifié ses prévisions. Cependant la régence de Madrid fit, le 15 août, une protestation solennelle et énergique contre l'ordonnance d'Andujar. Elle la dénonça à l'Europe comme une atteinte à la souveraineté du roi au nom de qui elle gouvernait, comme un outrage fait à l'autorité dont elle était revêtue. Que le marquis de Talaru, comme homme privé, ait été contraire à cet acte, c'est ce qui ne doit pas surprendre, soit qu'il eût à exprimer son sentiment personnel, soit qu'il fût dans son rôle de représentant du droit des souverains et des nations. La violation était flagrante et les nécessités de la position de l'armée pouvaient seules la justifier. Mais,comme ambassadeur investi d'une haute confiance, il ne s'écarta pas, ostensiblement du moins, des instructions qu'il avait reçues, et de la politique du généralissime chargé de la conduite de l'expédition. Cet état de choses, au surplus, cessa le 1er octobre, jour de la délivrance du roi, après la bataille du Trocadéro et la capitulation de Cadix avec les cor

tès. Le marquis de Talarn, parti de Madrid, se trouva à Port-SainteMarie, avec le corps diplomatique, pour la réception du roi d'Espagne et de sa famille, dont il obtint l'accueil le plus distingué. A dater de ce moment le rôle politique de l'ambassadeur fut entièrement modérateur, afin d'engager le cabinet de Madrid à répondre aux vues généreuses et conciliantes du prince généralissime et du gouvernement français. C'est ce qui fit dire à M. Canning que jamais armée n'avait fait plus de bien et n'avait em. pêché plus de mal. Au milieu de ces soins M. de Talaru eut à négocier pour divers intérêts, et il signa trois conventions entre l'Espagne et la France avec le marquis d'Ofalia: l'une pour le remboursement et la restitution réciproque des prises de navires, l'autre pour la reconnaissance de la dette de l'Espagne (34 millions) envers la France pour dépenses faites par celle-ci en 1823; la troisième, pour l'occupation du territoire espagnol, en attendant la réorganisation de l'armée royale. Un corps français de 45,000 hommes devait rester sur le territoire espagnol jusqu'au 1er juillet 1824, moyennant un abonnement de deux millions par mois, représentant la différence du pied de paix au pied de guerre. Un autre acte, utile aux intérêts français, fut négocié par M. de Talaru, et publié sous forme de décret royal. Ce fut celui qui ouvrit les portes des possessions espagnoles en Amérique aux bâtiments de commerce des puissances alliées ou amies de l'Espagne. C'était la France qui devait le plus profiter de cette concession accordée aux sollicitations et aux démarches de son ambassadeur. M. de Talaru, dans le surplus de sa

mission, eut à lutter plus d'une fois contre l'esprit ou la faiblesse du cabinet de Madrid, pour faire respecter les capitulations accordées par les généraux français aux troupes constitutionnelles, afin d'obtenir une amnistie jugée nécessaire au rétablissement de la paix intérieure, et pour la reconnaissance des emprunts des cortès, dans l'intérêt du crédit de la monarchie. La mission extraordinaire de M. Louis de Marcellus, au commencement de 1824, eut pour objet d'appuyer ces demandes. Mais alors la France excitait, dans les conseils du roi d'Espagne, plus de jalousie que de reconnaissance, et son ambassadeur, fatigué de vaines sollicitations, abreuvé de dégoûts et traversé dans ses vues, échappa à cette situation par un congé indéfini.M. de Bois-le-Comte resta chargé des affaires.M.de Talaru fut nommé,le 15 fév. 1824, chevalier commandeur des ordres du roi, et l'année suivante ministre d'État, membre du conseil privé. Sa mission en Espagne n'a pas eu de meilleur historien que Chateaubriand dans son ouvrage du Congrès de Vérone. La correspondance diplomatique qu'il entretint avec M. de Talaru, en 1823 et 1824, montre dans quel esprit toute cette affaire fut conduite, et combien il fallut d'habileté à l'envoyé français pour ménager tant d'intérêts opposés au milieu des difficultés que suscitaient les puissances étrangères. Quelques citations de cette correspondance feront mieux comprendre que nous ne le ferions nous-même la nature et les difficultés de la situation. Le 1er octobre, le roi d'Espagne étant délivré, la mission de M. de Talaru devint plus régulière; elle rentra dans les conditions ordinaires de la diplomatie. Il n'y eut plus lieu, pour le

LXXXIII.

ministre des relations extérieures en France, de donner des instructions dans lesquelles se trouvaient des phrases comme celle-ci : Figurez-vous que vous êtes roi d'Espagne! Le but était atteint, et ce fier langage n'était plus de saison. Il restait cependant à conserver le caractère et la dignité du gouvernement de la France. M. de Chateaubriand écrivait le 25 octobre à M. de Talaru: « Tâchez de modé

rer les réactions...... L'établisse- ment d'un absolutisme avide, sanguinaire et fanatique, déshonorerait cette campagne qui fait un . immortel honneur à la France par

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sa hardiesse et sa générosité. » La suite de la correspondance de Chateaubriand est un témoignage continuel de l'habileté et de la fermeté de caractère avec lesquelles M. de Talaru conduisit les négociations relatives au traité d'occupation, au commerce avec les colonies espagnoles, et à l'indemnité de guerre. L'ambassadeur français reçut de Ferdinand l'ordre de la Toison-d'Or, en même temps que Louis XVIII lui accorda les témoignages les plus éclatants de satisfaction. L'ouvrage de M. de Chateaubriand fait connaître que M. de Talaru fut désigné comme le successeur de l'illustre écrivain, aux affaires étrangères. Le 9 juin 1824 il lui écrivit le billet suivant : « Je ne suis plus ministre, - mon cher ami; on prétend que vous « l'êtes. Quand je vous obtins l'am

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bassade de Madrid, je dis à plu« sieurs personnes, qui s'en souvien.nent encore: Je viens de nommer - mon successeur; je désire avoir été prophète. Assurément ce poste était bien digne d'un homme qui connaissait si bien l'Europe, et venait de faire ses preuves de talent et de caractère dans une mission aussi

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et qu'ils soient reconnaissants de ce que le prince a fait pour eux, « même lorsqu'il a recours à des moyens de salut qui contrarient leurs idées ou leurs passions. » « 17 août. Quant à l'ordonnance, c'est une chose faite; il faut done. la soutenir; car ce qu'il y a de pire, « c'est de reculer sur une mesure." « 19 août. — J'espère que vous au- rez pris en termes polis, mais fer

difficile; mais on comprend que des
motifs de délicatesse réunis à des
circonstances de position n'aient pas
permis à M. de Talaru d'accepter
cette haute position. « 26 juin.
« Votre rôle sera difficile entre les
- partis français et les partis espa-
gnols. Vous en trouverez de tou-
tes les sortes... Ne vous laissez pas
- déconcerter au premier moment;
. en dernier résultat, nous triomphe-
avec de la fermeté et de
la patience.16 juillet. Que
les conférences soient toujours ou
« presque toujours des conversations
« dans lesquelles vous montrerez le
tout adoucir.
plus grand désir d'agir avec les al-
liés; mais concluez très peu, c'est là

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mes, le parti de l'ordonnance, « Ostensiblement, vous devez être pour tout ce qui émane d'une au-, «torité française; secrètement, vous « devez lâcher de tout concilier, de » * 27 août.

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- n'avez pas entendu les plaintes du parti opposé; vous n'avez pas vu • comme nous ici les réponses de tous les gouverneurs des places, qui disent tous qu'ils se rendraient, « mais qu'ils ne le feront pas, parce» qu'en posant les armes, ils seraient emprisonnés et massacrés par les ordres de la régence.... On traite aujourd'hui trop facilement d'ineptes, d'incapables, de stupides « les gouvernements; mais peut-être, « en dernier résultat trouvera-t-on qu'un gouvernement qui a essayé de concilier les hommes, qui s'est

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funeste. Je n'ai d'autre conseil à

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quelques jours, peut avoir un effet

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« vous donner que de faire vos ef- opposé à toutes les mesures arbi

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forts pour amortir le coup. Ne vous

• rangez pas du côté de la régence, « mais calmez-la en lui représentaut que c'est l'imprudence de la note. - de M. Saës, ce mot de réparation, qui, en blessant Mgr le duc d'Angoulême, l'ont forcé de prendre une mesure qu'il a crue nécessaire à la sûreté de son ar◄ méc........ Que deviendraient la régence et les royalistes, si nous étions obligés de nous retirer sur ■ l'Ebre ? S'ils veulent se sauver, il ⚫ faut donc qu'ils restent unis à nous,

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traires, qui partout a arraché des victimes à la mort sans distinction, de parti, et qui, tandis qu'on l'accusait de faiblesse, n'a consenti à « aucune concession politique, a fait « usage d'un assez heureux mélange de modération et de fermeté. » Après la mort de sa seconde femme, M. de Talaru sentit réveiller en lui le goût des voyages, qu'il avait eu dans sa jeunesse. A l'âge où les hom-, mes cherchent le repos comme une préparation à l'éternité, il se livra au mouvement et à l'agitation des

été dictées par l'intention la plus noble et la plus pure. La plupart des legs qu'il a faits sont, pour ainsi dire, des fideicommis en faveur de personnes qu'il a chargées de continuer ses bonnes œuvres; car il était charitable, et n'estimait sa fortune que parce qu'elle lui donnait le moyen de suivre les inspirations de son cœur. Voici les principaux de ces legs: A Mgr. le comte de Chambord 2,000,000; à M. de Chateaubriand, 50,000 fr.; à M. Berryer, 40,000 fr.; à M. le prince de Montmorency-Robecque, son neveu, une terre valant 800,000 fr. pour l'aider dans la tâche qu'il a entreprise de secourir toutes les infortunes. Possédant des biens dans sept départements, il a laissé à chacun des sept évêques administrateurs des diocèses correspondants 30,000 francs pour les pauvres. Ses biens s'étendaient sur quarante-une communes; ila laissé à chaque desservant 4,000 fr. pour la même destination et 100,000 fr. à l'œuvre de la propagation de la Foi, dont il avait pu admirer, dans ses voyages, les prodiges accomplis avec les plus faibles ressources. Fondateur de quatre établissements desservis par des sœurs de charité, il a doté chacun d'eux de 50,000 fr. Enfin il a laissé 80,000 fr. à l'hospice d'Étampes, 10,000 fr. à l'œuvre, des Orphelins du choléra, et d'autres legs pieux, formant avec ceux qui viennent d'être indiqués un capital de 2,000,000. M. le marquis de Talaru est mort à Paris le 24 mai 1850. Son nom, demeuré sans tache au milieu de nos révolutions, sera inscrit parmi ceux des amis et des bienfaiteurs de l'humanité.

excursions lointaines. La révolution de février, en affectant son âme toute française, ne fit qu'accroître cette disposition! I visita le Danemarck, la Suède, et pénétra jusqu'en Laponie. De là, il passa en Russie, et visita Saint-Pétersbourg, d'où. traversant les provinces de ce vaste empire, il alla parcourir le champ de bataille de la Moskowa et faire un séjour à Moscou. De la Russie, il se rendit à Constantinople en passant par Vienne, et revint à Paris après avoir séjourné à Rome. Dans un autre voyage, il passa un hiver à Rome, celui pendant lequel éclata la révolution; et il s'embarqua pour l'Égypte, où il arriva après avoir touché à Malte. Mehemet-Ali lui fit une réception très distinguée, et lui procura toutes les facilités pour ses excursions dans le pays. Revenu en France dans sa soixante-dix-huitième année, ayant accompli ce qu'on peut appeler son tour d'Europe, il partit pour les États-Unis d'Amérique, et après avoir visité plusieurs villes de l'Union, il alla à la Nouvelle-Orléans, ensuite à la Havane. Avide de voir et de connaître, bon observateur, le voyageur octogénaire n'avait retenu que dans sa mémoire les circonstances de ses longues courses, et il les racontait avec beaucoup d'intérêt. Revenu en France, il se prépara à la mort comme un homme qui la pressentait. Le dernier acte remarquable de sa vie fut son testament, dont le public s'est beaucoup occupé, parce qu'on y trouve le plus auguste et le plus illustre nom de l'histoire contemporaine. Il semble que M. de TaJaru ait voulu par là ne laisser après lui aucun doute sur ses sentiments. Mais on peut dire qu'indépendamment de ce motif, presque toutes ses dispositions testamentaires ont

B-G-D.

TALHOUET (AUGUSTE-FRÉDÉRICBON-AMOUR, marquis de), d'une des plus anciennes familles de Bretagne,

était né à Rennes le 8 avril 1788. A quinze ans, il s'engagea dans un régiment d'infanterie légère, qu'il quitta, quoique déjà sous-officier, pour entrer à l'école militaire de Fontainebleau. Il en sortit sous-lieutenant, et passa avec ce grade dans la cavalerie, au 15e régiment de chasseurs. En 1807, il fut nommé lieutenant, puis capitaine aide-decamp du général Espagne. Officier d'ordonnance de l'empereur et chef d'escadron en 1809, il se signala au bombardement de Vienne. Napoléon, qui aimait les noms de l'ancienne noblesse, le fit bientôt un de ses officiers d'ordonnance. Sa mère devint dame du palais de Joséphine, et sa sœur, l'épouse du général Lagrange. La désastreuse campagne de Russie fut pour lui l'occasion de se distinguer. Grièvement blessé à la Moskowa où il donna des preuves de courage, il fut promu au grade de colonel du 6o de chasseurs sur le champ de bataille. Blessé de nouveau dans la retraite, on le laissa pour mort sur la neige, et sans un soldat de son régiment qui le porta à une ambulance, il eût certainement succombé. Plus tard, il récompensa dignement ce brave homme, en l'établissant dans son domaine du Lude, où il ne cessa de lui témoigner la plus vive reconnaissance. Il servit l'empereur jusqu'à sa chute, et, au retour des Bourbons, Louis XVIII le choisit pour colonel des chasseurs de Berry, puis le fit chevalier de Saint-Louis et commandeur de la Légion-d'Honneur. Il se trouvait à Compiègne, en mars 1815, lorsque les chasseurs royaux s'y présentèrent, sous le général Lefebvre-Desnouettes, pour entraîner dans leur défection les chasseurs de Berry. Talhouet fit aussitôt monter à cheval

son régiment, qu'il maintint dans le devoir, et il le ramena au Bourget, où les soldats renouvelèrent avec de vives démonstrations leur serment de fidélité. Durant les Cent-Jours, Talhouet se tint à l'écart, et, après la seconde Restauration, il reçut le commandement du 2e régiment de grenadiers à cheval de la garde royale, avec le grade de maréchal de camp. En 1817 il épousa la fille du comte Roy, ce qui augmenta beaucoup sa fortune, et le 5 mars 1819 il fut créé pair de France. Il se montra très-exact aux séances de la chambre, où on le vit déployer, dans les commissions, beaucoup d'aptitude aux affaires; mais il parut rarement à la tribune. Bien qu'ayant toujours voté avec le parti royaliste, il n'hésita pas à reconnaître la monarchie de juillet, et à la servir. Membre du conseil général de la Sarthe, où il possédait le magnifique domaine du Lude, il en présida plusieurs fois le collége électoral.Il venait d'être mis à la retraite comme maréchal de camp, lorsqu'il mourut le 12 mars 1842. Il était grand-officier de la Légion-d'Honneur. Il avait constitué, en 1819, la société pour l'amélioration des prisons, et en 1835 il habilla à ses frais cent habitants du Lude. Son corps est inhumé dans la chapelle de l'hospice de cette ville, fondé par sa mère. Son fils était en 1851 l'un des représentants de la Sarthe à l'Assemblée législative; sa fille a été mariée au fils du duc de Brissac, enlevé par une mort prématurée. Sa sœur avait épousé le général, Lagrange. Son éloge funèbre a été prononcé à la chambre des pairs par le président Boyer, dans la séance du 24 mars C-H-N. TALLEMANT des Réaux (GÉDÉON) naquit à La Rochelle vers

1843.

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