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était resté une heure et demie. M. de Staël était sorti du salon l'âme tellement navrée que, ne pouvant retenir ses larmes, Lauriston l'avait vu traverser la salle du rez-de-chaus sée de l'hôtel tenant un mouchoir sur ses yeux et paraissant suffoqué par la douleur. Tout le monde semblait le plaindre. Quelques minutes après, Napoléon remonta en voiture et garda le silence jusqu'à ce qu'il fût arrivé à quelques lieues en avant de Bourgoin. Le jour commençait à poindre. L'empereur semblait plongé dans ses réflexions, lorsque, poussant légèrement du coude le grandmaréchal, qui, placé à sa gauche, s'était assoupi, il lui dit d'un ton goguenard Est-ce que vous dormez, Duroc? Non, sire, balbutia celuici en se redressant. N'ai-je pas été un peu dur, reprit-il, à l'égard du jeune de Staël? Le grand-maréchal ayant gardé le silence, Napoléon poursuivit : Je le crains. Après tout, je ne lui ai rien dit de trop. Son grand-père n'avait aucun talent en administration; j'en sais quelque chose. Sous ce rapport, tout le monde rend une éclatante justice à Votre Majesté, dit alors Berthier qui depuis l'arrivée à Chambéry, n'avait pas dit une parole. En définitive, reprit l'empereur, je ne suis pas fâ ché de m'être expliqué catégoriquement sur le compte de Mme de Staël, parce qu'on n'y reviendra plus. Ces gens-là dénigrent tout ce que je fais, ils ne me comprennent pas. On sait la vélocité avec laquelle Napoléon voyageait. Parti de Chambéry le 29 décembre 1807, à six heures et demie du matin, après avoir passé par Lyon, Mâcon, Auxerre et Melun, il était arrivé aux Tuileries le 1er janvier 1808, à sept heures du soir, et, une demi-heure plus tard, il dînait

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en famille, comme s'il fût revenu simplement de Saint-Cloud ou de la chasse. A trois mois de là, il y avait, le soir, cercle et réception dans les grands appartements du palais. La cour était brillante et le corps diplomatique nombreux. Napoléon semblait satisfait des nouvelles qu'il avait reçues le matin. Appuyé sur le bras du grand-maréchal, qui lui nommait les personnages, il parcou rait les salons des Tuileries, en adressant des paroles bienveillantes à ceux qui se trouvaient sur son passage. Parvenu au centre du salon de la Paix, il avise, dans un des angles, devant le socle qui supportait le buste de Washington, un petit groupe de diplomates étrangers qui s'entretenaient à voix basse. Il presse le pas, s'approche. On l'aperçoit : chacun se tait. Messieurs, je ne veux pas vous interrompre, dit-il en souriant et en s'adressant au ministre de Bade, qui semblait tenir le dé de la conversation; continuez, je vous prie: que disiez-vous? Sire, répondit l'amiral Verhuel en s'inclinant, M. de Dalberg nous parlait d'un nouvel ouvrage publié en Allemagne, et qui cause en ce moment une certaine sensation. Et comment appelle-t-on cet ouvrage? demanda l'empereur en souriant. Sire, ces messieurs disent que ce sont des Considérations sur les principaux événements de la révolution française, écrites par Mme la baronne de Staël. Ah bah ! exclama l'empereur avec surprise; il y est question de moi, je parie? Sire, l'auteur s'extasie, dit-on, sur les merveilles enfantées par Votre Majesté; mais.... Et l'amiral n'acheva pas sa phrase.

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J'entends! fit Napoléon avec une inflexion de voix singulière, j'y suis abîmé? Alors se tournant vers le

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grand-maréchal, qui, placé derrière

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d'être auprès de toi; si je l'avais

lui, avait adressé un regard d'intelli- osé, je serais parti tout de suite

gence à l'ambassadeur de Hollande pour l'empêcher d'en dire davantage:

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Eh bien, Duroc, poursuivit-il, vous rappelez-vous notre jeune homme de Chambéry?... Ai-je eu raison de tenir ferme?... Vous l'entendez; avec cette femme, c'est toujours à recommencer. En imprimant à son corps un léger balancement, Napoléon baissa la tête comme s'il eût voulu regarder sa fine chaussure, sur la quelle scintillaient deux petites boucles d'argent de forme ovale, en disant comme à part lui: Il y a des gens qui sont incorrigibles!» Le jeune Staël s'était hâté d'envoyer à sa mère une relation de cette mémorable entrevue, et elle est à peu près conforme à celle de Bourrienne. Il y avait ajouté les réflexions suivantes. « Voilà à peu près, chère « et excellente mère, cette conversation qui a duré près de trois quarts d'heure. Il n'a vu que moi pendant le temps qu'il est resté à Chambéry. «<lla parlé à d'autres personnes dans sa voiture et dans l'escalier de l'auberge. J'étais extrêmement triste « en revenant; je me reprochais beaucoup de ne lui avoir pas bien parlé, de n'avoir pas répondu avec « mouvement. Écris-moi là-dessus, « chère bonne maman; fais-moi des questions; je retrouverai peut« être encore des détails. Ne serastu pas mécontente de mes répon«ses? Je trouve que dans cette lettre tu dois penser que j'ai eu trop de sécheresse; mais je crois pourtant lui avoir parlé avec sensibilité dans la première partie de la conversation, avant ce qu'il a dit sur mon grand-père. Adieu, chère et mille fois chère maman. Je ne peux pas te dire quel besoin j'aurais

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pour Vienne. Afin que le voyage fût tout-à-fait malheureux, nous « avons versé dans la neige, au milieu de la nuit; mais aucun des "Voyageurs ne s'est fait de mal. En tombant je pensais au bonheur « que ce serait de pouvoir... (La fin de la lettre s'est perdue.) Après cette mésaventure le jeune de Staël se retira paisiblement au château de Coppet, où il s'occupa d'agriculture et d'économie politique, tandis que sa mère courait le monde, et composait des livres qui ajoutaient à l'irritation de Bonaparte. Ils ne se revirent qu'en 1814, lorsque Mme de Staël revint à Paris, on pourrait bien dire dans les bagages des alliés, car elle les suivait de très-près et y entra en quelque façon avec eux, ainsi que son ami Constant de Rebecque. On doit penser de quelle joie fut suivie la restitution de deux millions que Louis XVIII, ancien protecteur de Necker, ordonna sur-le-champ. Toute la famille fut alors royaliste, et cela dura près d'un an. Nous avons entendu Mine de Staël, qui sortait de chez le roi qu'elle était allée remercier, répéter avec délices ce qu'elle avait dit à Sa Majesté : Sire, il y a

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bien des mécontents; mais il n'y a pas de mécontentement.... Louis XVIII qui, comme on sait, aimait assez les jeux de mots, avait trouvé celui-là charmant. Depuis ce moment le bonheur de la famille genevoise fut parfait jusqu'à la mort de Mme de Staël, qui eut lieu le 14 juillet 1817. Alors le jeune de Staël fit encore plusieurs voyages à Paris, en Angleterre et dans le Midi de la France, où il s'occupa beaucoup de propagande protestante. Il était un des chefs de la société bi

blique, et il fit pour cela de grands sacrifices. I en fit aussi beaucoup pour empêcher la traite des nègres, et ayant trouvé, chez un armateur de Nantes, des fers qui témoignaient de sa continuité, il les apporta au Dauphin, pour que ce prince en fit justice, ce qu'il obtint sans peine. Dans les dernières années de sa vie, le fils aîné de Mme de Staël s'adonnait à l'agriculture, et il exploitait avec quelque succès son domaine de Coppet. Il eut la prétention d'être nommé à la chambre des députés par le département de l'Ain, où il avait une propriété. Il était près d'y réussir, et il est probable que ses opinions l'eussent placé à côté de Benjamin Constant, l'ami de sa famille, lorsqu'il mourut presque subitement. Toujours plein d'enthousiasme pour la mémoire de son grand père et pour celle de sa mère, il se fit successivement l'éditeur de leurs œuvres, qu'il accompagna de longues apologies, de commentaires sans fin et sans mesure. Chez lui, c'était une nécessité de famille, et l'on sait que, dans celle-là un père et une mère ne furent jamais que des personnages accomplis, des génies incomparables. A. de Staël mourut à Coppet, le 17 nov. 1827, d'une fièvre maligne compliquée d'affection au foie, laissant sa jeune épouse dans un état de grossesse avancée. Madame la duchesse de Broglie, qui était accourue de sa terre de Normandie, reçut en route la nouvelle de sa mort. Elle-même ne lui a survécu que de quelques années, ainsi que son frère cadet. I fut enseveli dans le même tombeau que Necker, sa femme et Me de Staël. Il ne reste donc plus aujourd'hui de cette famille que la quatrième génération. On a du baron de Staël : I. Du nombre et de l'âge des députés, Paris,

1819, in-8°. II. Du renouvellement intégral de la chambre des députés, Paris, 1819, in-8°. On a vu que le jeune de Staël se portait alors candidat à la chambre des députés. III. Notice sur M. Necker, br. in-8o, réimprimée en tête des œuvres de son grand-père, dont il fut l'éditeur, en société de M. de Broglie, ainsi que de celle de Mme de Staël. IV. Lettres sur l'Angleterre, Paris, 1825 et 1829, in 8°. V. Récit de la perte du bâtiment de la Compagnie de Indes, le Kent, trad. de l'anglais, 1826, in-8°. VI. Elégies, Paris, 1827, in-8°. VII. Œuvres diverses de M. le baron de Staël, précédées d'une notice sur sa vie, par Mme la duchesse de Broglie, sa sœur, et suivies de quelques lettres inédites sur l'Angleterre, Paris, 1829,

3 vol. in-8°. On a sur le baron de

Staël une notice de M. Monnard, lue à la Société vaudoise d'utilité publi que dont il était membre. - Dans le mois d'août 1837, est mort, à l'âge de cinquante ans, dans l'hospice de la Charité de Paris, un individu du nom de Staël-Holstein. C'était le fils du frère de M. de Staël-Holstein, ambassadeur de Suède en France en 1792, et qui avait épousé la fille de Necker. Par suite de beaucoup de vicissitudes le neveu par alliance de l'auteur de Corinne n'était qu'un modeste commis-libraire employé dans la maison Treuttel et Würtz. M-Dj.

STAMFORD - RAFFLES (SIR THOMAS), savant distingué, qui, de simple commis à la compagnie des Indes, s'éleva par son seul mérite aux postes les plus éminents, et dont le roi d'Angleterre récompensa, en 1817, les talents et les services par des lettres de noblesse. Stamford mourut d'une attaque d'apoplexie le 5 juillet 1827. Il avait composé divers

écrits sur l'île de Java, dont il fut longtemps le lieutenant-gouverneur, et il fut encore éditeur de diverses relations de voyages, entre autres de celui de George Finlaison, et l'un des fondateurs de la brillante colonie de Singapore. En 1824, lors de son retour des Indes, il essuya un terrible naufrage dans lequel il perdit plus de 20,000 livres sterling d'ouvrages, cartes et objets précieux. Stamford était membre de presque tous les corps savants de l'Angleterre et de plusieurs autres pays. Son principal ouvrage a été publié sous ce titre Description géographique, historique et commerciale de Java et des autres îles de l'archipel indien, par MM. Stamford - Raffles et John Crowfurd, ancien résident à la cour du sultan de Java, contenant des détails sur les mœurs, les arts, les langues, les religions et les usages des habitants de cette cinquième partie du monde, trad. de l'anglais par M. Marchal, ex-employé du gouvernement à Batavia, avec gravures et cartes, Bruxelles, 1824, in-4°. La veuve de Stamford a publié, en 1830, à Londres (en angl.): Mémoires sur la vie et les services publics de sir Thomas Stamford-Raffles, gouverneur de l'ile de Java, depuis 1811 jusqu'en 1816, et de Bencoolen, depuis 1817 jusqu'en 1824, avec des détails sur le commerce et les ressources de l'archipel indien, tirés de sa correspondance, 1 vol. in-4°, avec plans et cartes.

Z.

STAMPART (FRANÇOIS), peintre, d'Anvers, né en 1675, fut élève de Tyssens. Le désir de faire une fortune plus prompte, joint à ses dispositions naturelles, le décidèrent à cultiver le genre du portrait. Il prit d'abord Van Dyck et de Vos pour

modèles; mais la nature lui parut un plus grand maître encore, et il finit par ne suivre qu'elle. Ses portraits eurent bientôt le plus grand succès, et ses rivaux eux-mêmes furent obligés de reconnaître sa supériorité. Fort jeune encore, il fut appelé à la cour de Vienne par l'empereur Léopold, qui lui donna le titre de peintre de son cabinet, titre qui lui fut confirmé par les deux successeurs de ce prince. Sa vogue se soutint constamment. Pour suffire aux nombreux portraits qui lui étaient demandés et ne point lasser la patience des grands seigneurs, qui ne pouvaient lui donner de longues séances, il se contentait de dessiner leur tête aux crayons noir, rouge et blanc; il ébauchait son tableau d'après ce dessin, et ne se servait de la nature que pour terminer. Il avait également pour méthode de couvrir sa toile d'une couche de couleur de chair, avant d'ébaucher, afin de faciliter son travail, et de donner à sa peinture plus de transparence et d'éclat. Sur la fin de sa vie il se retira chez les Pères Minorites de Vienne, où il mourut le 3 avril 1750. P—s. STANHOPE. Voy. HARRINGTON, LXVI, 431.

STANHOPE (lady ESTHER-LUCY), l'une des femmes les plus extraordinaires ou les plus bizarres de notre siècle, née le 12 mars 1776, était petite-fille de lord Chatam, père de l'illustre Pitt. Elle n'eut de celui-ci dans son testament que quelques lignes par lesquelles il la recommanda à la générosité anglaise, ce qui lui valut une modique pension. D'abord dépourvue de tout autre moyen d'existence, elle conçut le plan de la vie aventureuse qu'elle devait mener dans la suite ; mais ayant hérité d'une grande fortune par la mort d'un ons

cle, elle quitta l'Angleterre, parcouJut l'Europe et fut accueillie partout avec l'empressement et l'intérêt que son rang, son esprit et sa beauté devaient lui attirer. Après quelques années passées dans les principales villes de l'Europe, elle s'embarqua pour l'Orient avec une suite nombreuse. On n'a jamais su le motif de cette expatriation. Quelques-uns l'ont attribuée à son amour de la liberté et de l'indépendance; d'autres au désespoir d'un amour malheureux. Elle passa quelques années à Constantinople et s'embarqua enfin pour la Syrie sur un bâtiment anglais qui portait la plus grande partie de ses trésors et des valeurs immenses en bijoux et en présents. La tempête assaillit le navire dans le golfe Macri, sur la route de Caramanie, où le vaisseau fut brisé et les trésors engloutis dans les flots. Lady Stanhope ellemême n'échappa à la mort qu'avec peine. Cependant rien ne put affaiblir ses résolutions. Elle retourna à Londres, rassembla les débris de sa fortune, reprit la mer, fit voile de nou veau vers les parages de la Syrie, et débarqua à Latakié, l'ancienne Laodicée. Elle avait eu d'abord la pensée de fixer son séjour à Broussa, au pied du Mont-Olympe; mais Broussa ne compte pas moins de soixante mille habitants; c'est une ville commerçante, située aux avenues de Constantinople; et il fallait à lady Stanhope toute l'indépendance, toute la solitude du désert. Elle choisit donc les solitudes du Liban, dont les ramifications extrêmes vont se perdre au milieu des sables. Palmyre ruinée, Palmyre, l'ancienne ville de Zénobie, plaisait à son imagination; et le lieu de sa nouvelle résidence devait être voisin de ces plages oubliées où le passé se trouve avec son

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prestige, son originalité. Enfin elle se fixa au village de Djouni, celle dont la vie devait être livrée tout entière aux aventures du hasard. «L'Europe, dit-elle, est un séjour fade et monotone; j'y vois des peuples indignes de la liberté, et l'avenir ne m'y présente que révolutions sans fin. » La voilà étudiant l'arabe, et cherchant à pénétrer le caractère des populations de la Syrie. Un jour, vêtue du costume des Osmanlis, elle se met ea route pour Jérusalem, pour Damas; elle s'avance au milieu d'une caravane chargée de richesses, de tentes, de présents pour les cheiks; bientôt elle voit s'assembler autour d'elle toutes les tribus, elle voit toutes ces peuplades s'incliner en sa présence. Comme jadis Ruy Diaz de Bivar en Espagne, elle reçoit le nom de Cid; et pas une voix ne s'oppose à son triomphe. Ce n'était point seulement par sa inagnificence qu'elle avait provoqué l'admiration des Arabes; plus d'une fois son courage avait été mis à l'épreuve, et toujours elle avait tenu tête au péril avec une énergie dont les tribus gardaient le souvenir. Sachant aussi flatter les préjugés musulmans, elle n'avait aucune relation avec les chrétiens ni avec les juifs. Elle passait des journées entières dans la grotte d'un santon, qui lui expliquait le Coran, et ne paraissait jamais en public qu'avec cet air d'inspiration qui fut toujours chez les Orientaux la marque distinctive des prophètes. Chez elle toutefois cette conduite était moins l'effet d'un calcul que d'une propension marquée pour tous les genres d'exaltation et d'originalité. Son habitation, qui d'abord n'était qu'une retraite solitaire, se transforma tout à coup en palais oriental, avec des pa

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