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Ils n'avaient pas les mots, mais ils avaient la chose,
Car ils savaient aimer, se défendre et mourir.

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Quoi qu'il en soit et puisque dans le volume de M. Bons la forme est la seule partie faible, empressons-nous de reconnaître qu'il y a lieu à s'applaudir de ce qu'un homme de cœur ait répondu chez nous à une vocation poétique. Et l'on s'en applaudira d'autant plus en ces temps-ci, que de semblables vocations deviennent de plus en plus rares, à mesure que les intérêts matériels étendent davantage leur empire sur les intelligences. PH. P.

PRÉCIS DE L'HISTOIRE DE L'ÉGLISE, par le Dr CLEMEN.

Le Précis de l'histoire de l'Eglise, par le docteur CLEMEN, professeur d'histoire à Cassel, traduit de l'allemand par M. COLONDRE, ancien pasteur du canton de Genève'; vient remplir pour les protestants de la langue française une lacune regrettable. N'ayant à leur disposition que des livres trop volumineux, comme celui de Mosheim, qui est déjà ancien, et celui de Matter, qui est plus moderne, ou trop abrégés, comme celui de Barth, traduit par Descombaz, notre compatriote, ils connaissent peu l'histoire de l'Eglise. C'est à peine si un petit nombre d'entre eux se font quelque idée des événements les plus saillants de cette histoire, des débats qui agitèrent l'Eglise primitive, des persécutions qu'elle eut à subir, des altérations qui s'introduisirent peu à peu dans les dogmes et dans la pratique du christianisme, de la réformation, de ses résultats. Et toutefois, pour une communion qui prétend remettre la lumière sur le boisseau, il est essentiel de ne pas négliger l'histoire des faits religieux, qui se sont accomplis durant ces dix-huit siècles. Ce genre de science forme le complément indispensable de toute bonne éducation religieuse. L'Allemagne l'a apprécié dès longtemps, et elle offre à cet égard une foule de travaux dont il serait bon de voir traduits quelques-uns dans notre langue.

Pour obvier à cette nécessité, M. l'ancien pasteur Colondre, parmi de nombreux manuels, en a choisi un qui nous paraît être une précieuse acquisition pour les lecteurs français. Peut-être aurions nous pu demander qu'il fût un peu plus développé en ce qui concerne la réformation de la France et de la Suisse française: mais c'est là le seul déficit que nous

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BULLETIN LITTÉRAIRE ET BIBLIOGRAPHIQUE.

ayons à signaler, déficit bien compensé, du reste, soit par les nombreux ouvrages qui ont été publiés sur ce sujet, dans les dernières années, soit par les qualités de ce Précis. On y trouve, en effet, les caractères d'un livre destiné à devenir populaire : une exposition claire et concise des faits qu'il raconte; le désir de rendre familiers à chacun les noms qui ont pesé pour quelque chose dans les destinées de l'Eglise; une grande largeur d'idées et une impartialité qui n'exclut point cependant une prédilection évidente pour les doctrines évangéliques. Point de discussions inutiles, point de bagage scientifique par lequel le lecteur se trouve attardé, et cependant, sauf le point indiqué ci-dessus, tout s'y trouve, du moins tout ce qui est important. On s'en convaincra par ce fait que l'index alphabétique des matières, dans ce volume de 500 pages, en occupe quinze à lui seul. Disons aussi que la traduction, toujours fidèle, offre en même temps une lecture facile et fréquemment élégante, comme on en peut juger par les articles consacrés à Mahomet, au monachisme, à l'architecture du moyen âge, et au remarquable parallèle tracé entre Luther et Zwingle.

Nous devons remercier le traducteur d'avoir amené le récit jusqu'aux temps les plus modernes et de l'avoir fait dans le même esprit qui avait animé l'auteur pendant le cours de son ouvrage.

ERRATUM.

Page 322, ligne 24 du Bulletin, lisez : Les deux neveux, au lieu de : Les deux tuteurs.

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LIVE, 1856. 1857.

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LES PHILOSOPHES FRANÇAIS DU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE, ESSAIS DE CRITIque et d'histoire, 1858.

Le nom de M. Taine n'est pas de ceux que la critique a le plaisir de révéler au public. L'auteur a fait son chemin rapidement et tout seul. Il y a deux ans à peine que ses premiers articles, insérés dans la Revue des Deux Mondes et dans le Journal des Débats, attirèrent l'attention sur lui. Les bons juges reconnurent vite qu'un nouvel écrivain venait de faire son apparition. Sur ces entrefaites parurent coup sur coup l'Essai sur Tite-Live et l'ouvrage sur les Philosophes français, l'un hérissé de paradoxes, l'autre armé en bataille contre beaucoup de réputations établies. Il n'en fallait pas tant pour achever un succès que le mérite avait si bien commencé. Aujourd'hui l'opinion tend de plus en plus à ranger M. Taine parmi les auteurs qui promettent, à cette seconde moitié de siècle dans laquelle nous sommes entrés, une littérature à elle, animée de son génie et marquée de son cachet.

Des divers ouvrages de M. Taine, le livre sur les Philosophes français est celui que je préfère. Il a peu des défauts de l'auteur et il réunit à peu près toutes ses qualités. L'écrivain s'y montre puissant et varié. On trouve de tout dans ce vo

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lume, même des dessins d'album. Il y a lå tel paysage, touché avec une certaine coquetterie, trop mis peut-être en évidence, mais qui n'en fait pas moins une délicieuse aquarelle.

« Au printemps, que les clairières sont belles! Les jolies têtes des bouleaux se lèvent là-bas frissonnant, et leur bouquet de molle verdure se détache sur le bleu tendre du ciel, entre les flocons de nuages moites qui traînent en s'évaporant sur la forêt. Les vieux taillis de chênes montent au fond en colonnades. Sur le labyrinthe des rameaux bruns, on voit déjà courir des rougeurs douteuses. Les bourgeons du sommet crèvent et baignent leurs petites pousses dans l'air lumineux des hauteurs. Je vois entre les tas de feuilles mortes des primevères, des violettes, des pervenches bleues comme des yeux de jeunes filles; il y a aussi des euphorbes déjà pleins de lait, si gonflés de sève, que leur pyramide verte fléchit sous le faix de leur tête. Que ce vent est doux! Que ces feuillages sont jeunes! On les voit trembler sous ses coups d'aile, et les malgré eux, suivent le miroitement des feuilles, qui tour à tour montrent et cachent au soleil leur ventre blanchâtre et leur dos luisant.>>

yeux,

Cela me rappelle, dans la brochure sur la Fontaine, une vue d'automne qui fait le pendant de ce paysage de printemps'. « Je ne sais rien de plus touchant que la vue des bois coupés en automne. Les grands arbres abattus, à demi cachés par les herbes, jonchent le sol; leurs branches brisées et leurs feuilles froissées pendent vers la terre. La sève rouge saigne sur leurs blessures; ils gisent épars, et, parmi les buissons verts et humides, on aperçoit de loin en loin les troncs inertes

Le Voyage de M. Taine aux eaux des Pyrénées, 1855, contient toute une collection de paysages. Toutefois ce sont des photographies plutôt que des dessins. La nature y est reproduite avec minutie, précision, vigueur, mais non sans dureté et sans sécheresse. L'effet y manque. C'est le paysage réaliste.

et lourds qui montrent la large plaie de la hache. Les bois deviennent alors silencieux et mornes, une pluie fine et froide ruisselle sur les feuillages qui vont se flétrir; enveloppés dans l'air brumeux comme dans un linceul, ils semblent pleurer ceux qui sont morts. »

Voilà qui est joli, voici maintenant qui est magnifique :

« C'est à ce moment que l'on sent naître en soi la notion de la nature. Par cette hiérarchie de nécessités, le monde. forme un être unique, indivisible, dont tous les êtres sont membres. Au suprême sommet des choses, au plus haut de l'éther lumineux et inaccessible, se prononce l'axiome éternel; et le retentissement prolongé de cette formule créatrice compose, par ses ondulations inépuisables, l'immensité de l'univers. Toute forme, tout changement, tout mouvement, toute idée est un de ses actes. Elle subsiste en toutes choses, et elle n'est bornée par aucune chose. La matière et la pensée, la planète et l'homme, les entassements de soleils et les palpitations d'un insecte, la vie et la mort, la douleur et la joie, il n'est rien qui ne l'exprime, et il n'est rien qui l'exprime tout entière. Elle remplit le temps et l'espace, et elle reste audessus du temps et de l'espace. Elle n'est point comprise en eux et ils se dérivent d'elle. Toute vie est un de ses moments, tout être est une de ses formes, et les séries des choses descendent d'elle, selon des nécessités indestructibles, reliées par les divers anneaux de sa chaîne d'or. L'indifférente, l'immobile, l'éternelle, la toute-puissante, la créatrice, aucun nom ne l'épuise, et quand se dévoile sa face sereine et sublime, il n'est point d'esprit d'homme qui ne ploie, consterné d'admiration et d'horreur. Au même instant, cet esprit se relève; il oublie sa mortalité et sa petitesse; il jouit par sympathie de cette infinité qu'il pense, et participe à sa grandeur. »

M. de Lamennais n'a pas une plus belle page.

Ce n'est pas sans dessein que j'attire tout d'abord l'attention sur les beautés de M. Taine. J'aurai tant à lui reprocher

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