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Un docteur en médecine, homme de bien, entreprend la réforme d'une misérable commune de France, où il réside. Son œuvre est couronnée de succès. Au bout de quelques années, règnent l'activité et l'aisance là où naguère la misère et la paresse étalaient leurs fruits amers. Le bon docteur est conduit à réunir les habitants de la commune, tous les quinze jours, dans la salle d'école, pour s'entretenir avec eux des questions relatives aux fondements de la société, au travail et à la richesse. Il enseigne, il écoute les objections, il répond aux attaques; en un mot, ce ne sont pas de froides et abstraites leçons, mais des dialogues animés qui ne manquent pas, dans l'occasion, de vivacité et de piquant. Ces entretiens ont lieu pendant la disette de 1846; la cherté des vivres, les angoisses de la population, une émeute qui en est la suite dans la ville voisine, sont autant d'incidents qui dramatisent la scène. Tel est le cadre du livre intéressant et utile qui porte le titre impropre et malheureux de Manuel de morale et d'économie politique à l'usage des classes ouvrières.

La responsabilité de ce titre et l'initiative de ce travail appartiennent à l'Académie des sciences morales et politiques, qui a mis le sujet au concours et a couronné M. Rapet. Le suffrage de l'Académie et le rapport de M. le duc de Broglie qui le motive, constituent un succès des plus flatteurs, et un jugement d'une autorité telle, quant à la valeur générale du livre, que nous pourrions nous dispenser d'y joindre le nôtre. Acceptons toutefois notre position de critique.

L'ouvrage de M. Rapet est excellent d'intention et heureux d'exécution. Il serait vraiment fort difficile de mettre plus d'intérêt dans la tractation d'une semblable matière. Nous ne parlons pas des doctrines économiques en elles-mêmes elles nous semblent fort saines, mais notre ignorance nous interdit de formuler une opinion à cet égard. Quant au talent de l'exposition, nous nous associons pleinement à l'Académie dans les motifs de son prononcé. Nous avons toutefois quelques remarques à faire; les voici

L'ouvrage est quelquefois un peu long; gagnerait à être çà et là abrégé, et en même temps simplifié peut-être sur quelques points. Quant aux abréviations, il y a, par exemple, en tête de chaque entretien, des introductions narratives: il nous a paru que, si quelques-unes de ces introductions ont un intérêt réel, quelques-autres pourraient disparaître sans inconvénient. Nous parlons sur ce point avec d'autant plus de confiance, que nous savons que notre pensée à cet égard est celle de l'auteur

lui-même, et qu'il agira en conséquence pour une nouvelle édition, qui probablement ne se fera pas attendre.

M. Rapet plaide la cause de l'ordre social. I le fait avec habileté et profondeur; il montre les avantages de la civilisation d'une manière toujours solide, parfois vive et frappante. Peut-être ne fait-il pas toujours assez large la part du mal, tel qu'il se montre dans la réalité; peut-être, entraîné par le mouvement général de sa pensée, parle-t-il quelquefois en défenseur habile et généreux, plus qu'en juge strictement impartial. C'est ainsi qu'en signalant les côtés favorables du mouvement général de l'augmentation du bien-être et du confort, il méconnaît trop, selon nous, les côtés funestes et dangereux de ce phénomène social.

Enfin, et surtout, nous regrettons que, cédant aux avis et aux sollicitations positives de l'Académie, l'auteur ait atténué dans son écrit l'importance accordée aux dogmes chrétiens, dans leurs rapports avec les questions sociales. Ceci est l'expression d'un regret et non une critique, l'Académie ayant formulé ses vœux à cet égard, avant son jugement définitif, et, par suite, dans des circonstances qui en faisaient une loi. L'ouvrage présente ainsi une lacune. Les mauvaises doctrines sont dangereuses, sans doute; mais elles le sont surtout en ce qu'elles deviennent des armes dont s'emparent des passions excitées et des mécontentements aveugles. A ces passions, à ces mécontentements, quel remède plus sûr apporter que la vérité chrétienne ouvertement annoncée? Le rapport même de l'Académie établit que M. Rapet était entré dans cette voie, et qu'on lui a demandé, non d'en sortir, ce qu'il n'a pas fait et n'aurait pas consenti à faire, mais de s'y engager moins avant. Il en résulte que des considérations d'utilité sagement présentées, sont parfois trop exclusives, et laissent regretter l'intervention plus fréquente et plus explicite de pensées d'une autre nature.

M. Rapet est Français; nous ne saurions terminer toutefois, après avoir encore une fois rendu hommage à son beau travail, sans faire mention ici des liens assez nombreux qui le rattachent à la Suisse. Collaborateur du père Girard, il est un des hommes qui ont le plus contribué à répandre en France les vues et les méthodes du cordelier fribourgeois. Des relations de philanthropie et de cordiale amitié l'unirent à Mme Necker de Saussure et au pasteur Naville. Il y a quelques années enfin, l'Académie lui a décerné une couronne pour un grand travail sur Pestalozzi. Ce travail n'a pas encore vu le jour. Il nous sera permis de solliciter l'auteur de le livrer enfin au public. Nous le lui demanderions partout, au

nom de la cause à laquelle il a consacré ses efforts et son existence; nous le lui demandons de plus ici, au nom des intérêts de la bonne renommée de la Suisse, notre patrie. E. N.

SUISSE.

REVUE DES RECUEILS HISTORIQUES PUBLIÉS PAR DES SOCIÉTÉS SUISSES.

Il existe dans les principales villes de la Suisse, des Sociétés historiques et archéologiques, essentiellement vouées à l'exploration de l'histoire nationale, et dont nous espérons pouvoir un jour caractériser, d'une manière générale, l'organisation et l'influence scientifique. Leurs publications occupent une certaine place dans le mouvement intellectuel de notre pays, et à ce titre nous désirons jeter sur les plus récentes d'entre elles un rapide coup d'œil.

La Société générale d'histoire de la Suisse, à laquelle se rattachent la plupart des autres associations, publie un recueil comprenant aujourd'hui onze volumes. Le dernier renferme, outre les rapports des Sociétés cantonales et des mémoires originaux, le texte complet de la Chronique de Jean de Winterthur. Ecrite vers le milieu du quatorzième siècle par un religieux de l'ordre des Frères mineurs, elle embrasse les principaux événements accomplis de 1212 à 1350, et elle forme une des sources les plus importantes de l'ancienne histoire suisse. Le Bureau de la Société fait aussi paraître tous les deux mois, en allemand et en français, un bulletin renfermant de courtes dissertations, l'annonce des plus récentes découvertes, des chartes, des correspondances, etc.

La Société des antiquaires de Zurich a pris rang, dans l'Europe savante, parmi les principales institutions archéologiques. L'érudition sobre et consciencieuse de ses mémoires, l'importance des documents qu'elle publie, la bonne exécution des planches justifient cette réputation. Depuis quelques années cette Société a entrepris des travaux de longue haleine, entre autres les Inscriptions latines de l'Helvétie par Mommsen, l'Histoire de l'abbaye de Zurich, par M. de Wyss, et la description des sceaux des cantons suisses.

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' Archiv für schweizerische Geschichte, in-8°. Zurich, 1856. * Indicateur d'histoire et d'antiquités suisses, in-8°. Zurich.

Sous le titre de Geschichtsfreund, la Société historique des cinq cantons (Lucerne, Uri, Schwytz, Unterwald et Zug) publie chaque année un volume composé, par portions à peu près égales, de documents inédits et de notices historiques et archéologiques. Ce recueil a déjà servi de base à d'importants travaux sur l'histoire et les institutions de la Suisse primitive. La place qu'occupe dans nos annales ce berceau de la confédération indique le genre d'intérêt que doit offrir le Geschichtsfreund. Cette publication ne se borne point d'ailleurs aux origines seules de la confédération. Ainsi le treizième et dernier volume paru' renferme, à côté l'une de l'autre, une chronique du quinzième siècle racontant les premières alliances des cantons primitifs et l'histoire de Guillaume Tell, et une relation des événements de Stantz en septembre 1798, composée d'après les papiers du capucin Paul Styger qui prit part lui-même à cette malheureuse et héroïque résistance.

On peut fixer vers 1470 la date de la chronique dont il vient d'être question. Récemment découvert dans les archives de Sarnen, au milieu d'une vieille copie d'actes de droit public, désigné d'après sa reliure par le nom du Livre blanc, ce document était digne d'attirer l'attention des historiens et du public. Aussi, après avoir été signalé dans les journaux, et imprimé à peu près simultanément par deux savants zurichois, M. G. de Wyss et M. Meyer de Knonau (dans le Geschichtsfreund), il est devenu l'objet d'une notice spéciale lue par M. Remigius Meyer dans le sein de la Société historique de Bâle.

Afin d'apprécier l'importance de la nouvelle chronique, M. Rem. Meyer résume l'éfat antérieur des témoignages relatifs à l'histoire des Waldstetten durant les premières années du quatorzième siècle. L'oppression politique et les vexations personnelles exercées par les baillis, le serment solennel des Confédérés, la prise des châteaux, les aventures de Tell, tous ces faits, auxquels l'histoire traditionnelle rattache l'origine de l'alliance de 1308, sont, comme l'on sait, totalement passés sous silence dans trois chroniques contemporaines qui rendent compte cependant de la mort violente de l'empereur Albert (1308) et de la bataille de Morgarten (1315).

Justinger, secrétaire du conseil de Berne (1420), mentionne de la

1 Geschichtsfreund. XIII Band; in-8°. Einsiedlen, 1857.

• Beiträge zur vaterländischen Geschichte. Herausgegeben von der historischen Gesellschaft zu Basel. 6tes Bändchen, 1857.

manière la plus vague, et sans fixer de date, les vexations des baillis, tandis que le chanoine Hemmerlin, de Zurich (environ 1450), rapporte des détails d'une nature analogue à ceux que donne la tradition, mais en contradiction avec celle-ci. C'est à Schwytz. par exemple, que se passent les événements qui préparent l'alliance, et le signal du soulèvement est donné par deux jeunes gens qui, pour venger l'honneur de leur sœur, tuent le bailli résidant dans le château de Schwanau. La version vulgaire se rencontrait jusqu'à ce jour pour la première fois dans la chronique de Melchior Rüss (1482) et se reproduisait dès lors avec des détails toujours plus circonstanciés dans Etterlin (1507) et dans Tschudi (vers 1550). La chronique de Sarnen, antérieure à celle de Melchior Rüss, mais de quelques années seulement, et écrite un siècle et demi après les événements, renferme le même récit avec des variantes peu importantes, et elle offre, avec la chronique d'Etterlin, des coïncidences de faits et de style si frappantes qu'elles attestent ou bien la copie de l'une par l'autre, ou bien la copie par toutes deux d'un même original. M. Meyer relève quelques indices qui militent en faveur de la dernière hypothèse, et qui lui paraissent révéler comme source commune des chants' nationaux célébrant les exploits de Guillaume Tell.

Le mémoire de M. Meyer n'est pas le seul, dans ce recueil balois, qui concerne l'histoire générale de la Suisse. On doit signaler en outre une étude de M. le professeur Reber sur le traité conclu en 1663 entre les treize cantons et la couronne de France et sur la prestation solennelle du serment dont il fut suivi. L'auteur rend compte de la vive controverse engagée en Suisse au sujet de la convenance politique et morale de l'alliance, et il emprunte de longues citations au mémoire manuscrit adressé à cette occasion aux cantons réformés par le bourgmestre Wettstein de Bâle. Cet éminent magistrat, qui avait représenté la Suisse au congrès de Münster, signale, avec une remarquable élévation de pensée, les dangers auxquels s'expose sa patrie par le système des capitulations militaires et par cette alliance inégale avec un puissant et ambitieux voisin. Le voyage et le séjour à Paris des trente-trois députés suisses appelés à prêter serment au nom des cantons sont racontés avec de curieux détails de mœurs d'après des récits contemporains.

A l'occasion du cinquième anniversaire du tremblement de terre qui, en 1356, détruisit une grande partie de la ville de Bâle, la Société historique a publié un beau volume, comprenant un ensemble d'études

Biblioth. Univ. T. I. Mars 1858.

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