Images de page
PDF
ePub

échange les exercices qui s'y rattacheront pour le développement des facultés, rendront nos élèves capables de bien saisir l'instruction et d'en faire leur profit. Cette réunion nous produira deux avantages: d'abord, elle économisera un temps précieux, ensuite l'instruction ne viendra pas trop tard, comme cela arrive nécessairement dans le procédé qui veut d'abord forger longuement l'esprit pour ne le meubler qu'après.

En attendant que nous ayons fourni les éclaircissements détaillés que nous venons de promettre, nous prions le lecteur de vouloir bien se rappeler que la mère développe les facultés de son enfant tout en l'instruisant, et qu'elle l'instruit tout en lui développant l'esprit. Ainsi l'art suivra les inspirations de la nature, et tâchera de perfectionner et de compléter ce que la mère a bien commencé. Pourrait-il mieux faire?

Nous répéterons encore ici que la mère a instruit et développé son enfant en lui apprenant la langue. Ainsi nul doute que l'art ne puisse obtenir les mêmes résultats par le même moyen. Il les obtiendra d'autant mieux qu'il fera régulièrement, avec pleine connaissance de cause et un calcul suivi, ce que le tact maternel ne saurait faire que dans l'ombre et par des tâtonnements qui n'atteignent pas toujours le but. Nous entrerons à ce sujet dans un nouvel examen, et nous ferons voir que l'enseignement de la langue, s'il est bien fait dans ses propres intérêts, deviendra en même temps l'instruction convenable à l'enfance et sa meilleure gymnastique intellectuelle.

CHAPITRE II.

INSTRUCTION A DONNER AUX ÉLÈVES DU COURS DE LANGUE.

§ Ier. Des objets qui doivent former la matière de l'instruction.

Nous commencerons par indiquer les objets que nous croyons devoir faire entrer dans cette instruction, et

chemin faisant nous ajouterons nos réflexions sur leur

convenance.

Voici les titres de ces objets: l'homme, la famille, la patrie, le genre humain, la nature, son Auteur, la Providence, J.-C. sauveur des hommes, la vie au delà du tombeau, et la morale de l'enfance. L'instruction maternelle a déjà touché tous ces divers points, et l'élève du Cours de langue ne leur est plus étranger; mais il s'agit de les reprendre, pour les mettre dans un plus grand jour, et les fonder en raison. Ce qui a pu suffire jusqu'ici, ne suffira plus dans la suite, et l'éducation doit être prévoyante. N'est-ce pas pour l'avenir qu'elle élève la jeu

nesse?

www.

L'homme. Nous n'imiterons pas ici, en faveur de l'instruction intuitive, ces leçons interminables où l'on a cru devoir parcourir minutieusement les différentes parties du corps humain pour les faire compter, mesurer, comparer, diviser et sous-diviser. Cependant nous donnerons à nos élèves une connaissance des organes admirables qui logent maintenant, et qui servent un noble étranger, l'âme, qui est tout autre chose qu'eux, et qui appartient à un monde invisible et meilleur. C'est sur elle que nous fixerons principalement les yeux de l'enfance en la rendant attentive aux leçons que lui offre à tout instant le sens intime. Seraient-elles moins importantes ces leçons, moins humaines et moins dignes d'attention que celles qui lui viennent de l'extérieur? Elles frappent moins, il est vrai, que les impressions de la vue, du toucher, des organes en un mot; et pour les recevoir il faut que le jeune spectateur tourne ses regards en dedans; ce qui n'est pas du tout dans ses habitudes, puisque son attention suit la direction de ses organes. Au surplus les objets du sens intérieur, comme une pensée, un sentiment, un désir, etc., sont de tout autre nature qu'une tête, une main, une boule, un cube, un arbre, etc.; mais c'est précisément cette étonnante différence qu'il faut se hâter de lui faire saisir, tout comme c'est l'habi

tude de regarder dans son intérieur qu'il faut lui donner, pour l'amener vers l'âge mûr. Nous croyons que l'inscription du temple de Delphes: Connais-toi toi-même,» regarde aussi nos élèves, puisque nous voulons en faire des hommes et des hommes sensés.

la

La mère a déjà parlé à son cher enfant de l'âme qui anime le corps humain, et qui doit lui survivre; mais elle n'a pas pu lui donner sur cette vérité fondamentale les idées nettes et précises dont il aura bientôt besoin dans la vie. C'est à l'enseignement régulier de la langue à développer ce qui n'a été que grossièrement ébauché, et à motiver tout ce qu'il enseignera. C'est la conscience du moi humain qu'il faut donner au novice de la vie, conscience de ce qu'il perçoit par ses divers organes, de ce qu'il pense, de ce qu'il aime ou redoute, de ce qu'il peut ou ne peut pas, de ce qu'il paraît, de ce qu'il est. Il faut lui faire connaître la différence qu'il y a entre sa personne et les organes qui le servent, puis les nœuds qui unissent pour un temps des êtres si différents sous tous les rapports. Ce sera une psychologie qu'on lui enseignera; car il en est aussi une pour l'enfance, et c'est en lui-même qu'on la lui fera trouver, sans appareil et sans terminologie scientifique. Le langage commun de la vie nous suffira, puisqu'il exprime toutes les idées dont nous avons besoin pour construire toute notre science. Avec elle nous remettrons à l'enfant la clef du monde des esprits, où il convient de l'acclimater de bonne heure. Ou bien ce monde invisible ne serait-il pas sa véritable patrie?

Nous n'omettrons pas de lui faire remarquer les merveilles de son corps. Nous laisserons aux hommes de l'art leur anatomie et leur physiologie; mais n'est-il pas honteux que les instituteurs de l'enfance ne s'empressent pas de la rendre attentive sur les organes qui nous mettent en rapport avec l'univers, et sur ceux qui servent à nos divers mouvements, qui manifestent nos pensées à nos semblables, qui exécutent les œuvres que nous avons conçues? Les parties intérieures du corps, dont dépend sa conser

vation, ne devront pas être passées sous silence. C'est dans leur nature et leur jeu que nous ferons puiser à l'enfant les préceptes d'hygiène qu'il doit connaître, puisqu'il doit les observer. On est moins tenté de violer une règle, qu'on en connaît la raison.

[ocr errors]

dès

La famille. Les enfants n'ont point de souvenir de leurs premières années, de leur ignorance primitive, de leur faiblesse et de leur pauvreté; ils ne pensent pas qu'ils ont été longuement muets, et que leur mère a mis la parole sur leurs lèvres. Les soins que la tendresse leur a prodigués, les soucis, les embarras et les frais que leurs premières années ont causés à leurs parents, tout cela n'a laissé aucune trace dans leur mémoire. Même après avoir grandi, ils ne se rendent guère compte de leur condition pauvre et dépendante dans la vie. On ne les voit que trop disposés à regarder les dons de la bonté comme une dette qu'on acquitte envers eux. Ainsi l'ingratitude et l'indocilité viennent se placer à côté de l'oubli et de l'inadvertance. Ramenez donc vos élèves jusqu'à leur berceau, en les identifiant au moyen de l'imagination avec les petits muets qu'ils y voient tous les jours. Établissez ensuite leur compte courant qui s'augmente d'heure en heure, et que jamais ils ne pourront solder.

Il y aura aussi d'autres rapports de famille à relever, pour que vos élèves s'orientent bien dans leur position. Ce sera d'abord l'égalité entre frères et sœurs. Puis vous ne négligerez pas de leur faire reconnaître que les serviteurs sont aussi des hommes, et que leur condition dépendante, loin de leur attirer du mépris et de mauvais traitements, doit leur mériter des ménagements et de la pitié. La société. Dans la famille il y a l'autorité du père qui gouverne en protégeant, et la providence maternelle qui pourvoit aux besoins de tous. C'est de ce type que partira l'instruction sur la société. Elle n'entrera nullement dans l'explication des diverses formes de gouvernement, ni dans les discussions politiques qui s'y rattachent: ce serait oublier que l'on a des enfants devant soi. Il faudra,

pour les prémunir contre des prétentions assez communes, leur faire vivement sentir que le peuple dont ils portent le nom, est une vaste réunion de familles, où la leur est comme une unité perdue dans la multitude. Nous avons précédemment conseillé d'établir le compte de l'enfant envers son père et sa mère, ici on ne négligera pas d'en dresser un autre en faveur de la société. Nous ferons remarquer au jeune citoyen les bienfaits sans nombre qu'il reçoit chaque jour des hommes de toute condition, et sous tous les rapports de la vie.

Un autre point à relever ici, c'est le besoin d'autorités publiques qui, comme le père et la mère dans la famille, gouvernent les volontés particulières, et tournent au bien de toute la société ce que tous les citoyens entreprennent dans leur propre intérêt. Les élèves ne sont pas longtemps à sentir que l'obéissance est tout aussi indispensable dans l'État qu'elle l'est dans chaque ménage. Ils comprendront aussi sans peine que si tous les membres qui forment le corps social, retirent des avantages de leur réunion, chacun d'eux doit aussi mettre du sien dans la fortune publique, et ne pas vivre honteusement aux dépens d'autrui.

Le genre humain composé de divers peuples. - Le Cours de langue ne saurait être un cours de Géographie et d'Ethnographie générales. Il suppose dans ses élèves les éléments de cette importante partie des connaissances humaines, ainsi que l'image du globe ou la mappemonde, qui des yeux aura passé dans leur imagination. Les exercices de lecture qui précèdent l'enseignement grammatical, demandent un matériel intéressant et instructif, et pourquoi n'irait-on pas le puiser en partie dans la géographie générale, pour orienter les enfants sur cette boule où ils sont nés, et où ils vivent environnés du genre humain? Cette géographie exige pour réussir une introduction. C'est sur le sol natal que doit se prendre la première leçon de géographie. L'enfant doit d'abord saisir avec réflexion tout ce qui l'environne, afin de recueillir autour de soi les points de comparaison, dont il aura be

« PrécédentContinuer »