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Marchant à côté de la première partie de la syntaxe, la conjugaison se fait aussi par propositions, et lui fournit les temps simples et composés de l'indicatif, puis le premier infinitif dans ses deux formes, ainsi que l'impératif. A la fin elle prend les deux conditionnels, pour le besoin même de la proposition, mais principalement en faveur de la phrase qui va suivre.

La conjugaison se fait ensuite par phrases dans la seconde partie, et ici sa tâche, embrassant le subjonctif, est de former les élèves à la concordance des temps, sans doute par des règles, mais avant tout et surtout par l'habitude. Chemin faisant, elle aura toujours l'occasion d'introduire le participe dans ses phrases, et d'en relever l'accord en passant.

C'est ainsi que la conjugaison, tout en poursuivant son but spécial, d'après son propre besoin et dans son intérêt particulier, sera tout entière au service de la syntaxe. Elle sera elle-même une syntaxe continuelle. Tantôt elle préparera des propositions et des phrases qui plus tard seront soumises à une analyse régulière, tantôt elle s'emparera de propositions et de phrases analysées, pour les faire passer par les divers temps et les diverses personnes, et graver ainsi dans la mémoire des élèves les bonnes locutions. La langue sera donc encore apprise par l'usage, comme cela doit être; mais l'usage sera éclairé par la règle.

Dans la troisième partie du Cours de langue la conjugaison n'a plus d'exercices à part, mais elle fait place aux compositions. Cependant nous la faisons reparaître dans la syntaxe même de la période, et cela un peu dans son intérêt, mais surtout en faveur de l'éducation.

Vocabulaire. Ce n'est pas un dictionnaire, et un dictionnaire par ordre alphabétique que l'on place ici entre les mains des enfants, à charge par eux de le feuilleter, pour chercher des mots qu'ils ne connaissent pas, et qu'ils n'ont pas la curiosité de connaître. Il faut que l'on vienne au-devant d'eux avec ces inconnus, et qu'on les engage

à faire connaissance avec eux, tout en étendant par là le cercle étroit de leurs idées. C'est le tableau noir qu'il convient d'employer à cet effet. Le maître y porte les mots qu'il a choisis à dessein pour chaque exercice, et ceux que les élèves lui indiquent eux-mêmes à cette occasion. Il s'agit de leur apprendre ou de leur faire trouver le sens des uns et des autres. Sur chaque mot les enfants forment à l'envi des propositions ou des phrases en toute liberté. Dans cet exercice le maître n'est pas seulement le dictionnaire vivant qui attache aux mots leur signification, mais il redresse les pensées qui ne seraient pas exactes ainsi que les mauvaises expressions. Il a soin d'animer ce travail, et d'y intéresser tous les élèves. Luimême donne toujours le ton, afin qu'il soit suivi, et qu'une de ses pensées en éveille d'analogues dans les jeunes têtes.

Un cahier, fait pour le maître seul, régularise cette leçon. Il renferme aussi des pensées à exprimer sur les mots de la série qui est à l'ordre du jour. En cela le cahier tend à donner le ton au maître même, afin qu'il travaille toujours dans le haut intérêt du cours de langue.

C'est la dérivation qui forme le fond du vocabulaire. Il cherche à conduire les élèves du connu à l'inconnu, en rapprochant les dérivés du radical. Ceci se fait d'abord en petit avec les différentes espèces de mots, pour s'étendre dans la suite à des familles entières. Chemin faisant, l'écolier apprend à connaître les initiales et les finales qui servent à la dérivation et qui nuancent la signification du simple. Dans cette longue série viennent se placer à distance les homonymes. A la fin, comme il a déjà été dit, il y a un choix de synonymes. C'est ainsi que l'on passe en revue, pour le sens et pour l'orthographe d'usage, une grande partie du matériel de la langue.

Il n'est pas besoin de signaler en détail les services que ce vocabulaire offre à la langue écrite, comme à la langue parlée. Je n'ajouterai ici qu'un fait en sa faveur : c'est qu'il a produit dans mon ancienne école un effet qui a surpassé

mon attente. Les élèves y mettaient en général beaucoup d'intérêt et de vie, chaque fois que les instituteurs en mettaient aussi de leur côté. On comprend que le développement intellectuel ne pouvait qu'y gagner beaucoup, ainsi que la facilité de se bien exprimer.

Compositions. Le Cours de langue, pour être complet, demande à être accompagné d'une série de compositions de différente nature. Ce seront des lettres familières, des narrations, des descriptions, de petits discours et des dialogues.

On observera qu'ici encore il y a une progression dans le travail que l'on demande des élèves. Au reste on leur en donne toujours le canevas pour leur apprendre à mettre de la suite dans leurs idées, et pour ne jamais les laisser dans l'embarras.

Combinaison des parties. La syntaxe est la partie principale du Cours éducatif de langue maternelle, et nous lui donnons la moitié de toutes les leçons. Les exercices de conjugaison avec les compositions d'un côté, puis ceux du vocabulaire de l'autre se partagent l'autre moitié. A chaque leçon de syntaxe succède une leçon tantôt de con→ jugaison et tantôt de vocabulaire. C'est ainsi que nous tâchons de répandre sur l'enseignement cette variété que les enfants demandent de nous, et qui fait aussi plaisir aux grandes personnes.

Voici un tableau qui présente en abrégé toutes les parties du cours de langue, leur développement progressif et leur combinaison.

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LIVRE TROISIÈME.

L'ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE MATERNELLE CONSIDÉRÉ COMME MOYEN DE CULTIVER L'ESPRIT.

Ignorant comment il faut s'y prendre pour cultiver les facultés naissantes de son cher enfant, la mère n'est occupée qu'à l'instruire, et elle ne pense pas du tout à faire de son instruction une gymnastique de l'esprit. Elle est excusable dans son ignorance, tout aussi involontaire qu'elle lui est inconnue.

Nous n'en dirons pas de même des instituteurs de profession; car s'ils sont appelés à perfectionner les leçons de langue que la mère a données, ils doivent tirer de cet enseignement tout le parti qu'il présente pour la culture des jeunes intelligences confiées à leurs soins.

Cette culture se compose de deux éléments; d'abord de la nature des pensées auxquelles on rattache l'enseignement grammatical (car il en faut, et il en faut même beaucoup), ensuite de la forme des leçons et des exercices que les élèves doivent faire. Il s'agit, pour en revenir à l'admirable expression de Montaigne, de forger les jeunes esprits en les meublant, et de les meubler en les forgeant.

Dans la pratique ces deux choses marchent ensemble; mais dans la théorie il faut les envisager à part, pour déterminer avec précision la tâche qui revient à chacune Pour cela il faut d'abord faire connaissance avec le terrain qui doit être mis en culture.

Nous commencerons par nous rendre compte des facultés intellectuelles que les enfants apportent à l'enseignement régulier de la langue. De là nous indiquerons

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