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soin de familiariser ses élèves avec les motifs où la conscience va puiser ses ordres, car il leur donne des idées justes et claires sur tous les objets avec lesquels nous vi-vons en rapport. Il élève les enfants dans le ciel, il les promène sur la terre pour leur faire observer ce qui les entoure, et les ramène sur leur propre personne. Il s'acquitte au reste d'autant mieux de cette tâche que, passant au delà des besoins de la langue, il a toujours soin de faire rendre compte du fond de chaque proposition ou phrase, et de faire juger du vrai ou du faux, du bien ou du mal qui s'y trouve exprimé. Il part en cela du grand principe de la science de l'âme qui nous dit : « Nous aimons comme nous pensons. »

La proposition, quant au jugement moral, n'offre pas un champ aussi vaste que la phrase. Celle-ci exprime le motif suivi de sa conséquence pratique, ou bien à l'inverse elle présente d'abord la conséquence, puis le motif. Comme dans le Cours de langue les élèves sont tenus de rendre compte de tous les exemples, ils relèveront dans ceux-ci les deux parties du raisonnement moral et devront le vérifier. Il y a aussi des exercices d'invention dans ce genre. On leur donne le motif, et ils ont la conclusion pratique à trouver, ou bien, la conclusion leur étant donnée, ils sont tenus d'en assigner le motif moral.

Nous avons déjà eu l'occasion de déplorer l'inexactitude de la langue qui a rendu équivoques les mots falloir et devoir, bien ou mal, et confondu de la sorte dans une même expression les maximes intéressées de la prudence avec les ordres de la loi écrite dans les cœurs. Il est aisé de les distinguer avec un peu d'attention. Le motif est-il pris d'un avantage à recueillir ou d'une perte à essuyer? c'est une maxime de la prudence que l'on vient d'entendre. Si le motif de ce qui est prescrit est étranger à tout résultat agréable ou désagréable pour l'agent, c'est la conscience qui ordonne, et ce n'est pas la prudence qui donae un conseil.

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Il y a encore une différence bien sensible entre ces deux choses. Les ordres de la conscience sont absolus, ils commandent impérieusement, enchaînent la liberté sans lui laisser de choix et déclarent coupable et digne de punition quiconque osera s'y soustraire. Or il en est tout autrement des maximes de la prudence. Malgré leurs expressions trop souvent déguisées par l'ambiguïté de la langue, elles ne sont que conditionnelles; car elles peuvent toutes être traduites avec la condition: Si tu veux, etc. Toutes supposent que nous voulions obtenir l'avantage ou éviter le désagrément en question, et en ne les suivant pas, nul ne se regarde comme un coupable réfractaire. Il faut bien instruire la jeunesse sur ce point.

Le Cours de langue a soin de le faire, et les phrases formées par une raison ou par une conclusion lui en fournissent le moyen. C'est pour cette raison qu'il s'y arrête beaucoup. Les phrases qui expriment un but et un moyen, sont tout à fait propres à familiariser la jeunesse avec cette importante distinction. Le Cours de langue n'en a pas négligé l'occasion qu'il a fait naître. Il s'est arrêté à la moralité des fins et à la moralité des moyens, et il a flétri l'odieuse maxime qui n'a pas honte de dire qu'à bonne fin tous les moyens sont bons.

§ III. Exercer les élèves dans la logique morale.

Dans le domaine moral nous distinguons les ordres primitifs de la conscience et les ordres dérivés. Les premiers partent de motifs purs, comme nous venons de le voir dans l'article précédent. Les ordres dérivés s'appuient sur un précepte général ou une défense générale, et en déduisent des conséquences particulières. Ceci se fait fréquemment dans des phrases de deux propositions comme ici: « Je ne » dois pas nuire à mon prochain, ainsi je ne dois pas ternir » sa réputation. »>

Si nous voulons exprimer la même pensée sans abréviation, nous aurons une période qui sera un syllogisme comme suit : « Je ne dois pas nuire à mon prochain, or

» c'est lui faire du tort que de ternir sa réputation, par » conséquent je dois m'en abstenir. »

Les deux grands commandements de l'Évangile : « Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez pas qui vous soit fait, » et « Faites-leur tout ce que vous demandez d'eux,» fournissent une morale sociale tout entière, dès qu'on déduit de ces principes généraux toutes les conséquences particulières qu'ils renferment. Le Cours de langue se fait un devoir d'habituer ses élèves à raisonner ainsi leur morale, ce qui toutefois ne peut avoir lieu que lorsqu'il en vient à la période. En cela il apprend à ses élèves à raisonner chrétiennement et humainement. Chrétiennement, puisqu'il suit les directions du divin Maître. Humainement, puisque les deux grands principes font partie de cette loi écrite dans tous les cœurs,. et qui, comme dit l'Apôtre1, servira à juger les hommes de quelque nation qu'ils soient.

Il se fait encore d'autres combinaisons dans la conscience une fois que l'esprit se développe. Le Cours de langue qui travaille à ce développement, ne les omet pas dans ses exercices. Il a le moyen d'étendre le domaine moral, puisqu'il embrasse les périodes de cinq à six propositions et qu'il ne craint pas d'entrer dans la logique.

DEUXIÈME SECTION.

FORTIFIER L'EMPIRE DE LA CONSCIENCE.

Les ordres de la conscience ne sont jamais sans force, puisqu'ils nous imposent des devoirs que toujours nous sommes forcés de reconnaître et de révérer, même lorsque nous nous permettons de les enfreindre. Alors c'est le plaisir qui nous séduit ou la crainte de quelque désagrément, et même quelquefois l'intérêt que nous portons à quelqu'un de nos semblables. Nos élèves ne se trouveront que trop souvent dans la tentation de désobéir;

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l'éducation doit donc penser à renforcer l'empire de la conscience par tous les moyens convenables.

Toutefois il est clair que pour pouvoir former quelque prétention à la vertu, il faut que nous pratiquions le bien pour le bien même, ou en d'autres termes, il faut que les raisons désintéressées sur lesquelles la conscience appuie ses ordres, servent de motifs comme de règle à notre conduite. Elle n'est morale, elle n'est bonne qu'à ce prix. Cependant il ne s'ensuit pas qu'elle cesse d'être bonne, dès qu'à la pensée du bien nous en ajoutons une autre pour le même effet, et que cette autre pensée vient faire poids dans la balance pour la faire pencher vers le devoir. Sans doute qu'alors il y a mélange de motifs dans nos résolutions, mais les uns ne détruisent pas les

autres.

Dans l'éducation nous devons, autant que possible, faire dominer les motifs d'où part la conscience dans les ordres qu'elle nous donne; mais, sans nous inquiéter d'un rigorisme qui n'a aucun égard à la condition de l'homme dans la vie, nous devons suggérer à nos élèves toutes les considérations qui peuvent venir à l'appui des ordres qu'ils recevront de leur conscience. Nous allons indiquer celles dont le Cours de langue fera usage. Il y en a quatre. Ce sont la pensée du Législateur, celle du divin Maître, nos vrais intérêts dans cette vie, et nos destinées éternelles.

§ I. La pensée du Législateur.

C'est sans doute notre raison qui nous prescrit des devoirs; mais d'où nous vient-elle, si ce n'est du Créateur qui nous l'a donnée pour régler nos affections et notre conduite ? C'est lui qui est le législateur, et la conscience est son organe. Elle nous enjoint de nous mettre en harmonie avec l'ordre que le Créateur a établi dans son univers, d'entrer dans ses vues et de les seconder de tout notre pouvoir. Ainsi obéir à la conscience, c'est obéir à Dieu, et ne pas écouter cet oracle qui parle en notre sein, c'est

nous révolter contre l'Auteur de notre vie et de l'univers.

Voilà la grande vérité que le Cours de langue a soin de rendre familière à ses élèves. Par là il donne aux inspirations de la conscience une imposante autorité qu'elles ne peuvent pas avoir tant qu'elles ne sont regardées que comme des directions qui ne ne nous viennent que de notre propre fonds.

Ainsi disparaîtra sans doute cette autonomie ou législation propre, dont une école germanique a voulu naguère nous faire présent. Il est vrai que l'Apôtre a l'air de parler dans ce sens, lorsqu'il dit aux fidèles de Rome que les nations qui n'ont pas comme les Juifs, la loi de Moïse, font à elles-mêmes leur loi 1. Et comment cela? L'Apôtre s'explique en disant que cette loi est écrite dans le cœur des nations, et que c'est sur elle qu'elles seront jugées au grand jour de J.-C.

Les ordres de la conscience, envisagés comme des ordres du Très-Haut, commandent le respect à tout être croyant, et nos élèves, sortant de l'école maternelle pour fréquenter la nôtre, ne seront pas des incrédules. Ils nous comprendront, quand nous leur parlerons de l'oracle de Dieu au sein de l'homme, et ils apprendront de plus en plus à l'écouter avec vénération.

Au respect viendra se joindre un autre sentiment capable de produire de grandes choses dans le cœur et la vie, c'est celui de la reconnaissance. Nos élèves auront déjà appris à la maison que Dieu est notre père, et un père comme il n'en est pas. Le Cours de langue a soin de nourrir et de développer en eux cette grande, belle et inspirante pensée évangélique; par là il donne aux ordres de la conscience une force nouvelle. L'enfant obéit à ses parents avec gratitude et par confiance. Ainsi dès qu'il aura pris l'habitude de reconnaître la voix du Père céleste dans la voix de sa conscience, il l'écoutera non-seulement avec

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