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mencé, et méritera ainsi le nom de Cours éducatif de langue maternelle.

Il est vrai que dans ce Cours ce ne sera plus une mère chérie qui instruira son enfant, et sous ce rapport la parole n'aura plus le même effet sur lui; mais j'oserai dire qu'à tout autre égard l'avantage sera de son côté. Parmi les services que l'enseignement, dirigé selon le plan que nous avons tracé, peut rendre à l'éducation de la jeunesse, je vais passer en revue les plus notables et les plus importants.

Le Cours de langue, comme on a pu le voir dans le livre précédent, prend à tâche de développer toutes les facultés intellectuelles de ses élèves. Il suit en cela une marche rigoureusement progressive, marche qui seule peut assurer le succès de ses efforts, et comme les facultés n'acquièrent de la vigueur et de la rectitude qu'en s'exerçant beaucoup, les élèves sont appelés, pendant toute la durée du Cours, à exercer leur jugement sur les pensées qui leur sont présentées, et à inventer à l'imitation de ce qu'ils viennent d'entendre. Au surplus ces exercices continuels ne se renferment pas dans la partie grammaticale, dont le résultat serait assez mince; mais ils entrent constamment dans la partie logique, et présentent ainsi une perpétuelle gymnastique de l'esprit, où le sens, l'intelligence, la mémoire, et même l'imagination, sont toujours mis en jeu. Et à quoi bon un si grand développement intellectuel? Un coup d'œil sur les matières du Cours de langue, ou l'instruction directe qu'il renferme, le dit hautement : c'est pour faire saisir par les élèves les grandes vérités de la vie, les vérités évangéliques, qui, une fois qu'elles seront entrées dans le fond de l'âme, ne manqueront pas d'agir sur ses affections et d'y produire le bien.

Ici nous en appellerons avec confiance aux succès des leçons maternelles, et nous conclurons que si elles ont eu un effet si notable, les leçons du Cours de langue doivent en obtenir un beaucoup plus grand. La raison en

est sensible. La mère ne pense pas à cultiver les facultés intellectuelles dans ses enfants, et elle y penserait qu'elle ne saurait pas comment s'y prendre. L'art n'est donc pour rien dans le développement intellectuel de ses élèves, et tout y est abandonné à la bonne nature et au hasard des circonstances. Le Cours de langue au contraire part de la science de l'âme, et, s'attachant aux principes qui en découlent, il propose avec méthode les grandes vérités de la vie, tout en rendant les jeunes esprits capables de les saisir, de les goûter et d'en faire la juste application. Et que l'on ne craigne pas un trop grand développement des jeunes intelligences, puisque le Cours de langue leur donne la direction, comme l'a si bien obsérvé la première fondatrice des salles d'asile en France, salles qui ont précédé de vingt ans celles d'Angleterre. Mais nous ne répéterons pas à ce sujet ce qui a déjà été dit plus haut, nous avons d'autres choses à dire ici.

Le Cours de langue met un soin particulier à faire parler la conscience dans la jeunesse, ce qui est sans contredit la base de toute éducation. L'étude de l'âme lui a fait connaître d'après quel principe invariable nous distinguons le bien du mal. Il a dès lors la clef de la morale en main, et il sait comment il doit s'y prendre pour faire trouver bien ce qui est bien, et trouver mal ce qui est mal. Par là même il a les sentiments moraux à sa disposition; il peut émouvoir la tendance morale, et éveiller à propos l'espérance ou la crainte qui s'y rattachent naturellement. La mère par malheur n'a pas ces connaissances si importantes. Elle a sur ce point ce que l'on appelle le sentiment moral, qui ne laisse pas de la conduire dans ses graves fonctions; mais elle les remplirait bien mieux et bien plus facilement, si, sortant du clair-obscur où elle est, elle venait à travailler en plein jour. Son œuvre restera donc imparfaite sur ce point essentiel, et le mérite du Cours de langue sera d'y mettre la dernière main.

La mère, dans les soins qu'elle donne à sa jeune famille, s'empresse de lui communiquer les vérités qu'elle regarde

comme les plus nécessaires à la vie. A leur tête se trouvent les vérités religieuses : Dieu, le Sauveur, la vie éternelle au delà du tombeau avec ses récompenses et ses punitions. Mais en tout cela elle s'adresse à la foi, pour être crue sur parole, et il est bien rare qu'elle ajoute quelques mots pour fonder en raison ce qu'elle a avancé. C'est tout simplement la tradition qui parle par sa bouche. Ici le Cours de langue se propose de mieux faire ce qu'elle a fait, et en cela il prend conseil des exigences du temps où nous vivons, où la foi du charbonnier est beaucoup au-dessous de nos besoins.

Si, au premier jour du christianisme, les apôtres demandaient que les fidèles pussent rendre raison de leur foi et de leurs espérances', pourquoi tarderions-nous à mettre la raison naissante de nos élèves dans les intérêts de la foi héréditaire, et de les prémunir ainsi contre la séduction des fausses doctrines, des mauvais exemples, et surtout de la mondanité qui règne autour d'eux, et qui les menace. Le Cours éducatif de langue s'est donc fait un devoir de suppléer en ce point à l'instruction maternelle, en donnant la raison pour base aux vérités fondamentales sur lesquelles reposent toutes les autres. Dans ce travail il s'y prend d'assez loin, et il y revient assez fréquemment pour produire dans l'esprit une conviction intime et inébranlable. Il le peut précisément, parce que d'un côté il prend généralement à tâche de développer les facultés intellectuelles de ses élèves, et que de l'autre il les dirige sans cesse vers les vérités premières qui ont le pouvoir de tourner le cœur de l'homme au bien.

Le Cours de langue rendra encore un service à l'éducation. Les égarements du cœur dérivent des égarements de la pensée. Eh bien! nous nous appliquerons dans nos leçons à prévenir ces fâcheuses illusions, et à les détruire, si elles avaient déjà atteint la tendre jeunesse.

1 Petr., III, 15.

ŞIII. Limites des services du Cours éducatif de langue maternelle.

En signalant les services que le Cours de langue maternelle rendra à l'éducation de l'enfance, nous sommes si éloigné de toute exagération que nous ne craignons pas d'en marquer les limites, et c'est ce que nous allons faire avec quelques détails.

Nous avons déjà dit que, sous le rapport de l'enseignement religieux, le cours de langue n'empiétera point sur les fonctions du saint ministère. Il se bornera à préparer son action en développant l'intelligence des petits, ainsi que leur langage, afin de les rendre capables d'assister avec fruit à des leçons religieuses d'un ordre plus relevé. Et c'est ainsi qu'il reconnaîtra son insuffisance à compléter à lui seul l'œuvre de l'éducation de l'homme et de l'homme chrétien.

La mère s'empresse de parler à ses enfants du Créateur du ciel et de la terre. C'est bien, mais il est à regretter qu'elle n'ait le plus souvent que fort peu connaissance des grandeurs, des beautés et des merveilles de la nature, et que dès lors elle soit dans l'impuissance d'asseoir sur une base assez large et assez solide le premier article de la foi chrétienne. Le Cours de langue supplée grandement à ce défaut. Revenant fréquemment au spectacle de la nature, il tâche de donner du sens aux grands mots : « Créateur du ciel et de la terre, » et il cherche à habituer ses élèves à lire dans le livre de la création les innombrables preuves de la sagesse et de la bonté divines qui s'y trouvent consignées. Cependant, il faut en faire l'aveu, entravé par sa tâche particulière et par la forme qu'elle exige, il est aussi dans l'impuissance de faire à lui seul ce que demande ce vaste et important sujet. Il est donc nécessaire de l'aider.

Ici la ressource sera vite trouvée. L'école où se donnera le Cours de langue aura des livres de lecture et heureusement il en existe beaucoup où l'on a cherché à mettre

la connaissance de la nature à la portée du jeune âge, avec l'intention d'élever son âme vers le ciel 1.

Pour que cette lecture, ainsi que toutes celles que l'on jugera convenable d'introduire à l'école, atteigne notre but, il faut avoir l'attention de partager le texte en petites sections, et astreindre les élèves à rendre compte du contenu de chacune. Sans cette précaution plusieurs d'entre eux ne s'occuperont qu'à lire correctement le passage, sans prendre connaissance de ce qu'il exprime. Ne voyonsnous pas de grandes personnes qui lisent sans penser, et qui par là même ne retiennent rien de ce qu'elles ont lu? Les premiers essais de compte rendu seront pendant quelque temps assez maigres; mais par l'exercice ils se développeront de plus en plus.

Je viens à une autre lacune de l'enseignement maternel; lacune que le Cours éducatif de langue, restreint comme il est par sa tâche particulière, ne pourra remplir à lui

1 On trouve à Paris, chez MM. Dezobry, E. Magdeleine et Cie, une collection de petits volumes avec figures, composés par MM. Michel et Cossé, où le spectacle de la nature est expliqué aux enfants, et qui sont bien propres à leur faire connaître les soins de la Providence dans la conservation et le gouvernement du monde.

Il y avait dans mon ancienne école des leçons régulières de dessin, et je les avais mises en grande partie au service de la connaissance de la nature. Treize cents modèles de dessin formaient trois longues séries progressives, qui paraissaient tour à tour dans les leçons. L'une que j'appelais industrielle, commençait par les lignes et les corps mathématiques, venait de là aux meubles et aux machines et finissait par les ordres d'architecture. La série botanique commençait aux feuilles, aux herbes, aux fleurs, passait de là aux arbres et arbustes indigènes pour finir par les végétaux les plus remarquables des climats étrangers. La série animale présentait d'abord les papillons et les chenilles; venaient ensuite les poissons et les oiseaux, puis les quadrupèdes, rangés selon la difficulté du dessin qui les représentait. La figure humaine terminait la série. Chaque modèle avait son texte explicatif. Les élèves le lisaient avant de dessiner, et ils étaient tenus d'en rendre compte aux instituteurs ou à leurs aides. C'est ainsi que l'on peut faire servir le même moyen d'instruction à divers buts. Le calcul peut être utilisé pour l'économie, l'agriculture, le commerce, et même pour la morale, si l'on fait calculer les mauvaises suites des vices.

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