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faux qui retentissent à leurs oreilles, sans être à même de les démêler. Comme ils ne pensent que par autrui, ils ne sont aussi que de serviles imitateurs de ce qu'ils voient Ainsi l'homme n'est pas là, il a fait place au

faire. singe.

§ III. Essais d'invention.

Si nous ne pouvons pas adopter ce système exclusif qui dans l'éducation veut que tout soit remis à l'invention de la jeunesse, nous reconnaissons le principe que, sans des exercices continuels d'invention, le développement intellectuel ne peut pas prospérer. L'esprit ne gagne en force qu'en proportion de l'activité qu'il exerce, et c'est par des productions spontanées qu'il agit le plus, parce que pour trouver il est forcé de chercher ce qu'il désire et de le produire.

Le Cours de langue met les élèves sur la voie de l'invention par l'instruction directe qu'il leur donne, parce que cette instruction est riche et qu'elle leur ouvre les yeux sur les objets les plus intéressants. Ainsi appelés à inventer, les élèves pourront puiser ailleurs que dans le souvenir de ce qui leur a été fourni par l'instruction directe. Au reste, les jugements motivés qu'ils auront à porter sur le contenu des propositions et des phrases, ne sont-ils pas autant d'exercices d'invention? Au fond il n'y a entre eux et ceux dont nous allons parler, que la différence du plus au moins. Mais il s'agit aussi d'une invention entièrement spontanée.

Pour obtenir en ce genre des résultats satisfaisants, il est nécessaire que l'instituteur suive rigoureusement la grande règle de la progression qui marche à pas comptés du petit au grand, du simple au composé, de ce qui est facile à ce qui l'est moins. Ne pas suivre ici cette règle capitale, c'est, en rebutant les enfants, les condamner à la stérilité ou à ne produire que d'informes et dégoûtants essais; et ce n'est pas eux qu'il faudra en accuser, mais l'impéritie de celui qui les dirige.

Le Cours de langue renferme deux espèces d'invention : l'une décousue par propositions et phrases isolées, l'autre à texte suivi, que l'on nomme communément composition. Nous les prendrons séparément.

La Syntaxe s'occupe d'abord de la proposition qui de simple devient composée et ensuite complexe; de la proposition elle passe à la phrase de deux membres, qui se rattachent l'un à l'autre sous toute espèce de rapports, pour ne former ensemble qu'une seule et même pensée. Viennent ensuite les périodes, où les diverses espèces de raisonnements trouvent naturellement leur place. L'expression y est sans doute pour sa part, mais toujours en sous-ordre, comme cela doit être. Sur toute l'étendue de la longue ligne progressive, les élèves, après avoir fait l'examen critique des exemples que leur fournit l'instruction directe, sont toujours appelés à inventer dans le même genre et à l'imitation des propositions ou des phrases qu'ils viennent d'analyser. Quelquefois on leur donne une légère indication de ce qu'ils devront inventer; d'autres fois on leur laisse le soin de tout produire de leur propre fonds.

Dans les exercices de conjugaison l'instruction directe prend dans son intérêt la plus grande place; mais souvent elle n'indique que le verbe à énoncer aux différentes personnes d'un temps donné, et abandonne aux élèves le soin d'inventer la pensée.

Les exercices qui se rattachent au Vocabulaire, ont tout à la fois plus de marge et plus de liberté pour l'invention qui leur est remise. Ici l'élève n'a qu'un mot devant lui, et il est d'abord chargé d'en trouver d'autres de la même famille. Puis tous les mots du Vocabulaire doivent être placés par lui dans une proposition ou une phrase, comme il le jugera à propos. Pour donner le ton voulu par l'instruction directe, l'instituteur fournit le premier exemple, et il est probable que les enfants, nés imitateurs, inventeront dans le même sens, partout où cela pourra se faire aisément; mais toujours est-il qu'ils inventeront.

L'invention ne se fait que de vive voix dans le Vocabulaire, dans la Syntaxe et dans la Conjugaison en plus grande partie. Le travail par écrit, qui ne vient qu'à la suite, laisse plus de temps à la réflexion de l'inventeur et offre sous ce rapport un avantage. Le travail de vive voix, outre qu'il ouvre un concours utile, est incomparablement plus expéditif, et il active et multiplie les productions de l'esprit. D'un autre côté, la présence de l'instituteur qui dirige les exercices, assure aux élèves, et au moment même, le corrigé de leurs pensées, si elles devaient être défectueuses, et en même temps un prompt secours, dès qu'ils se trouveront embarrassés. Toutes ces mesures sont bien favorables au but que l'on se propose.

Les essais d'invention suivie s'appellent compositions parce que l'écolier est chargé de recueillir sur un sujet donné plusieurs pensées de même famille, de les poser ensemble ou de les lier, pour en faire un seul tout. Dans le plan de l'enseignement régulier de la langue que nous avons tracé plus haut, nous avons indiqué sous le nom de compositions la lettre, la narration, la description, le petit discours et le dialogue.

On devinera aisément que nous pensons faire entrer toutes ces compositions dans le but de l'instruction directe du Cours de langue. Il y a là assez de matière pour exercer les élèves, sans qu'il soit besoin de sortir de ce cercle. C'est encore ici le cas de nous attacher à la règle qui nous dit de ne pas faire beaucoup de choses à la fois, mais de faire beaucoup la même, pour obtenir un résultat satisfaisant et durable.

Les élèves seront puissamment aidés dans leurs compositions par les souvenirs que leur a laissés l'instruction directe répandue dans le Cours de langue. J'en ai fait l'expérience pendant nombre d'années dans mon ancienne école, où l'on me reproduisait non-seulement les pensées de l'instruction directe, mais encore les expressions, résultat que j'avais désiré et prévu. Il n'y avait en cela rien de mécanique : car l'élève avait à choisir à propos parmi

une multitude de souvenirs. Je parle ici des élèves les plus avancés. Il suffisait de leur indiquer en quelques mots significatifs le sujet qu'ils avaient à traiter dans la description de quelque objet ou dans le petit discours. Pour le dialogue, c'était assez de désigner le sujet en deux mots. et on pouvait leur laisser choisir à volonté les interlocuteurs et le lieu où ils causaient ensemble. Souvent deux élèves voisins travaillaient de concert au même dialogue, où chacun d'eux avait son rôle. C'était une conversation par écrit, qui leur faisait plaisir.

Il est bien entendu que les compositions ne peuvent paraître que lorsque les élèves ont fait des progrès dans la syntaxe. Dans le plan ci-dessus nous les avons placées à côté de la période, et partout nous fournissons le canevas à remplir. Sans cette précaution, la plupart des écoliers ne pourraient livrer qu'un mauvais travail, dont le corrigé serait aussi dégoûtant pour eux que pour l'instituteur. Or il faut ménager à la jeunesse le plaisir d'avoir réussi en grande partie. Ce n'est qu'ainsi qu'on peut lui donner le courage, la force et même le talent de mieux faire.

Nous pensons qu'il serait très-utile de faire aussi composer de vive voix. Le thème s'écrira sur le tableau noir, avec des traits entre les parties de la composition pour indiquer les détails à ajouter. Dans le commencement les détails seraient indiqués, comme je l'ai fait dans mon ancienne école, par des questions mises en parenthèse, par exemple, qui? quand? où ? à quelle fin? comment? pour quelle raison? etc. Comme la syntaxe habitue de bonne heure les élèves à répondre à ces questions, on comprend que de cette manière la composition leur devient très-aisée, et que dans le commencement il est bon, pour ne pas dire nécessaire, de faire usage de cet expédient.

SIV. Exercices syntaxiques.

Nous comprenons sous cette dénomination commune

ce que les grammairiens ont appelé analyse grammaticale et analyse logique. Celle-ci décompose la phrase pour indiquer les propositions qui la constituent; puis chaque proposition en particulier, pour en assigner les parties. C'est ce que nous appelons le compte-rendu de la construction. L'analyse grammaticale descend dans le détail: Elle relève chaque mot en particulier, pour en assigner la classe, puis le genre, le nombre, etc. C'est le compterendu sur les mots.

L'orthographe demande impérieusement ce dernier compte-rendu, et nous sommes bien éloigné de vouloir l'exclure du Cours de langue. Nous demandons simplement qu'il n'aille pas au delà du besoin qui l'a fait naître, et qui doit le régler. Son utilité pour le développement de l'esprit est fort mince, puisqu'il n'exerce le jugement des enfants que sur des bagatelles, sur de simples signes et leur écriture, qui au fond ne sont rien, quand il s'agit d'amener leur pensée sur les choses, qui sont tout. Les exercices sur les mots n'entrent donc pas en ligne de compte chez nous comme moyen de culture intellectuelle. Nous les regardons plutôt comme un mal nécessaire, qu'il ne faut ni aggraver ni prolonger. A défaut des maîtres, les élèves ont le sentiment des bornes qu'il faut mettre à ces exercices minutieux. Poussez-les au delà du besoin, vous ne leur donnez que de l'ennui et du dégoût. Ils se portent naturellement vers les choses, dont ils sont occupés, et c'est ce qui explique la plupart de leurs fautes d'orthographe et même de diction.

Le compte-rendu de la construction est plus près de la culture intellectuelle, surtout dans un Cours de langue tel que celui que nous proposons; car il est calculé sur les idées et non pas sur les mots. On se rappellera d'abord que dans la proposition nous n'avons pas seulement des compléments indirects, où les pensées les plus diverses et les plus importantes pour le développement intellectuel sont jetées pêle-mêle et confondues dans une seule et même catégorie. Nous les présentons à l'esprit pour les

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