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nait lui dire ce que l'on entend quelquefois : « On ne voit » pas les esprits après la mort, ils ont donc cessé de » vivre. »

Pour aborder directement notre grand sujet, nous nous adresserons au cœur de nos élèves, à leur conscience et à leur raisonnement. J'ai nommé le cœur : car l'homme aime naturellement la vie, une vie sans bornes, et, à moins que le souvenir du crime ne lui fasse redouter des peines à subir dans une seconde vie, il la désire, il la veut, il y croit. L'histoire du genre humain nous apprend que cette croyance a été, et se trouve partout, même chez les peuples les moins cultivés, et que souvent elle s'est montrée plus marquée et plus précise que la croyance en l'Auteur de l'univers. Le cœur humain s'attache encore à l'immortalité par un autre amour que celui de la vie. Des amis se souhaitent réciproquement un bonheur qui ne finisse point avec leurs jours terrestres, et, quand la mort frappe l'un, l'autre désire le rejoindre bientôt. Une mère encore veut retrouver ailleurs l'enfant qu'elle vient de perdre ici-bas, et, si c'est la mère qui périt, l'orphelin aspire à aller la rejoindre, pour ne plus se séparer d'elle. Ainsi vote le cœur humain pour l'immortalité, et nous invoquerons son suffrage.

La conscience y ajoutera le sien. Elle veut impérieusement que justice soit faite, et que chacun reçoive en bien ou en mal ce qu'il a mérité par ses sentiments et sa conduite. Elle menace, elle promet, elle prophétise. On peut s'étourdir pour ne pas l'écouter; mais personne ne peut lui donner un démenti. Justice ne peut pas se faire dans cette vie d'épreuve, et si brève; d'abord parce qu'il faut bien que le mérite précède la récompense ou la punition; puis parce que la rétribution ne pourrait pas avoir lieu sans anéantir l'épreuve, qui demande toute la latitude pour la liberté. Et c'est ainsi qu'en tournant la conscience de nos élèves vers l'avenir, nous en ferons ce qu'elle est. en effet, un gage de l'immortalité.

Et ce gage par qui sera-t-il donné? Par le Créateur et

le Père qui du néant nous appelle successivement à la vie, qui a gravé sa loi au fond de notre âme, qui entend qu'elle soit fidèlement suivie, et qui accomplira les promesses ou les menaces qu'il a rattachées à son exécution ou à son infraction. Il sera juste, parce qu'il est bon, et que la justice n'est autre chose que la bonté sagement administrée. Il n'y a point de paix, point de bonheur pour les méchants. Le Père qui ne nous a pas donné l'être pour nous le retirer, veut qu'ils vivent à jamais, et ils vivront en dépit d'eux-mêmes, et moissonneront ce qu'ils auront semé. Ce sont là les graves pensées que nous tâ÷ cherons d'exciter à propos dans nos élèves.

Le Sauveur des hommes, – Voici un sujet que des instituteurs modernes ont voulu bannir de l'instruction de l'enfance, proclamant le règne de la raison, règne qui pourtant n'est pas encore venu. Ils ont cru devoir éteindre ce même flambeau de la foi qui avait éclairé et protégé leur berceau. Avec un peu plus de réflexion et de reconnaissance, et, pour tout dire, avec plus de lumière et de modestie, ils auraient amené les petits à Celui qui les aimait si tendrement, et qui les bénissait. Il est encore parmi nous; car il vit encore dans son Église, sa parole se fait entendre, son exemple est sous nos yeux, et ses bienfaits se répandent même sur ceux qui l'ignorent, ou qui le repoussent.

L'incrédulité a beau s'élever contre lui, jamais elle ne parviendra à détruire les faits aussi incontestables que surprenants qui la condamnent. Il est constant que, malgré ses sciences et ses arts, notre Europe était idolâtre, barbare et profondément corrompue dans ses mœurs, et que c'est l'Évangile de J.-C. qui l'a éclairée de la vive, douce et bienfaisante lumière dont elle jouit depuis lors. Il est constant que J.-C. a été et sera toujours un personnage unique dans nos annales : unique par l'élévation de ses pensées et sa profonde sagesse; unique par la pureté de sa vie, ainsi que par la tendresse et la générosité de ses sentiments; "unique par l'étendue et la nature de l'œuvre

à laquelle il s'est immolé avec une patience et un courage au-dessus de toute épreuve1; unique encore par la certitude qu'il avait de ses succès, quand d'après toutes les prévisions humaines tout devait périr à jamais dans la poussière de son tombeau. Enfin il est constant que, depuis la publication de l'Évangile, l'intelligence humaine a découvert quelques prémisses et quelques conséquences des grandes vérités qu'il enseigne, mais pas une seule vérité nouvelle. Au contraire chaque fois qu'elle s'est écartée de l'enseignement évangélique, elle est tombée dans des erreurs qu'elle a été forcée de répudier elle-même, ou bien elle s'est perdue dans le labyrinthe du désolant scepticisme. Tels sont en deux mots les faits consignés dans notre histoire. Ils se réunissent pour nous prouver jusqu'à l'évidence que J.-C. est vraiment, comme il l'a dit, la lumière du monde, et le Sauveur que le Père d'en haut a envoyé à sa famille terrestre, pour lui servir de guide dans les besoins et les dangers de la civilisation.

Un Allemand a publié, il y a quelque temps, une Vie de Jésus, que la librairie a disséminée avec profusion dans tous les pays, et qui lui a produit, ainsi qu'au cupide auteur, beaucoup d'argent. Le titre promettait de nouveaux renseignements sur la doctrine du Sauveur, si frappante pour le temps et le lieu, puis sur son éminent caractère, et en général sur son œuvre, qui s'étend de plus en plus sur la terre, pour en faire le tour. Eh bien! le prétendu historien vient nous dire, en face de l'immense et admirable réalité qui est là sous nos yeux, qu'elle est le produit d'évangiles fabuleux et de la déception. Le héros du roman n'était à son avis qu'un homme ordinaire, qui a été mis à mort pour s'être insurgé contre les docteurs et

1 Il a paru à Dresde, en 1799, une traduction française de l'ouvrage de M. F -V. Reinhard, intitulé: Essai sur le plan formé par le fondateur de la religion chrétienne pour le bonheur du genre humain. Cet écrit s'élève presque à la hauteur de la sublime et nouvelle idée de ce que le Sauveur appelait son œuvre, et à la hauteur de l'incomparable personnage qui l'a exécutée.

les prêtres de son pays. C'est surtout contre les faits miraculeux que l'auteur allemand dirige sa critique, qui au fond n'est qu'une compilation d'ouvrages précédents; puis, croyant avoir gain de cause sur ce point, il n'hésite pas à conclure que nos évangiles ne sont qu'une nouvelle mythologie. Mais ces faits miraculeux sur lesquels il s'appuie, ne sont vraiment que des accessoires à côté de la doctrine, de l'œuvre et du caractère que les évangiles attribuent à Jésus de Nazareth. Ce sont ces trois points qui sont les grands prodiges à rapporter à leur cause. Tous les autres n'en sont, pour ainsi dire, qu'un accompagnement obligé dans les circonstances du temps. Il faut de toute manière admettre du surnaturel dans l'apparition et l'établissement du christianisme, et l'on ne fait que l'augmenter, en disant que des inconnus se sont concertés pour inventer un ensemble et pour exprimer en quatre versions différentes les grandes choses qui nous occupent. Il est bien plus simple et incomparablement moins miraculeux de reconnaître comme un personnage historique celui que les quatre récits ont peint, chacun à sa manière, à leurs contemporains, et que les contemporains ont reconnu et transmis à la postérité sous les mêmes traits. Mais revenons à nos élèves, que des discussions de ce genre ne sauraient concerner.

Le Cours de langue parlera du Sauveur à ses élèves, et se mettra aussi sur ce point en harmonie avec leur première maîtresse. Ils lui ont d'ailleurs été consacrés par le baptême dès leur naissance; ils sont entourés de temples chrétiens, et appartiennent à une nation qui fait profession du christianisme. Cependant nous n'anticiperons point sur l'enseignement religieux, qui demande des leçons à part dans l'éducation. Nous ne voulons que le préparer et le seconder, autant que la nature de notre travail le permet. Il sera élémentaire, ce que les catéchismes ne sont malheureusement pas. Nous relèverons en passant quelques traits de la plus belle vie et du plus beau caractère qui aient jamais honoré l'humanité. Au lieu d'en

tretenir nos élèves des déités du paganisme et des rêves de la Fable qui figurent quelquefois dans nos grammaires, nous leur parlerons du Père qui est aux cieux, et de son Fils bien-aimé qui s'est immolé pour nous. Nous aimerons aussi à rapporter quelques maximes du divin Maître, dussions-nous passer sous silence celles des sages de la Chine, de la Grèce et de Rome. Nous retenant dans les bornes naturelles d'un Cours de langue, nous n'entrerons pas dans les profondeurs de la théologie, qui ne sont pas de notre ressort, et en même temps nous nous abstiendrons de toute polémique religieuse, qui n'est pas faite du tout pour l'âge tendre. L'apôtre nous parle du lait qu'il faut d'abord présenter aux petits dans la foi, parce qu'ils ne sauraient encore supporter une nourriture solide. Eh bien! c'est ce lait que nous donnerons à nos élèves.

Ici je crois entendre: « Vous ne leur parlerez donc pas » des prodiges du Sauveur, de sa dignité surhumaine et de » la révélation qui s'y rattache? Ces objets sont beaucoup » trop relevés pour l'enfance, et ils sont au surplus en » litige. »

En litige? Ils ne le sont pas du tout parmi les fidèles; et ici nous n'avons pas besoin de faire attention à ceux qui sont dehors. Puis, si ces objets ont un côté tout à fait obscur pour nous, ils en ont un autre qui est clair, et qui peut être saisi et apprécié par des enfants comme les nôtres. A leur âge ils savent fort bien qu'un mot n'est qu'un son, et qu'un son ne peut pas rendre la vue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, la parole aux muets, et la santé aux malades. Voyant donc que le Sauveur guérit toutes ces infirmités à l'instant même et par une seule parole, ils se diront, comme autrefois la loyale multitude en Palestine : << Nul homme ne peut faire de semblables choses, à moins » que Dieu ne soit avec lui. » Ce sont les faits mêmes qui parlent ainsi : le bon sens écoute, et répète leur langage.

Or un homme qui se montre ainsi le dépositaire de la puissance divine, fait preuve d'une dignité surhumaine, et, s'il parle au nom de la divinité, qui lui prête son pou

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