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Nul doute que l'élégie du Noyer ne soit due à cette épigramme. Tout le fond en est là. Mais avec quelle fécondité de détails le poète latin a su développer cette idée-mère. Ce petit chef-d'œuvre méritait bien de trouver un commentateur tel qu'Érasme, un interprète aussi spirituel que consciencieux.

Plusieurs traductions ont été faites de cette élégie. Malgré bien des inexactitudes encore, surtout en ce qui concerne les jeux, Kervillars s'est montré ici moins faible que dans la Consolation à Livie. La partie la plus difficile de ce poëme était la description des différens jeux de noix. C'a été pour nous l'objet d'un travail tout particulier et de longues recherches, trop souvent infructueuses. C'est dans cette partie surtout que nous nous sommes écarté des autres traducteurs, et quelquefois d'Érasme lui-même. On en verra la raison dans les notes qui suivent immédiatement ce petit poëme.

J. M.

NUX.

Nux ego juncta viæ, quum sim sine crimine vitæ,

A populo saxis prætereunte petor.

Obruere ista solet manifestos pœna nocentes,
Publica quum lentam non capit ira moram.
Nil ego peccavi; nisi si peccare vocatur,
Annua cultori poma referre suo.

Ar prius arboribus, tum quum meliora fuere
Tempora, certamen fertilitatis erat.
Quum domini memores sertis ornare solebant
Agricolas, fructu proveniente, Deos.
Sæpe tuas igitur, Liber, miratus es uvas :
Mirata est oleas sæpe Minerva suas.
Pomaque læsissent matrem; ni subdita ramo
Longa laboranti furca tulisset opem.

Quin etiam exemplo pariebat femina nostro;
Nullaque non illo tempore mater erat.

Ат

Ar postquam platanis, sterilem præbentibus umbram, Uberior quavis arbore venit honos;

Nos quoque fructiferæ, si nux modo ponor in illis,

LE NOYER.

PAUVRE AUVRE noyer planté sur le bord du chemin, je suis, malgré mon innocence, attaqué par tous les passans à coups de pierres. On ne lapide ordinairement que les scélérats pris en flagrant délit; car alors la colère du peuple crie vengeance et ne souffre point de délai. Mais moi, quelle faute ai-je commise? à moins qu'on n'en trouve une dans le soin que je mets chaque année à donner des fruits à mon maître.

Autrefois cependant, lorsque les temps étaient meilleurs, c'était, parmi les arbres, à qui serait le plus fertile. Alors le maître reconnaissant couronnait de guirlandes et de fruits le dieu auquel ils étaient consacrés. Souvent Bacchus admirait ses raisins: Minerve était souvent émerveillée de ses olives. Tel arbre eût été quelquefois victime de sa fécondité, si une longue fourche n'avait soutenu ses branches trop chargées de fruits. Alors aussi les femmes enfantaient comme nous tous les ans: pas une alors qui ne fût mère.

Mais lorsque le platane, qui n'offre qu'un stérile ombrage, eut obtenu des honneurs exclusifs, nous autres arbres fruitiers (si le noyer peut désormais prendre ce titre), nous avons commencé à nous couvrir d'un riche

Copimus in patulas luxuriare comas.

Nunc neque continuos nascuntur poma per annos;
Uvaque læsa domum, læsaque bacca venit.
Nunc uterum vitiat, quæ vult formosa videri :
Raraque in hoc ævo est, quæ velit esse parens.
Certe ego, si numquam peperissem, tutior essem.
Ista Clytemnestra digna querela fuit.

Si sciat hoc vitis, nascentes supprimet uvas;
Orbaque, si sciat hoc, Palladis arbor erit.
Hoc in notitiam veniat maloque pyroque;
Destituent silvas utraque poma suas.
Quæque sibi vario distinguit poma colore,
Audiat hoc cerasus, stipes inanis erit.

NON equidem invideo: numquid tamen ulla feritur,
Quæ sterilis sola conspicienda coma est?
Cernite sinceros omnes ex ordine truncos,

Qui modo nil, quare percutiantur, habent.
At mihi sæva nocent mutilatis vulnera ramis;
Nudaque decerpto cortice ligna patent.
Non odium facit hoc, sed spes inducta rapinæ.
Sustineant aliæ poma; querentur idem.

Sic reus ille fere est, de quo victoria lucro
Esse potest inopis vindice facta carent.
Sic timet insidias, qui scit se ferre viator,

Quod timeat: tutum carpit inanis iter.

et spacieux feuillage. Aussi ne portons-nous plus des fruits tous les ans; et encore l'olive et le raisin n'arrivent-ils pas intacts au cellier. Maintenant, dans la crainte de perdre sa beauté, la femme détruit le fruit qu'elle a conçu ; à peine en trouve-t-on une aujourd'hui qui veuille bien être mère. C'est bien à moi qu'il est permis de dire, comme la malheureuse Clytemnestre : « Si je n'avais jamais porté de fruits, je serais plus en sûreté. » Que la vigne le sache, elle étouffera ses raisins naissans; que l'arbre de Pallas vienne à l'apprendre, il restera stérile; que cela soit connu du poirier et du pommier, bientôt un vain feuillage remplacera leurs fruits; que le cerisier, si agréablement couronné de vert et de rouge, en soit instruit, ce ne sera bientôt plus qu'un inutile tronc.

Ce n'est pas jalousie de ma part; mais comment n'y a-t-il d'épargné que celui qui étale un feuillage stérile? Voyez l'un après l'autre tous ces arbres intacts : c'est qu'ils n'ont rien qui attire les coups sur eux. Quant à moi, je me vois mutilé impitoyablement. La pierre brise mes rameaux, entame mon écorce, et met à nu mon sein meurtri. Et ce n'est pas la haine qui me poursuit ainsi, mais l'espoir du pillage. Que les autres portent des fruits, ils se plaindront tout comme moi. On ne cherche guère à poursuivre que celui dont la perte peut être de quelque profit : le pauvre, lui, n'a point d'accusateur à craindre. Il en est de même aussi du voyageur: porte-t-il quelque argent, il craint d'être volé n'a-t-il rien avec lui, il marche hardiment. C'est ainsi que je suis seul attaqué, parce que j'ai seul une raison pour

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