Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

1

m'attiroient dans un coin pour me dire: Eh! comment avez-vous produit en nous cette illufion? car il faut en convenir, mon Ami, votre Pièce eft la plus grande platitude du monde.

pour

Hélas Meffieurs! j'ai lu ma platitude, en vérité, tout platement comme je l'avois faite; mais, au nom de la bonté que vous avez de me l'honneur parler encore après ma chûte, & de votre fecond jugement, ne fouffrez pas qu'on redonne la Pièce au Théâtre; fi, par malheur, on venoit à la jouer comme je l'ai lue, on vous feroit peut-être une nouvelle tromperie, & vous vous en prendriez à moi de ne plus favoir quel jour vous eûtes raifon ou tort; ce qu'à Dieu ne plaife!

On ne m'en crut point; on laiffa rejouer la Pièce, & pour le coup je fus Prophête en mon pays. Ce pauvre Figaro, feffé par la cabale en faux bourdon & prefque enterré le vendredi, ne fit point comme Candide, il prit courage; & mon Héros fe releva le dimanche avec une vigueur que l'austérité d'un carême entier, & la fatigue de dixfept féances publiques n'ont pas encore altérée. Mais qui fait combien cela durera? Je ne voudrois pas jurer qu'il en fût feulement question dans cinq ou fix fiècles ; tant notre Nation eft inconfiftante & légere.

Les Ouvrages de Théâtre, Monfieur, font comme les enfans des hommes. Conçus avec volupté, menés à terme avec fatigue, enfantés avec douleur, & vivant rarement affez pour payer les parens de leurs foins, ils coûtent plus de chagrins qu'ils ne donnent de plaifirs. Suivez-les dans leur carriere; à peine ils voient le jour, que, fous prétexte d'enflure, on leur applique les Cenfeurs; plufieurs en font reftés en chartre. Au lieu de jouer doucement avec eux; le cruel Parterre les rudoye & les fait tomber. Souvent en les berçant, le Comédien les eftropie. Les perdez-vous un instant de vue; on les retrouve, hélas! traînant par-tout, mais dépenaillés, défigurés, rongés d'Extraits, & couverts de Critiques. Echappés à tant de maux, s'ils brillent un moment dans le monde; le plus grand de tous les atteint; le mortel oubli les tue; ils meurent, & replongés au néant, les voilà perdus à jamais dans l'immenfité des Livres.

bats

[ocr errors]

Je demandois à quelqu'un pourquoi ces comcette guerre animée entre le Parterre & l'Auteur, à la première représentation des Ouvrages, même de ceux qui devoient plaire un autre jour. Ignorez-vous, me dit-il, que Sophocle & le vieux Denis font morts de joie d'avoir remporté le prix des Vers au Théâtre ? Nous aimons trop nos Auteurs pour fouffrir qu'un excès de joie

nous

nous privé d'eux, en les étouffant

en les étouffant : auffi pour les conferver, avons-nous grand foin que leur triomphe ne foir jamais fi pur, qu'ils puiffent en expirer de plaifir.

Quoi qu'il en foit des motifs de cette rigueur; l'enfant de mes loisirs, ce jeune, cet innocent Barbier tant dédaigné le premier jour, loin d'abufer le furlendemain, de fon triomphe, ou de montrer de l'humeur à fes Critiques, ne s'en eft que plus empreffé de les défarmer par l'enjouement de fon caractère.

Exemple rare & frappant, Monfieur! dans un fiècle d'Ergotifme où l'on calcule tout jufqu'au rire; où la plus légère diverfité d'opinions fait germer des haînes éternelles; où tous les jeux tournent en guerre; où l'injure qui repouffe l'injure, eft à fon tour payée par l'injure, jufqu'à ce qu'une autre effaçant cette derniere, en enfante une nouvelle auteur de plufieurs autres, & propage ainfi l'aigreur à l'infini, depuis le rire jusqu'à la fatieté, jusqu'au dégoût, à l'indignation même du Lecteur le plus cauftique.

[ocr errors]

Quant à moi, Monfieur; s'il eft vrai, comme on l'a dit, que tous les hommes foient freres; & c'eft une belle idée ; je voudrois qu'on pût engager nos freres les Gens de Lettres à laiffer, en

b

difcutant, le ton rogue & tranchant à nos freres les Libelliftes qui s'en acquittent fi bien ! ainfi que les injures à nos freres les Plaideurs.... qui ne s'en acquittent pas mal non plus ! Je voudrois fur-tout, qu'on pût engager nos freres les Journalistes à renoncer à ce ton pédagogue & magistral avec lequel ils gourmandent les Fils d'Apollon, & font rire la fottife aux dépens de l'efprit.

Ouvrez un Journal: ne femble-t-il pas voir un dur Répétiteur, la férule ou la verge levée fur des Ecoliers négligens, les traiter en esclaves au plus léger défaut dans le devoir ? Eh, mes Freres il s'agit bien de devoir ici? La Littérature en eft le délaffement & la douce récréa tion!

A mon égard au moins, n'efpérez pas affervir dans fes jeux, mon efprit à la règle: il est incorrigible; &, la claffe du devoir une fois fermée, il devient fi léger & badin que je ne puis que jouer avec lui. Comme un liège emplumé qui bondit fur la raquette, il s'élève, il retombe, égaye mes yeux, repart en l'air, y fait la roue, & revient encore. Si quelque Joueur adroit veut entrer en partie & baloter à nous deux le léger volant de mes penfées; de tout mon cœur : s'il ripofte avec grace & légéreté, le jeu m'amufe, & la partie s'engage. Alors on pour

toit voir les coups portés, parés, reçus; zendus, accélérés, preffés, relevés même avec une prestesse, une agilité, propre à réjouir autant les Spectateurs qu'elle animeroit les Acteurs.

Telle au moins, Monfieur, devroit être la critique; & c'est ainfi que j'ai toujours conçu la dispute entre les Gens polis qui cultivent les

Lettres.

Voyons, je vous prie, fi le Journaliste de Bouillon a confervé dans fa Critique ce caractère aimable & fur- tout de candeur pour lequel on vient de faire des vœux.

La Pièce eft une Farce, dit-il.

Paffons fur les qualités. Le méchant nom qu'un Cuisinier étranger donne aux ragoûts françois ne change rien à leur faveur. C'eft en paffant par fes mains qu'ils fe dénaturent. Analyfons la Farce de Bouillon.

La Pièce, a-t-il dit, n'a pas de plan.

Eft-ce parce qu'il eft trop fimple qu'il échappe à la fagacité de ce Critique adolefcent?

Un Vieillard amoureux prétend époufer demain

« ZurückWeiter »