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II.

QUAND NAQUIT LUCRÈCE?

Selon la Chronique d'Eusèbe, Lucrèce naquit l'an 2 de la 171 olympiade (CLXXI, 2), ce qui répond à l'an de Rome 659, ou av. J.-C. 95, sous le deuxième consulat de Pompée et de Crassus. Comme les meilleures autorités le font mourir dans sa quarante-quatrième année, l'époque de sa fin est incontestablement l'an 55 avant Jésus-Christ. Il est probable qu'il faudrait corriger Eusèbe, et lire CLXX, 2, en l'an 2 de la 170° olympiade. Avec cet amendement, le passage de la Chronique devient assez satisfaisant, et s'applique sans peine à tout ce qu'on sait de l'âge de Lucrèce, qui se trouve avoir huit ans de moins que Cicéron et un de César. Le dénombrement des erreurs où la participation et la manie de copier sans réfléchir a fait tomber ici des hommes fort savans d'ailleurs, nous mènerait trop loin; qu'il nous suffise de noter l'inadvertance de Greech, qui, ne se rappelant pas exactement ce que Donat raconte (Vie de Virgile) sur la coïncidence remarquable du jour où Lucrèce mourut et où Virgile prit la robe virile, dit

moins

que

qu'un partisan de la métempsychose pourrait penser que l'âme du poète de la Nature passa dans le corps du chantre des Géorgiques. Greech, d'ailleurs, oublie ce qu'il y a de plus singulier dans le rapprochement de Donat : c'est que la mort du premier eut lieu le jour même où le second changeait la prétexte pour la robe virile, et se borne à placer les deux faits par lui admis (la mort de Lucrèce et la naissance de Virgile) dans la même année. Crinitus, Ch. Etienne, Lloyd, Hoffmann, tout en parlant, non pas de la naissance, mais de la robe de Virgile, se bornent à placer les deux faits dans la même année ; ce qui peut-être est le plus conforme au vrai, mais ce qui n'est pas la tradition dans son entier. D'autres ont pris la date de la celle de la mort, pour d'où l'opinion qui fait naître Lucrèce cent quarante-trois ans avant J.-C., ainsi que cette phrase d'un biographe: Multo antiquior fuit Terentio Varrone et M. Tullio, ut quidam scripserunt; phrase déjà assez éloignée du vrai, mais qu'un autre compilateur se chargea de rendre encore plus fausse en plaçant une virgule entre Terentio et Varrone : de sorte que Lucrèce, selon lui, aurait vécu avant Térence.

naissance

III.

ÉTUDES ET OCCUPATIONS DE LUCRÈCE.

passa

On suppose généralement que que Lucrèce quelques années de sa jeunesse en Grèce et même à Athènes. D'abord, les Romains, maîtres de la Grèce depuis plus de soixante ans, avaient dès-lors commencé à adopter la coutume d'achever leur éducation en Grèce; d'autre part, Lucrèce semble trop versé dans tous les mystères de la philosophie, de la cosmogonie et de la physique épicurienne, pour que l'on suppose qu'il en ait pris connaissance seulement à Rome; enfin, l'on sait que C. Memmius Gemellus, à qui Lucrèce dédia son poëme de la Nature, étudia à Athènes, où même la munificence de son père L. Memmius contribua puissamment à l'éclat de la secte épicurienne.

L'école fondée par Epicure dans le quatrième siècle avant J.-C., après avoir fleuri quelque temps sous Métrodore et sous ses premiers disciples, avait décliné successivement jusqu'à l'instant où les Romains commencèrent à se

répandre dans l'Orient. On sait qu 'ils ne tarde

rent pas à partager le goût des Grecs pour les lettres, la philosophie et les beaux-arts: les chefs-d'œuvre de la sculpture et de la peinture furent en grande partie transportés à Rome par Memmius. Paul-Emile et Sylla, en décorant leurs triomphes de trophées de même genre, y ajoutèrent les bibliothèques conquises sur Persée, sur Eumène, sur Mithridate, et des milliers de volumes enlevés à Athènes. Mais il était plus aisé de transplanter à Rome les dépouilles que le génie et l'instruction des vaincus. La capitale du monde n'était point encore ce que Juvénal se plaignait plus tard de la voir devenue, une ville grecque. Quoique déjà des rhéteurs, des grammairiens, des philosophes s'établissent à Rome, c'était en Grèce qu'il fallait aller pour se pénétrer des idées de la Grèce, pour s'initier à la philosophie, pour apprendre l'éloquence et la grammaire, en un mot, pour se mettre au courant de tous les faits intellectuels et scientifiques en circulation. Les Romains alors se trouvèrent dans la situation de tout peuple ignorant et conquérant: également surpris de tous les systèmes, ils donnèrent surtout la préférence à ceux qui flattaient leurs goûts nouveaux, à ceux qui semblaient les plus

favorables à la mollesse, et au luxe, au plaisir, aux dépravations et aux spoliations de tout genre. Quelques âmes fortes, surtout sous lempire, sympathisèrent avec les idées stoïciennes ; d'autres, et tels furent principalement les hommes à imagination, adoptèrent avec enthousiasme les doctrines de l'Académie : mais Epicure plut à la masse. Ce n'est pas que la masse comprît quelque chose à sa philosophie: la partie physique était beaucoup trop haute et trop difficile pour l'ignorance populaire; la partie morale était, en dernière analyse, un panégyrique perpétuel de la modération, de la chasteté, de la frugalité, de la philanthropie. Mais comme toutes ces vertus n'avaient, selon Épid'autre base que l'intérêt personnel, en d'autres termes, la recherche du plaisir, et qu'indubitablement chacun est libre de chercher du plaisir à sa manière, les Romains adoptaient l'aphorisme fondamental plaisir; puis concluaient à leur manière. Il est donc tout naturel que l'épicuréisme ait si vite acquis et si long-temps gardé la vogue dans Rome, tant auprès du vulgaire que chez les gens pour qui la morale n'était qu'un objet au moins très-secondaire; tels, par exemple que les candidats

cure,

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