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NOTES

DU LIVRE TROISIÈME.

I.

Te sequor, ô Graiæ gentis decus.....

Ce début magnifique du troisième chant donne une nouvelle preuve de l'enthousiasme de Lucrèce pour Épicure; ce chant fut le plus généralement admiré de l'antiquité. Voltaire a dit : « Il y a dans Lucrèce un admirable troisième chant; je le traduirai, ou je ne pourrai. » Voltaire ne l'a point traduit.

2.

Floriferis ut apes in saltibus omnia libant,

Omnia nos itidem depascimur aurea dicta.

Lucrèce semble avoir voulu lutter avec Pindare, qui dit, dans sa vie Pythique :

3.

Γλυκεῖα δὲ φρὴν

Καὶ συμπόταισιν ὁμιλεῖν

Μελισσαν ἀμείβεται τρητὸν πόνον.

Quas neque concutiunt venti, neque nubila nimbis.

Ce passage rappelle un fragment de l'Odyssée, chant vi:

4.

Ἡ μὲν ἄρ ̓ ὡς εἰποῦσ ̓ ἀπέβη γλαυκώπις Αθηνη

Οϋλυμπόνδ ̓ ὅθι φασι θεῶν ἔδος ἀσφαλὲς αἰεί......

Res animi pacem delibrat tempore in ullo.

Lucrèce se plaît à montrer le calme des divinités, l'insouciance des dieux; cette image est répétée plusieurs fois dans son poëme.

Credat Judæus Apella,

Non ego; namque Deos didici securum agere ævum :

Nec, si quid miri faciat natura, Deos id

Tristes ex alto cœli demittere tecto.

(HOR., lib. 1, sat. v, v. 100 sqq.)

5.

Nec tellus obstat, quin omnia dispiciantur.

La Grange remarque avec raison que ce vers doit se rapporter aux dieux, et non pas aux sectateurs d'Épicure.

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L'âme a été l'objet de la constante méditation des philosophes. Les anciens, qui ont beaucoup discuté sur son essence, ont cependant attaché moins d'importance que les modernes à cette opinion; ceux même qui, parmi eux, la soutenaient avec le plus de zèle, n'accordaient qu'une existence vague à l'âme séparée des sens. Platon, après différens penseurs dont il résuma les systèmes en leur prêtant les charmes d'une imagination brillante et rêveuse, ne donne point une idée exacte de l'immatérialité de ce principe de vie; il adopte à la fois plusieurs hypothèses, et semble toujours flotter dans l'incertitude; il n'est, en un mot, jamais d'accord avec lui-même. C'est une essence qui se meut, dit-il: telle est sa dernière conclusion; mais il ne définit ni la source ni la destination de cette essence. Thalès avait dit : C'est une nature de soi-même en mouvement; ce qui revient au même, et n'est pas plus concluant. Pythagore en faisait une harmonie; d'autres, adoptant en partie son opinion, ont pensé que cette harmonie n'était que le concert des organes de la vie, et qu'elle ne survivait pas plus à la destruction que le son ne survit à l'instrument brisé. Ce système, le plus simple, le plus naturel, est cependant combattu par Lucrèce. Il crut, sans doute, devoir établir l'existence matérielle de l'âme, afin de la soumettre à la mort par la décomposition de ses parties. Hippocrate prétend que l'âme est un esprit subtil répandu par tout le corps, en un mot, la faculté de sentir dans les moindres parties de la machine. Cette hypothèse ingénieuse est digne de l'observateur de la nature qui suit sa marche avec une attention assidue, et qui, aidé par l'art et l'expérience, saisit les secrets cachés aux investigateurs superficiels. Le physiologiste parle de près à la nature, il ne l'interroge pas en vain; aussi voyons-nous aujourd'hui un médecin, célèbre par ses hautes connaissances et sa philosophie, résoudre le problème de l'âme avec des moyens à peu près semblables à ceux qu'employait le Sage de Cos. Il est parvenu à présenter un système fondé sur

l'expérience des siècles, sanctionné par la science, et qui ne trouve d'adversaires que dans ceux dont l'imagination brillante embrasse avec avidité l'espérance de se survivre à soi-même, sous une forme déterminée. La dissidence sera éternelle sur ce point, auquel on a cru devoir attacher une si haute importance; car l'amour de la vérité d'un côté, et l'amour du merveilleux de l'autre, se livreront sans cesse à des luttes, où chaque parti croira toujours triompher, l'un avec ses désirs, l'autre avec sa raison.

7.

Denique avarities, et honorum cæca cupido.

On a souvent admiré, sans l'entendre, ce passage si moral et si poétique. Virgile est entré dans le sens de Lucrèce, lorsqu'il place à la porte des Enfers le Deuil, les Soucis, la Vieillesse, la Maladie, la Faim et la Pauvreté.

Vestibulum ante ipsum, primisque in faucibus Orci
Luctus et ultrices posuere cubilia Curæ,
Pallentesque habitant Morbi, tristisque Senectus,
Et Metus, et malesuada Fames, ac turpis Egestas;
Terribiles visu formæ, Lethumque, Laborque;
Tum consanguineus Lethi Sopor, et mala mentis
Gaudia, mortiferumque adverso in limine Bellum,
Ferreique Eumenidum thalami, et Discordia demens,
Vipereum crinem vittis innexa cruentis.

Devant le vestibule, aux portes des Enfers,
Habitent les Soucis et les Regrets amers,
Et des Remords rongeurs l'escorte vengeresse;
La pâle Maladie et la triste Vieillesse ;
L'Indigence en lambeaux, l'inflexible Trépas,
Et le Sommeil son frère, et le dieu des combats;

Le Travail qui gémit, la Frayeur qui frissonne,
Et la Faim qui frémit des conseils qu'elle donne;

Et l'Ivresse du crime, et les Filles d'Enfer
Reposant leur fureur sur des couches de fer;

Et la Discorde enfin, qui, soufflant la tempête,
Tresse en festons sanglans les serpens de sa tête.

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Ces heureuses répétitions de mots, que Lucrèce emploie avec tant de bonheur, ont servi de modèles aux écrivains du siècle d'Auguste.

Non radii solis neque lucida tela diei

Discutiant, sed Naturæ species ratioque.

Cette image est répétée trois fois par Lucrèce, sans changemens dans l'expression.

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Des philosophes ont regardé l'âme comme l'harmonie du jeu des organes. Cette idée est combattue par Lucrèce, qui arrive cependant au même but par une autre route.

II. Attamen insequitur languor, terræque petitus

Suavis, et in terra mentis qui gignitur æstus,

Interdumque quasi exsurgendi incerta voluntas.

Bayle a inséré dans sa République des Lettres une longue dissertation sur le sens de ces vers, regardés comme inintelligibles. Leur expression, essentiellement poétique, aura embarrassé les traducteurs. Ces vers, très-clairs d'ailleurs, prouvent le degré de perfection que Lucrèce a si souvent mis dans son style: æstus mentis, petitus terræ, exsurgendi incerta voluntas, sont des expressions hardies, pittoresques et poétiques.

12.

.Igitur parvissima corpora quanto
Et lævissima sunt, ita mobilitata feruntur:

At contra quo quæque magis cum corpore magno
Asperaque inveniuntur, eo stabilita magis sunt.

Ces quatre vers ne sont, en quelque sorte, que la récapitulation du paragraphe qui précède.

13. Nec capere irarum fluctus in pectore possunt.

Ce vers énergique a été imité par Virgile, Horace, Ovide; mais aucun de ces grands poètes n'a surpassé son modèle pour la hardiesse et la force de l'expression.

14.

Dicere porro oculos nullam rem cernere posse.

Épicharme et Aristote prétendaient que ce n'étaient pas les yeux qui voyaient les objets, mais bien l'âme elle-même: vous ópa, νοῦς ἀκούει.

15.

Nam procul hæc dubio nobis simulacra genuntur.

Ce passage est difficile à saisir, car Lucrèce n'a point encore exposé son système des simulacres; il ne le développe qu'au quatrième livre.

16. Præterea, gigni pariter cum corpore, et una
Crescere sentimus, pariterque senescere mentem.
Nam velut infirmo pueri teneroque vagantur
Corpore; sic animi sequitur sententia tenuis.
L'âme, unie à nos sens, croît, se forme avec nous;
Du destin qui nous frappe elle ressent les coups:
Dans la débile enfance, une machine frèle
Enveloppe un esprit tendre et faible comme elle.
Dès que l'une parvient à la maturité,

L'autre obtient aussitôt sa force et sa clarté ;

Quand, sous le poids des ans, le corps tremble et s'affaisse,

Son guide paresseux quelquefois le délaisse ;

Il l'égare, l'abuse, et son pâle flambeau

Se consume et s'éteint sur le bord du tombeau.

Le docteur Broussais emploie le raisonnement de Lucrèce.

17.

Serpentis caudam procero corpore, utrinque

Sit libitum in multas partes discindere ferro.

Les anciens pensaient qu'il existait une âme partout où se découvrait l'animation.

Il faut reconnaitre combien cette peinture d'un serpent déchiré a de vérité et d'énergie:

Volnere tortari, et terram conspergere tabo,

rappelle, pour les détails, la belle comparaison de Cicéron dans son poëme de Marius:

Hic Jovis altisoni subito pinnata satelles,
Arboris e trunco, serpentis saucia morsu,
Ipsa feris subigit transfigens unguibus anguem
Semianimum, et varia graviter cervice micantem.
Quem se intorquentem lanians, rostroque cruentans,
Jam satiata animum, jam ductos ulta dolores,
Abjicit efflantem, et laceratum affligit in unda,
Seque obitu a solis nitidos convertit ad ortus.

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