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parce qu'il n'est point absolument nouveau, et qu'à l'époque de sa première publication, il s'en répandit un assez grand nombre d'exemplaires dans le public, malgré les rigueurs de la censure impériale. Je me bornerai donc à dire que cette histoire du grand Condé a le premier mérite de toute histoire; elle est très-exacte : l'illustre auteur a puisé, à des sources qui ne pouvaient être ouvertes qu'à lui, ou quelques faits nouveaux, ou le redressement de quelques erreurs anciennes. Son style, pur et correct, et toujours sans recherche, sans affectation, est remarquable par une élégante simplicité; ses pensées sont pleines de sens et de justesse, ses sentimens pleins d'élévation et de noblesse. Ce n'est point un panégyrique qu'il fait, c'est une histoire impartiale; cette histoire est même souvent sévère. Le héros de la fidélité ne pouvait être indulgent pour la faute unique, mais grave, qui ternit la vie du grand Condé : il ne pallie point cette faute, il ne lui cherche point des excuses, il n'adoucit point les expressions qui la caractérisent; il appelle son aïeul un rebelle, et peint son aveuglement. Ce n'est que lorsque le héros a lui-même reconnu sa coupable erreur, et qu'elle lui a été pardonnée par Louis XIV, que l'historien pardonne aussi, se relâche du moins un peu de sa sévérité, et continue ainsi : « Telle fut la fin glo«rieuse des malheurs et de la rebellion de Monsieur « le prince. Il serait à désirer sans doute que l'histoire nous montrât toujours les grandes fautes

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punies. Cependant, il faut l'avouer, un grand << homme dont le coeur est pur, mais qui se laisse « entraîner dans l'erreur, s'en sépare, en quelque

« sorte, de la manière dont il la soutient. Des talens << ordinaires ne désarment point la sévérité du lec« teur; mais l'admiration le force à l'indulgence; « il gémit de la faute, mais il s'intéresse au coupa«ble; il désapprouve le rebelle, mais il s'attache <«<au héros; et bientôt il finit par se dire avec une « sorte de satisfaction; Le malheur des temps a «< causé son erreur, mais la force de son âme l'en a « fait sortir avec gloire. »

L'historien du grand Condé, digne lui-même d'occuper de belles et honorables pages dans l'histoire, a déjà trouvé et trouvera sans doute encore des historiens qui transmettront à la postérité les belles actions de sa vie et les nobles qualités de son caractère. M. de Sevelinges, 'qui eut l'honneur de servir sous ses ordres pendant la guerre de l'émigration, a rassemblé les principaux traits de la vie entière de son illustre chef, et en a composé un intéressant tableau qui forme une partie considérable du second volume de cet ouvrage. Le prince de Condé, avant nos cruelles discordes, avant ces derniers et malheureux événemens qui ont immortalisé sa fidélité, sa valeur, sa constance et ses talens militaires, avait mérité de la renommée et de la gloire; peut-être n'avait-il pas obtenu dans l'opinion publique toute celle qui lui était réellement due; peut-être faudraitil en accuser le génie révolutionnaire qui dominait la France même avant la révolution, et qui tendait à obscurcir les qualités des princes, à étouffer la reconnaissance des peuples. Dans une guerre malheureuse, le prince de Condé avait eu constamment des succès, et combattu avec avantage les plus célè

bres généraux de l'Europe. Dans sa vie privée, il s'était montré bon, affable, généreux, magnifique; dans sa vie publique, il fut toujours sujet respectueux et soumis, citoyen ferme et éclairé. Dans les temps difficiles où notre antique magistrature tombait sous les coups du despotisme, il tint une conduite également éloignée et de cette soumission servile qui approuve sans examen, et de cette morgue hautaine qui blâme sans modération et avec insolence. Dans des temps plus difficiles encore, il donna de bons avis, prévit de grands malheurs, et prit pour y porter remède un parti que la fortune abandonna sans doute, mais que l'honneur, auquel il fut toujours fidèle, n'abandonna jamais.

Ce n'est point ici le lieu de retracer les événemens qui marquèrent ces guerres mémorables et désastreuses; on sait que le faible corps que commandait le prince de Condé se fit remarquer par son intrépidité au milieu des innombrables armées qui se choquaient avec fureur; on sait que le chef se distinguait parmi les plus braves, et qu'on le vit, à l'âge de soixante ans, mettre pied à terre, et, à la tête de quelques gentilshommes, attaquer l'épée à la main et emporter des retranchemens formidables. C'est à la suite de cette brillante action et de plusieurs autres qui signalèrent les campagnes de 93 et 94, que le prince de Condé adressait à ses braves et fidèles soldats ces nobles et touchantes paroles: « C'est avec la plus grande satisfaction que j'exprime « aujourd'hui à l'armée tout l'intérêt, tout l'atta«chement, toute l'admiration que m'inspirent ces « sacrifices si méritoires et si soutenus, cétte pa

<< tience à toute épreuve, cette valeur tantôt ardente <«<et tantôt froide, et toujours à propos, dont j'ai «< été assez heureux pour être témoin. Avec de pareils « soldats, un général a bien peu de choses à faire; << il les suit plutôt qu'il ne les mène; il partage leurs << succès, mais il leur doit tous les siens. »

Des étrangers même payèrent à cet illustre chef et à cette brave armée un tribut d'admiration, et lui rendirent une justice que lui refusent des Français ; et c'est le cas de répéter ce qui les a déjà tant choqués, que ces étrangers se montrèrent plus Français qu'eux. Des membres de l'opposition ayant demandé au ministère anglais de quelle utilité pouvait être cette petite armée de Condé, M. Windham leur répondit : « Allez donc le demander à ces grandes <«< armées autrichiennes, que cette petite armée a << plus d'une fois sauvées d'une destruction totale. » Lorsqu'à son retour de Russie cette brave armée traversa la ville de Prague, cinquante coups de canon la saluèrent à son entrée; les factionnaires portaient les armes à ces soldats gentilshommes. Lu général autrichien ne chercha point à dissimuler son émotion, en voyant confondus dans les rangs, des chevaliers, des commandeurs de Saint-Louis et de Malte, des officiers blanchis sous les armes, portant gaiment le sac sur le dos, et sur l'épaule un fusil russe de dix-huit livres; il s'écria, en se tournant vers les officiers de la garnison, qui ne paraissaient pas moins émus que lui: «< Eh bien! messieurs, en << pareille circonstance en eussions - nous fait au<«<tant? » Des gestes d'admiration furent leur réponse. Les femmes, sensibles à la gloire, à l'honneur

et au dévouement, furent encore plus vivement touchées d'un pareil spectacle, se portèrent en foule aux fenêtres ou sur des gradins établis dans les rues; elles firent éclater par leurs acclamations tout l'enthousiasme dont elles étaient pénétrées.

Un des plus grands avantages de cette édition, et qui en fait un ouvrage nouveau, c'est la nombreuse correspondance qu'elle contient un de ses plus agréables ornemens, ce sont les fac simile nombreux qui accompagnent les lettres. Cette seule partie de l'ouvrage pourrait fournir d'intéressans matériaux pour un second article. En lisant une lettre chevaleresque du roi de Suède Gustave III, et la réponse que le prince de Condé lui adressait au moment même où expirait ce monarque, dont la loyauté et le courage auraient suffi peut-être pour arrêter la marche de la révolution et des révolutionnaires, et dont l'assassinat fut leur triomphe, s'il ne fut leur ouvrage, on est tenté de demander à ceux qui sont si fiers des succès de cette révolution, si ces succès ne sont pas plutôt dus au crime, à la fatalité, ou plutôt aux profonds desseins de la Providence, qu'à l'habileté et au génie des hommes qui y ont joué les principaux rôles. Obligé de passer sous silence, même sans les indiquer, une foule de choses curieuses et intéressantes que j'avais recueillies dans cette correspondance, je terminerai ce long article par le fragment d'une lettre qu'une main auguste adressait au prince de Condé, et dans laquelle la noblesse du style répond à la noblesse de la pensée. Le roi, prêt à partir pour l'asile que Paul Ier lui avait offert dans ses États, annonce son prochain départ; mais tout

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