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« dans leur palais. Je lui répondis qu'ils en avaient «<eu autrefois; mais qu'ils n'en avaient plus aujour« d'hui d'attitrés, et qu'à cet égard ils s'abandon<< naient avec confiance aux hasards de la société. » On reconnaît M. de Choiseul à ce trait spirituel; mais on le reconnaîtra aussi, je pense, à la réplique non moins spirituelle qu'il se fait faire par l'aga. « C'est un « ancien usage, parmi nous, lui fait-il dire, et qui « n'a aucun inconvénient. Ce ne sont pas les fous « qui sont dangereux dans les cours, ce sont les « sots. Je paie des fous pour m'amuser, et des sa«ges pour s'occuper de mes affaires. Si le sultan «en eût fait de même, les efforts de ses armes mieux <«< dirigés n'auraient pas échoué contre les Russes. >> J'ai peine à croire que Hassan-Tchaousch-Oglou parlât si bien; maïs quand on rapporte un dialogue, et qu'on a beaucoup d'esprit, on ne fait pas mal d'en prêter un peu à ses interlocuteurs.

A une conversation piquante et spirituelle, succède un tableau gracieux et fleuri; telle est celle description d'une récolte de roses dans les environs d'Andrinople: « Déjà les beaux jours du printemps « ont mûri les récoltes embaumées; il est temps. « d'enlever les fleurs épanouies et de faire place aux « nouvelles générations de roses qui se succèdent « tout l'été. De jeunes filles, se tenant par la main, << arrivent en dansant; elles répètent des chants, « dont quelques-uns ont été conservés à travers les

siècles, dont les autres célèbrent des amours plus << récens, mais qui tous rappellent, par des accens «harmonieux, la langue d'Homère et d'Anacréon. « Les grâces décentes de ces moissonneuses, leurs

<< vêtemens, les longues tresses de leurs chevelures, « et les voiles qu'elles se plaisent à livrer au vent qui <«<les soutient envoûte sur leurs têtes, tout retrace « les scènes décrites par Théocrite et Virgile; il n'est a pas une de ces beautés dont vous ne croyiez avoir « déjà vu l'image sur quelques bas reliefs ou sur << une pierre antique: un vieux berger, semblable « à Silène, prend sa musette; il s'anime lui-même <«< des sons sortis de l'outre qu'il enfle et presse tour ". à tour; il croit aussi danser, et ses pieds appe<< santis par l'âge répètent sur une même place tous << les mouvemens de la jeunesse folâtre qui bondit <«< sur la prairie. Le vieillard sourit à leurs sauts lé«gers; ces belles filles applaudissent à ses efforts, « à sa gaîté, et ne rient qu'en cachette de sa barbe << touffue, de ses joues enluminées. Mais le moment «< du travail est arrivé; le signal se donne : elles en<< trent dans ces vastes champs de fleurs ; leurs cor«<beilles sont bientôt remplies; des chariots reçoi<< vent ces récoltes odorantes, et de lourds buffles, « au pas lent, à l'épaisse encolure, traînent avec « gravité des gerbes de roses. >>

Tel est ce peuple qui chante, rit et danse sous șes fers. M. de Choiseul gémit de ce douloureux contraste, et de cette sorte d'avilissement; et ces généreux sentimens s'expriment tantôt dans un langage éloquent, tantôt dans de vives allégories et d'énergi-. ques peintures; il représente dans une de ses belles gravures, la Grèce sous la figure d'une belle femme enchaînée par les mains, par les pieds, par le cou, entourée des ombres des anciens héros qui pleurent et qui gémissent, et il s'écrie : Exoriare aliquis !...

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Ces nobles sentimens et ces voeux généreux n'étaient point une recommandation auprès de la Sublime Porte, où, peu de temps après la publication de son ouvrage, M. de Choiseul fut envoyé, en qualité d'ambassadeur, pour représenter le roi de France, et maintenir les intérêts de la France. On pouvait espérer, il est vrai, que la Sublime Porte, qui ne lit guère, ne lirait point, et ne connaîtrait jamais ce beau plaidoyer en faveur de l'affranchissement des Grecs, et contre leurs barbares oppresseurs. Mais cette espérance fut trompée. Les autres ambassadeurs ou agens diplomatiques ne laissèrent point la cour ottomane dans une ignorance sur laquelle il était si naturel de compter. Ils lui révélèrent ce que vraisemblablement elle n'aurait jamais connu, sans les rivalités et les jalousies qui naissent des intérêts divers et opposés. C'est en effet un des secrets de la diplomatie de nuire aux autres, et chacun de ses agens pourrait prendre pour devise ce vers si peu charitable de La Fontaine :

Mon bien premièrement, et puis le mal d'autrui.

M. de Choiseul se tira avec beaucoup d'esprit et d'adresse de ces difficultés et de ces embarras. Bientôt la révolution vint lui en susciter de plus inextricables. Il n'eut pas, du moins, celui du choix dans le parti qu'il devait prendre. Il resta fidèle à son roi ; il refusa un serment contraire à celui qu'il avait déjà prêté, plus contraire encore à tous ses nobles sentimens. Nommé à l'ambassade d'Angleterre par un gouvernement qu'il ne reconnaissait point, il resta à Constantinople, continua long-temps ses relations diploma

tiques au nom du roi de France, et adressa ses dépêches aux princes français sortis de France, les seuls représentans de la souveraineté et de la royauté captives. Mais il fallut enfin, sinon céder et fléchir, du moins s'échapper et fuir devant un pouvoir qui domina l'Europe, et chercher un asile pour se mettre à l'abri de ses fureurs. Ainsi furent long-temps suspendus les travaux et les études qui lui étaient si chers, et par le puissant attrait qui l'avait d'abord.entraîné à les entreprendre, et par la gloire qu'ils lui avaient déjà procurée, et par celle qu'il devait s'en promettre encore.

Les Indous, ou Description de leurs mœurs, costumes et cérémonies, par M. Solvyns:

ARTICLE PREMIER.

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Il est des peuples qui sans fournir à l'histoire des faits positifs très-importans, et sans rappeler de grands souvenirs, ont cependant quelque chose de si particulier dans leur physionomie, leurs opinions et leurs mœurs, de si poétique dans leur climat et dans le vague même et l'incertitude de leurs annales, que leur nom seul frappe l'imagination, excite la curiosité et l'intérêt: tels sont ces peuples voisins de l'aurore, comme les appelle Hérodote, habitant les belles et fertiles contrées qu'arrosent le Gange et l'Indus. On les voit dans tous les temps, et dès les âges les plus reculés, exercer un grand empire sur l'opinion des nations les plus civilisées. Les sages de l'Inde furent regardés comme les plus sages des hommes; et rien n'égala dans l'antiquité la réputation des gymnosophistes et des brachmanes.

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Les Grecs, si fiers de leur propre mérite, tempteurs des autres nations, exceptèrent toujours les habitans de l'Inde de ce mépris général qu'ils accordaient si libéralement à tous les autres peuples. Leurs plus célèbres philosophes allaient s'instruire à l'école des philosophes indiens; et c'était déjà une sorte de mérite qui ne contribuait pas peu à la réputation d'un sage de la Grèce, que d'avoir abordé dans ces climats éloignés, regardés comme le sol natal de la sagesse et de la philosophie. Les Romains, non moins fiers et non moins dédaigneux que les Grecs, mettant d'ailleurs la gloire des armes au-dessus de tout, et confondant dans le même mépris à peu près tous les peuples vaincus, partagèrent néanmoins l'opinion avantageuse, des Grecs sur les Indiens, toujours vaincus par tous ceux qui les attaquèrent. Cette haute estime, cette vénération singulière est d'autant plus étonnante, qu'on ne sait trop sur quoi elle était fondée. C'était, comme tant d'autres opinions, une superstition née de l'éloignement des objets et de l'ignorance où l'on était à leur égard. Quel est en effet le grand homme sorti de ces belles contrées ? De quelles découvertes utiles à l'humanité leur sommes-nous redevables? On ne citerait pas même une seule maxime sage, une règle sûre de conduite dont on pût faire honneur à leurs gymnosophistes si vantés ; et combien d'extravagances ou puériles ou barbares on pourrait leur reprocher!

Mais si cette haute renommée de philosophie et de sagesse que les habitans de l'Inde avaient usurpée chez les anciens, s'est évanouie chez les modernes, dont l'imagination moins vive se laisse moins séduire par

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