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ris, une réconciliation dans laquelle sont compris leurs confédérés (mit allen dien erbern lüten die darzu hoerent) 65. Cet engagement, auquel prennent part, entre autres signataires, Werner d'Attinghausen et Walter Fürst, trouve son parallèle, à Schwyz, dans l'alliance que les Schwyzois se préparent à contracter avec le bailliage d'Arth, pour le détacher de la suzeraineté autrichienne et s'en faire un rempart qui protége à l'ouest l'entrée de leur territoire 66. Les gens d'Unterwalden s'entendent, de leur côté, avec ceux d'Interlaken, pour une trêve, qui leur laisse toutefois la liberté de repousser, le cas échéant, du côté du Brünig, les agressions du comte de Strassberg 67.

Toutes ces mesures défensives n'étaient pas superflues, car si l'orage, en vue duquel elles étaient prises, n'avait pas encore éclaté, on l'entendait déjà gronder dans le lointain. L'automne de 1315 ne devait pas finir, avant qu'il eût fondu sur les Waldstätten. C'était le duc Léopold d'Autriche qui avait pris sur lui la tâche d'exécuter le décret par lequel son frère, le roi Frédéric, avait placé les trois vallées sous la dépendance de sa maison. Profitant d'une sorte de suspension d'armes entre les deux prétendants au trône et de l'impossibilité où était Louis de Bavière d'intervenir dans la haute Allemagne, Léopold se décida à s'y rendre lui-même vers la fin du mois d'octobre, et à trancher, par la force des armes, une question que, malgré ses instances auprès d'Henri VII et de Jean de Bohême, il n'avait pu réussir à faire résoudre selon les formes du droit.

Nous n'avons pas à discuter ici le fonds d'un procès où chacune des parties pouvait, sans se tromper, croire avoir pour elle la raison et la justice. La querelle entre la maison d'Autriche et les Waldstätten n'était qu'un des épiso

des de cette longue période de transformation politique qui remplit les derniers siècles du moyen âge, et où l'on voit aux prises, avec des succès divers, la liberté républicaine et l'autorité princière. Les principes du droit public étaient alors trop incertains, les règles de la jurisprudence politique trop arbitraires, la compétence de l'autorité suprême trop mal établie, pour que, dans cette grande crise historique, on doive se préoccuper beaucoup de l'observation plus ou moins correcte d'une législation perpétuellement contestée. Chacun obéissait aux instincts et aux instigations de son ambition particulière, profitant à qui mieux mieux du désarroi des institutions pour se faire la place qui convenait à ses intérêts et à ses goûts. Les princes devenus souverains voulaient étendre leur puissance; les peuples devenus libres voulaient conserver leur liberté. Qui peut dire qu'ils n'eussent pas les uns et les autres également raison? L'histoire enregistre, plus qu'elle ne prétend juger, ces tendances contraires. Mais il n'est pas interdit à l'historien d'avoir ses préférences, quand il raconte une lutte entre un pouvoir qui veut rester ou devenir le maître, et un peuple qui pense qu'en fait de maître il ne doit pas en avoir d'autre que lui-même. Réjouissons-nous donc du fond du cœur de ce que, dans le conflit qui s'éleva il y a plus de cinq siècles au berceau de la Suisse, ce ne soit pas le peuple qui ait succombé!

L'objet du débat n'était d'ailleurs pas si clair, que les contemporains eux-mêmes ne le considérassent déjà de points de vue différents. Aux yeux des uns, la résistance des confédérés était juste: « C'était, disaient-ils, une race de montagnards qui, sous la simple mouvance de l'Empire, vivaient libres du joug d'aucun maître, et qui, sans rien

savoir du métier de la guerre, s'occupaient du soin des troupeaux et du travail des champs. Léopold, frère du roi Frédéric, désirant augmenter la puissance de sa maison, voulut les soumettre par la force à sa domination. La défense de leur liberté leur mit les armes à la main 6. » Aux yeux des autres, la résistance des confédérés constituait une rébellion : « On avait affaire à des rustres qui, se croyant en sûreté derrière leurs montagnes, s'étaient soustraits à l'obéissance et aux obligations auxquelles ils étaient tenus envers le duc Léopold et qui prenaient les armes pour lui résister 69. » Si les contemporains que nous venons de citer ne s'entendaient pas sur le fond de la question, ils en présentaient du moins très-exactement les deux aspects contraires, et ils s'accordent à montrer comment l'emploi de la force était le seul moyen qui restât de résoudre les prétentions de l'un et de l'autre parti.

Bien que les Waldstätten fussent moins ignorants du métier des armes que ne le suppose celui de ces deux témoignages qui leur est favorable, ils n'en devaient pas moins entrevoir avec inquiétude une lutte où toutes les mauvaises chances semblaient être de leur côté. Comment auraient-ils pu envisager, sans une perplexité mêlée d'effroi, d'une part, les faibles ressources dont ils pouvaient disposer, de l'autre, les redoutables moyens d'attaque que leur ennemi avait dans sa main. Aussi, bien loin de prendre eux-mêmes le rôle d'agresseurs, se renfermèrent-ils strictement dans la défensive et cherchèrent-ils même à obtenir, par des concessions, que le coup dont ils étaient menacés fut détourné loin d'eux. Ils avaient toujours su mesurer leur audace à leur force, et ils préféraient sacrifier quelque chose plutôt que de risquer de tout perdre. Mais les intentions de leur

adversaire devaient être précisément l'opposé des leurs. Le duc Léopold ne pouvait douter de sa prépondérance, ni par conséquent de son succès, et il devait préférer l'absolue soumission, qu'il se croyait sûr d'obtenir, à une transaction qui aurait encore laissé aux Waldstätten une partie de leur indépendance.

« Les montagnards, » dit à ce sujet un annaliste contemporain, grand partisan de l'Autriche, « les montagnards «< eurent recours, pour que la paix ne fût pas troublée, à la médiation du comte de Toggenbourg, qui fit, en effet, tous ses efforts pour amener entre les deux parties une complète réconciliation. Mais, après avoir mis tous ses soins à tenir équitablement compte des intérêts de chacune d'elles, il échoua auprès du duc Léopold, qui, trop indigné contre les gens de Schwyz (Swicenses) et trop enflammé de colère, refusa d'accepter leurs humbles propositions (pacta humilia ipsorum), telles que les lui transmit le comte de Toggenbourg, et ne voulut se contenter de rien moins que de leur écrasement et de leur totale ruine 7. » Léopold, qui avait tous les sentiments des princes de sa race, était résolu à en finir avec d'insolents paysans dont la résistance blessait son amour-propre non moins que ses intérêts. Il lui importait de faire sur eux un exemple qui prévînt toutes les velléités d'affranchissement qu'aurait pu éveiller, dans d'autres lieux de la haute Allemagne appartenant à la maison d'Autriche, la résistance prolongée, et plus encore l'émancipation impunie, des Waldstätten. Les préparatifs qu'il fit dans ce but étaient de nature à lui inspirer toute confiance dans la réussite de son entreprise. « Il réunit, dit un chroniqueur du temps, une forte et brillante armée, composée de soldats et dé

nobles, se croyant assuré de subjuguer par ce moyen les montagnards et de les assujettir à sa domination et à celle du roi son frère 71. >>

Arrivé dans les derniers jours d'octobre 1315 à Baden en Argovie, le duc Léopold s'était immédiatement adressé à tous les nobles et aux bourgeois de toutes les villes qui relevaient de lui dans la haute Allemagne, et dont les territoires formaient autour des trois vallées comme une enceinte continue hermétiquement close. Il leur avait enjoint de lui fournir sans délai le contingent militaire auquel ils étaient tenus comme ses vassaux, ses alliés ou ses sujets. Zurich, Winterthur, Zug, Lucerne, Sempach et les villes de l'Argovie s'empressèrent de réunir et d'envoyer leurs levées de fantassins. Les membres de la hauté et de la petite noblesse ne mirent pas moins de zèle à s'enrôler sous la bannière du duc: on voyait dans leurs rangs des comtes de Habsbourg, de Kibourg, de Toggenbourg, des Bonstetten, des Hallwyll, des Landenberg, et un grand nombre de simples chevaliers vivant dans les villes ou dans leurs châteaux 72.

73

Le duc d'Autriche ne dissimula it point le but en vue duquel il rassemblait cette armée, et l'on peut encore lire dans l'accord fait à cette occasion, le 3 novembre, entre lui et le comte de Kibourg, que c'était d'une attaque «< contre Switz et tous les Waltstetten » qu'il s'agissait ". La ville de Zug fut désignée comme le lieu du rendez-vous des troupes, et le 14 novembre comme le jour où il fallait qu'elles s'y trouvassent réunies. De là devait partir le principal mouvement d'agression, ayant pour objectif le territoire de Schwyz. Un autre mouvement simultané, partant de l'Oberland et dirigé par le comte de Strassberg, devait avoir lieu contre

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