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LE

129842

BARBIER DE Séville,

OU

SÉVILLE,

LA PRÉCAUTION INUTILE,

COMÉDIE EN QUATRE ACTES ET EN PROSE,

PAR

BEAUMARCHAIS;

Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de la Comédie Française, aux Tuileries, par les comédiens ordinaires du Roi, le 23 février 1775.

DISTRIBUTION DE LA PIÈCE:

Le Comte ALMAVIVA, grand d'Espagne, amant inconnu de Rosine.
BARTHOLO, médecin, tuteur de Rosine.

FIGARO, barbier de Séville.

DON BAZILE, organiste, maître à chanter de Rosine.

LA JEUNESSE, vieux domestique de Bartholo.

L'ÉVEILLÉ, autre valet de Bartholo, garçon niais et endormi.

UN NOTAIRE.

UN ALCADE, homme de justice.

ROSINE, jeune personne d'extraction noble, et pupille de Bartholo.

ALGUAZILS.

VALETS avec des flambeaux.

La scène se passe à Séville, dans la rue et sous les fenêtres de Rosine, au premier acte: et le reste de la pièce dans la

maison du docteur Bartholo.

ACTE PREMIER.

Le théâtre représente une rue de Séville, où toutes les croisées sont grillées. On voit à gauche la maison de Bartholo.

SCÈNE I. (Il fait petit jour.)

1

LE COMTE*, en grand manteau brun et chapeau rabattu. Il tire sa montre, en se promenant.

Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle a coutume de se montrer

* On a observé, dans l'impression, l'ordre des places des personnages, en commençant par la gauche des spectateurs (ce qui est la droite des acteurs). Les changements de places qui ont lieu dans le cours des scènes, sont indiqués par des renvois au bas des pages.

Les noms des personnages imprimés en caractères italiques indiquent qu'ils ne sont pas placés sur le devant de la scène.

de

derrière sa jalousie est encore éloignée. N’importe; il vaux mieux arriver trop tôt que manquer l'instant de la voir. Si quelque aimable de la cour pouvait me deviner à cent lieues de Madrid, arrêté tous les matins sous les fenêtres d'une femme à qui je n'ai jamais parlé, il me prendrait pour un Espagnol du temps d'Isabelle. Pourquoi non? Chacun court après le bonheur. Il est pour moi dans le cœur de Rosine. Mais quoi! suivre une femm à Séville, quand Madrid et la cour offren: de toutes parts des plaisirs si faciles? — Et c'est cela même que je fuis; je suis las des conquêtes. que l'intérêt, la convenance ou la vanité nous présentent sans cesse. Il est si doux d'être aimé

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LE COMTE.

Pourquoi donc l'as-tu quitté ?

FIGARO.

Quitté ! C'est bien lui-même : on m'a desservi auprès des puissances.

L'envie aux doigts crochus, au teint pâle et livide...

LE COMTE.

Oh grace! grace, ami! Est-ce que tu fais aussi des vers? Je t'ai vu là griffonnant sur ton genou, et chantant dès le matin.

FIGARO.

Voilà précisément la cause de mon malheur, excellence. Quand on a rapporté au ministre que je faisais, je puis dire, assez joliment, des bouquets à Cloris, que j'envoyais des énigmes aux journaux, qu'il courait des madrigaux de ma façon ; en un mot, quand il a su que j'étais imprimé tout vif, il a pris la chose au tragique, et m'a fait òter mon emploi, sous prétexte que l'amour des lettres est incompatible avec l'esprit des affaires.

LE COMTE.

Puissamment raisonné! et tu ne lui fis pas représenter...

FIGARO.

Je me crus trop heureux d'en être oublié; persuadé qu'un grand nous fait assez de bien, quand il ne nous fait pas de mal.

LE COMTE.

Tu ne dis pas tout. Je me souviens qu'à mon service tu étais un assez mauvais sujet.

FIGARO.

Eh, mon Dieu! monseigneur, c'est qu'on veut que le pauvre soit sans défaut.

LE COMTE.

Paresseux, dérangé...

FIGARO.

Aux vertus qu'on exige dans un domestique, votre excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'êtres valets?

LE COMTE, riant.

Pas mal. Et tu t'es retiré en cette ville? FIGARO.

Non, pas tout de suite.

LE COMTE, l'arrêtant.

Un moment... J'ai cru que c'était elle... Dis toujours, je t'entends de reste.

FIGARO.

De retour à Madrid, je voulus essayer de nouveau mes talents littéraires; et le théâtre me parut un champ d'honneur...

LE COMTE.

Ah! miséricorde!

(Pendant que Figaro parle, le comte regarde avec attention du côté de la jalousie. )

FIGARO.

En vérité, je ne sais comment je n'eus pas le plus grand succès; car j'avais rempli le parterre des plus excellents travailleurs; des nains... comme des battoirs; j'avais interdit les gants, les cannes, tout ce qui ne produit que des applaudissements sourds; et d'honneur,

avant la pièce, le café m'avait paru dans les meilleures dispositions pour moi. Mais les efforts de la cabale...

LE COMTE.

Ah! la cabale! monsieur l'auteur tombé!

FIGARO.

Tout comme un autre: pourquoi pas? Ils m'ont sifflé; mais si jamais je puis les rassem bler...

LE COMTE.

L'ennui te vengera bien d'eux?

FIGARO.

Ah! comme je leur en garde! morbleu !

LE COMTE.

Tu jures! Sais-tu qu'on n'a que vingt-quatre heures au palais pour maudire ses juges?

FIGARO.

On a vingt-quatre ans au théâtre; la vie est trop courte pour user un pareil ressentiment.

LE COMTE.

Ta joyeuse colère me réjouit. Mais tu ne me dis pas ce qui t'a fait quitter Madrid.

FIGARO.

peu

C'est mon bon ange, excellence, puisque je suis assez heureux pour retrouver mon ancien maître. Voyant à Madrid que la république des lettres était celle des loups, toujours armés les uns contre les autres, et que livrés au mépris où ce risible acharnement les conduit, tous les insectes, les moustiques, les cousins, les critiques, les maringouins, les envieux, les feuillistes, les libraires, les censeurs, et tout ce qui s'attache à la peau des malheureux gens de lettres, achevait de déchiqueter et sucer le de substance qui leur restait; fatigué d'écrire, ennuyé de moi, dégoûté des autres, abîmé de dettes et léger d'argent; à la fin convaincu que l'utile revenu du rasoir est préférable aux vains honneurs de la plume, j'ai quitté Madrid; et, mon bagage en sautoir, parcourant philosophiquement les deux Castilles, la Manche, l'Estramadure, la Sierra - Morena, l'Andalousie; accueilli dans une ville, emprisonné dans l'autre, et par-tout supérieur aux événements; loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là ; aidant au bon temps, supportant le mauvais; me moquant des sots, bravant les méchants; riant de ma misère et faisant la barbe à tout le monde ; vous me voyez enfin établi dans Séville, et prêt à servir de nouveau votre excellence en tout ce qu'il lui plaira m'ordonner.

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