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Temple en ruine, hélas ! — Voici venir cette ombre
Qui couvre l'univers, quand le soleil s'enfuit;
Quand la terre et les cieux attendent la nuit sombre.
(Image de la mort, cette éternelle nuit)!
Sur ce foyer éteint, les cendres de ma vie,
Je rêve tristement. J'aimai, je fus aimé ;
Quelques instans encor, ma carrière est remplie ;
Ce feu qui m'a nourri m'aura donc consumé (1)!
Tes yeux voient pâlir le flambeau de ma vie,

Et tu m'aimes toujours, mon ange! ah sois bénie (2).

(1) Ce vers, dont la pensée profonde renferme toute la sensibilité pensive du poète,

Le feu qui m'a nourri, m'aura donc consumé,

est traduit mot pour mot de l'original :

(2)

Consumed with that which it was nourish'd by.

LIFE'S DECAY.

<<That time of year thou may'st in me behold
When yellow leaves, or none, of few do hang
Upon those boughs which shake against the cold,
Bare ruin'd choirs, where late the sweet birds sang.
In me thou seest the twilight of such day,
As after sun-set fadeth in the west,

Which by and by black night doth take away,
Death's second self, that seals up all in rest.
In me thou seest the glowing of such fire,
'That on the ashes of his youth doth lie,
As the death-bed wheron is must expire,
Consum'd with that which it was nourish'd by.

This thou perceiv'st, which makes thee love more strong,
To love that well which thou must leave ere long. »

Que de tendresse, et quelle profondeur dans cette ame de

«Ses maîtresses le trompaient, ses sonnets en font foi; c'est un malheur qui arrive aux hommes de talent. Plus d'un récit comique courut par la ville et nous apprit les douleurs de Shakspeare, les tours qu'on lui jouait et les vengeances qu'il savait en tirer (1). La jeune aubergiste du grand hôtel d'Oxford passa long-temps pour avoir accepté son hommage (2), et l'on regarde généralement William Davenant(3) comme son fils. Barbadge et Shakspeare étaient souvent rivaux dans ces aventures galantes, qui s'associaient si bizarrement avec les penchans mélancoliques de notre

auteur.

» Un jour que je me trouvais sur la scène du Globe, après la représentation de Richard III, un émissaire, l'un de ces escrocs qui abondent parmi nous et se chargent de toute espèce de message, s'approcha de Burbadge, qui venait de remplir le rôle principal de la tragédie. Je vis Shakspeare, qui avait aussi paru dans la pièce, se glisser derrière la tapisserie de la traverse (4), de manière à pouvoir écouter la conversation de Burbadge et de l'émissaire. Il s'agissait d'un

Shakspeare! Le méme homme a écrit Macbeth, Coriolan, et le Rêve de la mi-août; le méme homme a fait parler Richard III, couvert du sang de tous ses proches, Puck le sylphe, et Falstaff le Figaro du moyen âge! Devant une compréhension si vaste, une sensibilité si vive et une froideur de sagacité si puissante, on ne sait quel génie humain ne s'effacerait pas; ni quelles fautes d'exécution ou de costumes, imputables à ses œuvres, affaibliraient l'admiration qu'elles inspirent, l'enthousiasme dont elles pénètrent la raison la plus consciencieuse et la plus sévère.

(1) MSS. d'Aubrey. (2) Skottowes.

(3) Athenæ Oxonienses. (4) V. premier article.

rendez-vous d'amour. Une jeune femme de la Cité, dont le mari était absent, s'était éprise d'une passion violente pour l'acteur favori du peuple anglais. Si Burbadge consentait à se rendre le soir même, à neuf heures, au logement de la dame, il trouverait un accès facile en prononçant RICHARD III. Shakspeare ne perdit pas une parole de ce curieux entretien. Peu de minutes avant neuf heures, il se rendit au logis de la citoyenne (1); frappa et prononça à demi-voix le mot d'ordre. La porte s'ouvrit, l'obscurité dont la pudeur mourante s'était environnée favorisa la conquête ou plutôt le vol dú camarade de Burbadge; déjà le crime était consommé, connu et pardonné, quand le véritable Richard III souleva le heurtoir de la porte.

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-

Richard III!

La place est occupée.

- Richard III, vous dis-je, répétait Burbadge.

-Et moi, s'écria Shakspeare en ouvrant la porte, je suis Guillaume le Conquérant (2) ! »

(1) Femme du Citizen, habitante de la Cité.

(2)Journal manuscrit d'un avocat de Londres, conservé dans les MSS. harléiens: cette anecdote curieuse s'y trouve sous la date du 23 mars 1601. L'écrivain, qui recueillait comme Bachaumont et Guy-Patin tous les bruits de la ville, donne son autorité; c'est l'acteur Tooley, un des camarades de Shakspeare.

PH. CHASLES.

UNE

Visite au dey d'Alger.

Je désirais beaucoup de voir Hussein-Pacha; et je dois dire que dans ce désir il n'entrait rien d'une certaine espèce de curiosité offensante pour la personne qui en est l'objet, et dont le dey d'Alger n'a déjà été que trop victime depuis qu'il est à Paris.

Je ne voulais pas me donner le spectacle d'un souverain tombé du trône, et aller auprès de lui pour jouir en moimême d'une haute disgrâce qui, au dire de quelques philosophes (et je crois bien deviner leurs raisons), nous venge des longues et injustes préférences de la fortune : ce plaisir barbare ne m'a jamais affriolé. J'ai vu un pape, un empereur, dix ou douze rois, grands ou petits, et je ne sais combien de princes déchus; jamais je n'ai pu trouver un sourire dans mon cœur pour faire insulte à leur misère, au profit d'un sentiment méprisable, ma vanité d'homme du peuple. Vous êtes-vous arrêté quelquefois, au Jardin des Plantes, devant les cages où pleurent les lions?...

Bien des contes bizarres courent sur l'ancien dey d'Alger. Avant l'expédition d'Afrique, à la côte de Sidi-Ferruch, depuis la prise de la Cassauba, et surtout pendant la semaine qui vient de finir, mille traditions absurdes m'avaient été rapportées qui tendaient à faire de Hussein un sot barbare, un bourreau inepte. Je n'arrangeais pas du tout dans ma tête cette idée de stupidité avec celle d'un pouvoir conquis dans des circonstances difficiles; il y avait là une énigme que je voulais comprendre. Il fallait pour cela visiter le pacha, causer longuement avec lui; c'est ce qu'il m'a été permis de

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faire, par l'obligeante intervention de M. Ernest André, jeune négociant appartenant à la respectable maison André et Cottier.

M. André, à qui Hussein a été recommandé, et que le dey a pris en grande amitié, a bien voulu se charger d'être mon introducteur; il m'a fait l'honneur de me présenter au pacha, mercredi dernier, à une heure après midi. Cette entrevue je veux vous la raconter.

faire un

De ceci, je pourrais peut-être, comme un autre, petit roman à peu près poétique, où l'imagination de l'écrivain se donnerait carrière pour inventer des détails et les revêtir d'un faux vernis oriental, propre à séduire ceux qu'a trompés si aisément le brillant mensonge d'un moyen âge récemment inventé; n'ayez pas peur, je m'en garderai bien. Je dirai, aussi simplement que je pourrai, ce que j'ai vu et entendu pendant les cinq quarts d'heure qu'a duré l'audience; et tant pis pour moi, vraiment, si cette narration véridique n'a pas l'intérêt et le charme de la plus jolie composition romanesque.

On assurait dans tous les salons que le pacha d'Alger était arrivé à Paris accompagné de ses femmes et d'un nombreux domestique; ses femmes sont restées à Livourne, et, pour toute maison, il a deux Turcs et trois Européens. Un palais n'eût pas été trop grand pour loger le dey qu'on disait, avec un harem et une cour; il habite un appartement au premier étage, dans un modeste hôtel, rue de..... Je me suis arrêté à temps, Je n'écrirai pas ici l'adresse du dey d'Alger; assez d'importuns l'ont découverte, et je serai heureux si mon silence luí épargne l'ennui d'une seule de ces nombreuses lettres qu'il reçoit, plus étranges, plus incompréhensibles pour lui les unes que les autres.

L'indiscrétion à laquelle il est en butte, à toutes les heures du jour, le préoccupait quand nous sommes arrivés chez lui; cependant il ne paraissait pas de mauvaise humeur. Il nous reçut avec une politesse cordiale. Il était venu à notre rencontre jusqu'à sa salle à manger. C'est là qu'il nous fit

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