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Vous respirerez un moment et vous recommencerez votre question : « Qu'est-ce que cela peut être? »

C'est un beau rêve à propos de l'histoire, c'est de la poésie, de la musique, du drame. Cette histoire problématique, et presque contemporaine, s'est offerte à une jeune imagination, sombre, étincelante, avec tout son prestige, tout son chaos, toute sa terreur, tous ses doutes. Dans cet ardent et étrange cerveau, l'histoire s'est refaite. Voilà le livre.

Le critique reparaîtra en fronçant le sourcil. «< Est-ce licite? doit-on recomposer les faits ou les supposer, sans grandes preuves? Peut-on créer de nouveau ce qui a été? Peut-on déranger l'histoire réelle? »

Hélas! il n'y a pas d'histoire réelle.

A ce sujet, critique, nous disserterons un peu, si vous voulez.

Que me parlez-vous de la réalité de l'histoire? Pour moi, je n'y comprends rien ; l'histoire est triste, elle est gaie, elle est éclatante, elle est mélancolique, analytique, colorée, vivante, morte; elle comprend tout; c'est une affaire de géologie et de métaphysique, de mécanisme social et de philosophie spiritualiste, de coloris et de raison. L'histoire, c'est le roman, c'est le tableau, c'est la médecine, c'est la politique; de quelque côté que vous la retourniez, une face nouvelle se présente à vous, et jamais elle n'est complète.

Citez-moi une histoire complète, citez-moi une histoire vraie, une histoire où tout se trouve, où un peuple, un sol, une littérature, soient envisagés, approfondis sous tous les rapports, dans toutes les directions, dans toutes les dimensions, dans toutes leurs relations avec l'avenir et le passé! Ici des batailles, là des scènes de sénat et de places publiques, là des intrigues de cour; plus loin des observations du cœur humain, des expériences tristes sur l'humanité; ailleurs, mais rarement, la concaténation secrète des événemens.

Dans quel livre tous ces élémens sont-ils rassemblés? Estce dans Tacite, sublime romancier, qui ne vous donne ni

l'état littéraire ni le tableau social de son temps? dans Voltaire, qui fait de son œuvre une brillante et rapide narration poétique? dans Hume, qui sacrifie les faits à ses opinions? dans Lingard, qui voit Rome et la papauté dans toutes ses pages? Non-seulement toute la chronique est partiale et partielle, mais elle est inévitablement fausse; elle se joue des événemens, elle les teint, elle les déteint, elle n'en aperçoit que la moitié. Lisez les mémoires des royalistes qui ont vu la révolution, et ceux des républicains qui l'ont faite, et d'après ces discordans matériaux, vous saurez ce que c'est que l'histoire, vous l'apprécierez ce qu'elle vaut.

Place donc au conteur, au rêveur, au poète, qui, du sein de ces nuages amassés par l'histoire, fait sortir de brillantes apparitions! Sont-elles vraies? Voyons, critique, approchez un peu, prenez vos lunettes, observez de près, étendez la main pour les mieux connaître. Hélas! ces fantômes du passé s'évanouissent sous votre examen, périssent dans votre loupe, disparaissent sous votre scalpel. Vous ne pouvez réaliser votre enquête sur des tombeaux.

Si les cendres de Mirabeau se refusent à nous rendre le Mirabeau véritable; si l'histoire du passé reste à jamais un océan de paradoxes, laissons ses coudées franches à la folle du logis. Que l'imagination bondisse à travers l'espace libre et nous refasse un Mirabeau selon notre guise, un Barnave à notre plaisir. Le voici, Barnave. A-t-il aimé la reine, a-t-il osé élever ses yeux vers cette double puissance, cette beauté-maîtresse, comme disait Montaigne, qui n'eût pas donné son diadème de femme pour garder son diadème de reine; cette dernière idole de la chevalerie française; cette femme hautaine, familière, douce, étourdie, charitable, spirituelle, grande en face de la mort; hélas! et trop faible, trop facile, trop obéissante devant ces amitiés royales qui ont perdu tant de trônes?

Nous n'en savons rien, c'est le romancier qui le sait; il n'en doute pas. Barnave est amoureux; laissez-le conter. S'il yous amuse, vous charme, vous enivre, que vous importe?

Si le duo est bâti sur une donnée d'histoire, je ne pourrais le dire; mais Mme Pasta et Rubini le chantent; écoutez, fermez les yeux, tapissez-vous au fond de cette loge, laissez venir à vous le prestige et l'enivrement, réveillez-vous avec ces élans de passion et d'énergie qui font tressaillir le cœur, livrez-vous à la langueur mélodieuse de ces longues cadences qui vous bercent. Si vous demandez autre chose à l'art, vous n'êtes pas artiste; faites des tables de matière.

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Tel est le livre de M. Janin; une longue, une puissante, une ravissante ivresse de la pensée.

Du sein de cette extase de grands portraits surgissent; de hautes leçons émanent; c'est l'ivresse du philosophe et du poète. A travers cette étourderie apparente de style et de plan, vous découvrez l'homme qui pense quand il rêve; ne le croyez pas frivole. Voici une monarchie qui croule et un trône qui entraîne tous les trônes d'Europe! Voici Mirabeau! c'est l'énergie de la révolution. Voici Barnave! c'est sa généreuse imprévoyance. Voici la reine! c'est la monarchie elle-même, avec sa grâce et sa parure, hélas! et avec son malheur!

Ainsi une œuvre qui n'est ni roman ni histoire peut être un beau livre. Lisez celui-ci pour votre plaisir d'abord, puis relisez-le pour en chercher le sens. Sous ce rêve fantastique vous verrez quels tristes enseignemens une imagination créatrice a déposés; quelle sève de forte pensée circule dans ces rameaux et dans ces fleurs dont le luxe vous éblouit.

HISTOIRE

DE LA LOTERIE EN FRANCE.

ARTICLE PREMIER (1).

L'origine de la loterie remonte à l'antiquité romaine. Delamare, dans son Traité de la Police, nous apprend que l'étymologie de cette appellation est un mot gaulois, lot, qui dans les anciens glossaires signifie tantôt une pièce de monnaie, tantôt une fraction du poids. Suétone, au chapitre second de la Vie de Néron et au quatrième de la Vie de Domitien, parle des loteries imaginées par ces princes pour récompenser d'une manière tout à la fois magnifique et peu dispendieuse les services qui leur avaient été rendus les soldats. Elles portaient le nom de congiaria, et c'est à l'occasion de ces fêtes de nouvelle invention que furent frappées les médailles dites congiaires, dont un grand nombre existe encore dans les médaillers publics et dans ceux de nos riches amateurs. Bientôt le peuple désira participer à ces distributions piquantes d'intérêt et de curiosité, où le plaisir de celui que favorisait le sort s'augmentait du dépit de ceux qui avaient été trompés dans leurs espérances.

par

(1) Ce premier article résume l'histoire de la loterie depuis son origine jusqu'à sa suppression en 93. Elle sera continuée depuis son rétablissement par le directoire jusqu'à nos jours, dans un article prochain auquel sera joint un tableau synoptique représentant les sommes jouées, les lots gagnés, les produits pour le trésor, etc.

Les loteries firent donc partie des jeux que l'empereur Othon donna au peuple romain ; et comme il fallait que le sénat obtint des priviléges, même dans les jeux de hasard, cinquante billets privilégiés furent accordés à chaque rang des sénateurs et des chevaliers qui étaient assis à l'amphithéâtre. Ces loteries s'étaient faites d'abord au moyen de billets jetés dans la foule aux plus habiles à les saisir; on imagina ensuite des distributions de numéros pris au hasard, et dont quelques-uns seulement devaient gagner les lots désignés sur une liste publique. Pétrone, qui appelle les loteries pittacia, et apophoreta les billets dont on s'y servait, nous dit qu'Héliogabale, dans les fêtes que l'on célébrait pour l'éternité de l'empire, se plaisait à tromper et surprendre l'espérance de ceux que l'on y invitait, en faisant des lots sans proportion entre eux : les uns assignaient aux gagnans une mouche ou un grain de sable, les autres vingt esclaves ou mille écus d'or.

Le voile qui couvre une partie des événemens du moyen âge ne permet pas de savoir ce que devint pendant ce temps l'usage de la loterie ; mais à l'époque où les Français entrèrent en Italie pour conquérir le Milanais, sous la conduite de François Ier et de Bayard, ils y trouvèrent cette coutume établie et la rapportèrent comme une découverte tout-à-fait en harmonie avec les mœurs aventureuses de cette époque. Ménage, dans son Dictionnaire étymologique, nous dit que la loterie était connue dans le seizième siècle, sous le nom de blanque, du mot italien bianca (blanche), parce que dans les premières loteries les billets gagnans étaient noirs, et les autres, en bien plus grand nombre, étaient blancs; d'où l'on avait appelé ce jeu givoco di carta bianca, jeu de la carte blanche. Les officiers de nos armées avaient retenu seulement le dernier mot, qu'ils avaient francisé. Bientôt la Suisse, les Pays-Bas, la Hollande, blirent des loteries, où l'or de nos jeunes seigneurs alla s'engloutir, et l'on disait proverbialement faire le voyage de Louvain, pour dire jouer à la loterie. La magnificence

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