Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

DU

THÉATRE D'AUTREFOIS.

COMÉDIES - DRAMES - OPÉRAS - OPÉRAS COMIQUES
TRAGÉDIES ÉT VAUDEVILLES;

-

PAR

BEAUMARCHAIS, BRUÉIS, CAILHAVA, COLLÉ, COLLIN D'HARLEVILLE,
COUSIN JACQUES, CORNEILLE, CRÉBILLON, DELATTEIGNANT,
DUFRESNY, FAVART, FLORIAN, FARGEOT, GOLDONI,
LA FONTAINE, LEBLANC, LEGRAND, LEMIÈRE,
LESAGE, MARMONTEL, MARIVAUX, MAILHOI,
MONTFLEURI, MONVEL, MOLIÈRE, PANARD,

PICARD, PIGAULT-LEBRUN, POINSINET,
SAINT-FOIX, ROTROU, SAURIN,
SEDAINE, VADÉ, VOISENON,
VOLTAIRE, ETC.

TOME PREMIER.

PARIS,

A LA LIBRAIRIE CLASSIQUE DE MH ÉMÉLIE DESREZ,

RUE FONTAINE-Molière, 37.

1846.

[blocks in formation]
[ocr errors]
[ocr errors][merged small]

BIOGRAPHIE

DES AUTEURS ET ACTEURS

QUI ONT CONCOURU

A LA COMPOSITION ET A LA REPRÉSENTATION DES PIÈCES

CONTENUES DANS CE VOLUME.

[ocr errors]

ATTAIGNANT (Gabriel-Charles de L'), né à Paris en 1697, fut d'abord destiné à l'état ecclésiastique, qu'il n'embrassa que contre son gré; aussi n'en tint-il aucun compte au milieu des plaisirs de la bonne et de la mauvaise compagnie qu'il fréquentait indifféremment. J'aliume mon génie au soleil, disait-il, et je l'éteins dans la boue. >> Sa facilité à faire des épigrammes lui attira quelques mauvais partis; on rapporte qu'un jour un des mécontents, voulant se venger de lui par des moyens extrémes, se trompa et s'adressa au chanoine de Reims qui lui ressemblait, et que le chansonnier appela depuis son receveur. Comme presque tous les liberlins du grand monde, L'Attaignant rentra, un peu tard, il est vrai, au giron de la foi. L'abbé Gautier, chapelain de l'hôpital des Incurables et confesseur dé Voltaire, eut l'honneur de cette conversion, qui fit naitre l'épigramme suivante :

Voltaire et L'Attaignant, par avis de famille,
Au mème confesseur ont fait le même aveu.
En tel cas il importe peu

Que ce soit à Gautier, que ce soit à Garguille;
Mais Gautier cependant me semble mieux trouvé:
L'honneur de deux cures semblables

A bon droit était réservé

Au chapelain des incurables.

L'Attaignant mourut dans sa ville natale, le 10 janvier 1779; on n'a de lui que très-peu d'ouvrages, qui doivent prendre place dans notre collection, mais qui sont fort estimés sous le rapport du mérite et de l'originalité.

BEAUMARCHAIS (Pierre-Augustin Caron de) naquit a Paris le 24 janvier 1732. Il était fils d'un horloger qui le destinait à sa profession, mais il fallait à Beaumarchais la culture des arts de l'esprit. Il se passionna d'abord pour la musique, dans laquelle il excella au point d'ètre appelé à la cour, pour y donner aux filles du roi Louis XV des leçons de harpe et de guitare. profita de sa position pour s'assurer une fortune qu'il devait plus tard honorer par des succès littéraires. Beaumarchais, comme tous les grands génies, ressentit pendant toute sa vie le désir d'occuper l'attention publique; ainsi, il se lança dans les querelles du ministère el des cours de justice, qui divisaient alors les intérêts et les opinions; il attaqua le parlement Maupou avec les armes de la satire et du ridicule. Il sortit de l'arene légalement battu, mais avec la satisfaction d'avoir fait relentir son nom dans toute la France. Ce fut d'après cette pensée, sans doute, qu'il dépensa plus d'un million pour son édition des œuvres de Voltaire, monument national qui s'écroula avant d'être entièrement édifié. En 1792, Beaumarchais acheva sa ruine en faisant entrer en France soixante mille fusils, dont les armées avaient besoin. « Il crut, dit La Harpe, que celle entreprise devait à la fois l'honorer et le sauver. » Et c'est à peine si l'on y fit attention, tant le dévouement est chose naturelle dans les grandes calamités. Beaumarchais mourut subitement et sans maladie, comme il avait vieilli sans infirmités, le 19 mai 1799,

las de disputer à la révolution et à ses créanciers les derniers débris de sa fortune. La veille de sa mort, comme il parlait des moyens de sortir de la vie sans efforts et sans douleur, il dit : « Je pourrais bien me laisser tourmenter encore quelque temps, mais je ne suis plus curieux.» Etait-ce pressentiment de sa fin prochaine? était-ce une idée de suicide? Qui le sait ?

BRIZARD (Jean-Baptiste Britard dit), né à Orléans le 7 avril 1721, après avoir travaillé pendant quelques années sous Carle Vanloo, premier peintre du roi, il débuta dans la carrière dramatique, le 30 juillet 1757, dans l'emploi des pères-nobles et des rois. On lui trouva toujours plus d'intelligence que de chaleur mais il possédait une diction à la fois simple et noble, qui était encore relevée par une figure pleine de dignité et par de beaux cheveux blancs. Il devait ce dernier avantage moins à l'âge qu'à un événement qui faillit lui coûter la vie. En voyageant sur le Rhône, la petite barque dans laquelle il était ayant chaviré, il se saisit d'un anneau de fer des piles du pont, resta ainsi suspendu sur le gouffre, jusqu'au moment où on vint le secourir, et l'on dit que sa frayeur fut telle que ses cheveux blanchirent en très-peu de temps. Brizard es mort à Paris le 30 décembre 1791.

CARLIN (Charles-Antoine Bertinazzi, connu sous le nom de) naquit à Turin en 1713; il fut, très-jeune encore, porte-enseigne dans un régiment de Sardaigne, mais se trouvant un jour à Bologne avec quelques amis, il s'offrit pour remplacer, dans une pièce nouvelle, Arlequin, que des créanciers récalcitrants avaient fait esquiver. Son succès fut grand, et dès lors il reconnut sa véritable vocation. Bertinazzi se baptisa soudain du nom de Carlin, et prit le chemin de Paris, où pendant quarante-deux ans il fut en possession de la faveur publique. Carlin improvisait mieux qu'il ne jouait les rôles écrits; il était aussi facétieux que spirituel; on raconte qu'un jour les Italiens se trouvèrent obligés de jouer pour deux personnes seulement. A la fin de la pièce, Carlin s'avançant sur le bord du théâtre, fit signe à l'un des spectateurs en le priant de s'approcher, et quand ils furent près l'un de l'autre, Monsieur », lui dit-il tout bas, avec cette grâce qui lui était si naturelle, « si vous rencontrez quelqu'un en sortant d'ici, faites-moi le plaisir de lui dire que nous donnerons demain une seconde représentation de la pièce que nous avons jouée aujourd'hui.

De la gaieté, une bonhomie charmante, une probité à toute épreuve, furent ses titres à l'estime du public; aussi a-t-on dit de lui :

Dans ses gestes, ses tons, c'est la nature même :
Sous le masque on l'admire, à découvert on l'aime.

CLAIRON (Claire-Joseph Legris de La Tude, plus connue sous le nom de Mile) naquit en Flandre en 1723, de parents pauvres, mais qui soignèrent assez son éducation; ce qui, joint à ses qualités naturelles, lui permit de débuter, à l'âge de douze ans, à la Comé

laissait entrevoir engagèrent quelques auteurs à lui confier des rôles, et on la vit dans les Courtisanes de

die-Italienne. Cependant Mile Clairon ne se sentait pas à son aise dans un théâtre de chant, et quelques années plus tard elle sollicita un ordre de début pour la Co-Palissot, et le Vieux garçon de Dubuisson, céder médie-Française, où elle obtint dans Phèdre un trèsgrand succès, malgré les prévisions de tous les acteurs et du public lui-même, qui ne l'avait jamais vue que dans des rôles de soubrette, où elle était assez médiocre. Tous les journaux et mémoires du temps sont remplis de ses éloges. Mile Duminil, qui était alors en possession de la faveur publique, en devint même un peu jalouse. Voltaire lui adressa des vers dans lesquels il la plaçait au-dessus de toutes les actrices dont le nom était resté au théâtre, et Dorat se hâta de publier en ces termes le tribut de son admiration :

Ses pas sont mesurés, ses yeux remplis d'audace,
Et tous ses mouvements deployés avec grâce :
Accents, gestes, silence, elle a tout combiné.

Quel auguste maintien! quelle noble fierté!
Tout, jusqu'à l'art, chez elle a de la vérité,

Me Clairon était petite, et plutôt jolie que belle. Elle était pénétrée de son mérite jusqu'à l'ostentation. Quelquefois il lui arrivait, sous le plus léger prétexte, de ne pas vouloir jouer dans la représentation du soir, bien qu'elle fût annoncée sur l'affiche. Mais cette vanité capricieuse lui devint fatale. Un jour qu'elle avait refusé de paraitre dans la tragédie du Siége de Calais, le public indigné ne voulut entendre aucune excuse, et parmi les cris de: Calais! Calais ! on distingua bientôt ceux de: Clairon à l'hôpital! Clairon au fort l'Evêque! En effet, le lendemain, 16 avril 1765, un exempt de police vint l'inviter à se rendre dans cette prison: « Ah! du moins, dit-elle, mon honneur reste intact, et Sa Majesté ellemême n'y peut rien. - Vous avez raison, répartit l'exempt, où il n'y a rien, le roi perd ses droits. » L'amour-propre de Me Clairon ne put tenir contre rette avanie, elle se vengea du public en se retirant du théâtre, bien qu'elle ne fût alors àgée que de quarantedeux ans. Cette actrice est morte à Paris le 18 janvier 1803.

COLLÉ (Charles) naquit à Paris en 1709. Cousin de Regnard, il soutint l'honneur de cette parenté par sa gaieté vive et spirituelle. Cependant il craignait de s'abandonner à ses propres forces, et il ne composa pendant longtemps que des poésies légères ou des amphigouris. I chantait un jour celui-ci devant Fontenelle, chez Mme de Tencin :

Qu'il est heureux de se défendre
Quand le cœur ne s'est pas rendu!
Mais qu'il est fâcheux de se rendre
Quand le bonheur est suspendu!

Par un discours sans suite et tendre
Egarez un cœur éperdu;

Souvent par un malentendu

L'amant adroit se fait entendre.

Fontenelle, croyant comprendre un peu ce couplet, voulut le faire recommencer. « Eh! grosse bète, lui dit Mme de Tencin, ne vois-tu pas que ce n'est que du galimatias? Cela ressemble si fort, répondit Fontenelle, à tous les vers que j'entends ici, qu'il n'est pas étonnant que je me sois mépris. » Collé fit partie de cette joyeuse réunion si connue sous le nom de Caveau, et que fréquentaient alors nos maîtres en chansons, Haguenier, Panard, Gallet, Favart, etc. Lors de la dissoJution du Caveau, arrivée vers la fin de 1739, Collé fut accueilli dans la société du duc d'Orléans, dont la comédie faisait le principal amusement. Il composa pour cette société un grand nombre de pièces qui n'ont pas été imprimées, mais que nous n'en donnerons pas moins à nos lecteurs.

Collé mourut le 3 novembre 1783, âgé de soixantequinze ans.

CONTAT (Louise, Mme de Parny), née à Paris en 1760, débuta à la Comédie-Française, le 3 février 1776, par le rôle d'Athalie dans la tragedie de Bajazet. Ses débuts n'eurent rien de remarquable. Elève de Me Préville, on lui trouva la diction sage, le maintien noble de son institutrice; mais elle retraça aussi ses défauts, qui étaient un peu de monotonie et un ton généralement froid. Cependant, la grâce, la finesse qu'elle &

plutôt à ses heureuses dispositions qu'à des leçons qui semblaient en contrarier le développement. C'est vers cette époque que Beaumarchais donna à cette actrice le rôle de Suzanne du Mariage de Figaro. Dès lors, la réputation de Mlle Contat parut fixée; car, à l'issue de la représentation, cent couronnes tombèrent sur la scène, et Préville, enchanté, vint dire dans la coulisse: Voilà la première infidélité que l'on m'ait fait faire à Mile Dangeville. » Faisant ainsi allusion à l'impression profonde que cette dernière actrice, qui jouait l'emploi des soubrettes, avait laissée dans son esprit. Me Contat remplissait avec une égale perfec tion plusieurs rôles des comédies de Marivaux, dans lesquels il faut ou de la sensibilité, ou de la profondeur, ou de la finesse, ou de la grâce, ou enfin un mélange de toutes ces qualités, qu'elle possédait à un degré supérieur.

On raconte qu'en 1789, la reine Marie-Antoinette ayant désiré aller à la Comédie-Française et y voir représenter la Gouvernante, fit savoir à Mile Contat qu'elle souhaitait la voir le lendemain dans ce rôle, qui n'était point de son emploi. Il fallait des efforts inouïs pour apprendre en vingt-quatre heures plus de cinq cents vers. Mile Contat fit ce qu'on aurait pu croire impossible, et, satisfaite d'elle-même, elle écrivit à la personne qui lui avait fait part des désirs de la reine: J'ignorais on se trouvait le siége de la mémoire, je sais à présent qu'il est dans le cœur.» Cette lettre, publiée par ordre de Marie-Antoinette, faillit, bientôt après, coûter la vie a son auteur, et devint pendant les orages de la révolution le motif de son arrestation. Mile Contat se retira du théâtre à l'âge de cinquante ans, trois ans avant sa mort, arrivée en 1813.

[ocr errors]

DESESSARTS (Denis Dechanet, connu sous le nom de) naquit à Langres en 1740, et y exerça pendant quelque temps la profession de procureur; mais quoiqu'il y eût loin de la robe du magistrat au manteau du financier, il franchit tout d'un bond l'espace qui les séparait, et parut sur la scène française pour succéder à Bonneval, qui se retirait du théatre. Le procureur de Langres ne fut pas d'abord satisfait de sa nouvelle condition; il y éprouva quelques dégoûts, mais il parvint à les surmonter. Desessarts était d'une grosseur prodigieuse; lorsqu'il jouait le rôle d'Orgon dans Tartuffe, il fallait une table d'une hauteur extraordinaire pour qu'il pût se cacher dessous. Son camarade Dugazon le conduisit un jour chez le ministre : « Monseigneur, lui dit-il, la Comédie-Française vient d'apprendre que l'éléphant de la ménagerie est mort, elle vous prie de vouloir bien accorder sa place à Desessarts, en récompense de ses services. » Desessarts furieux appela Dugazon en duel. Is arrivèrent au lieu du rendez-vous : « Mon ami, lui dit Dugazon, la partie n'est pas égale entre nous; tu présentes une surface décuple de la mienne; je vais tracer avec du blane d'Espagne un rond sur ton ventre, et tous les coups qui ne porteront pas dans ce rond ne compteront pas. Cette plaisanterie arrêta le duel. Desessarts était très-instruit, il avait étudié les sciences et les belles-lettres, et possédait une mémoire étonnante. Il mourut aux eaux de Baréges, en octobre 1793.

DUFRESNY (Charles Rivière), né à Paris en 1648, était arrière-petit-fils de cette paysanne d'Anet, connue sous le nom de la Belle-Jardinière, et qui sut inspirer de l'amour au bon Henri. On pretend même que cette origine fut la cause de la bienveillance dont l'honora Louis XIV, en le nommant son valet de chambre. Dufresny était épicurien dans toute l'acception du mot, et il joignait à cette qualité celle d'aimer les femmes à l'égal de toutes choses. Lesage raconte qu'il épousa en secondes noces sa blanchisseuse, dont il était le débiteur et dont il voulait arrêter les importunités. Il était rare qu'il possédât quelques écus vaillant, malgré les libéralités du roi, qui disait, au récit de ses prodigalités : Il y a deux hommes que je n'enrichirai jamais, Bontems et Dufresny. » Là gène conduisit ce dernier à

"

travailler pour le théâtre, où il obtint de très-beaux succès, mais sans réaliser de grands bénéfices. Dufresny a accusé Regnard de lui avoir pris le sujet du Joueur, dont il lui avait parlé comme d'un ouvrage commencé, et il s'en est vengé dans plusieurs articles du Mercure, recueil qu'il a rédigé pendant quelque temps. Il mourut à Paris le 6 octobre 1724.

DUGAZON (Jean-Baptiste-Henri Gourgault, dit) est mort prés d'Orléans, en octobre 1809, à l'âge d'environ soixante-huit ans. Il était presque tombé en enfance. Dugazon, qui avait débuté sur la scène française en 1771, fut, en 1793, aide de ramp de Santerre, et il prit part à tous les excès révolutionnaires de ce général. Comme acteur, il s'était attiré la bienveillance du public dans les rôles de valet. C'est un des meilleurs comiques qui aient paru au théâtre. Dugazon est auteur de quelques comédies assez médiocres.

FAVART (Charles-Simon), né à Paris le 13 novembre 1710, était fils d'un pâtissier, qui eut le bon esprit de lui donner une fort belle éducation. Favart débuta dans la carrière littéraire par la publication d'un poëme intitulé la France délivrée par la Pucelle d'Orleans, ouvrage qui ne fit guère soupçonner le talent de l'auteur qui ne devait, du reste, réussir qu'au théâtre. Il donna aux Italiens et à l'Opéra-Comique un nombre considérable de pièces, qui ont toutes le cachet d'une grande délicatesse d'esprit et de fine gaieté villageoise.

Après la fermeture de l'Opéra Comique, en 1745, Favart, qui regrettait son théâtre de prédilection, se fit directeur d'une troupe ambulante qui suivait, en Flandre, le maréchal de Saxe. « J'étais obligé, dit-i! « dans sa correspondance, de suivre l'armée et d'éta« blir mon spectacle au quartier-général; le comte de Saxe, qui connaissait le caractère de notre nation, savait qu'un couplet de chanson, une plaisanterie, e faisaient plus d'effet sur l'âme ardente du Français « que les plus belles harangues; il m'avait institué a chansonnier de l'armée, et j'étais chargé d'en célé« brer les événements les plus intéressants. » A Tongres, la veille de la bataille de Rocoux, le maréchal donna ordre à Favart de faire quelques vers sur ce sujet; on était entre la représentation de deux pièces, et le poëte improvisa ce couplet, qui fut chanté aussitôt par sa femme, dont le comte de Saxe était violemment épris:

Demain nous donnerons relâche,
Quoique le directeur s'en fache;
Vous voir comblerait nos désirs;
On doit céder tout à la gloire.
Nous ne songeons qu'à vos plaisirs,
Vous, ne songez qu'à la victoire.

Ensuite, comme si le gain de la bataille eût été certain, on annonça pour le surlendemain : le Prix de Cythère et les Amours grivois, qu'on représenta effectivement, ce qui fit dire au camp, que le maréchal avait préparé le triomphe avant la victoire.

Favart fut pendant quelque temps enfermé à la Bastille: il fallait bien que le comte de Saxe le séparat de sa femme, et ce moyen-là en valait un autre; mais bientôt rendu à la liberté, il reprit ses travaux dramatiques, que la mort vint interrompre le 12 mai 1792.

FAVART (Marie-Justine-Benoîte Duronceray, connue sous le nom de Mile Chantilly) ne fut pas moins célèbre par sa beauté que par les grâces de son esprit et l'extrême variété de son talent. Jaloux de la vogue prodigieuse qu'elle procurait à l'Opéra-Comique, où elle avait débuté en 1745, à l'âge de dix-huit ans, les grands théâtres obtinrent la suppression de ce spectacle, et Mile Chantilly se vit réduite à ne plus jouer que Ja pantomime; mais telles étaient les ressources de son talent, qu'au lieu de perdre tous ses avantages dans un genre extrêmement ingrat et borné, elle y augmenta sa réputation. Les Italiens voulurent l'engager, mais Favart, qui venait de l'épouser, l'emmena en Flandre avec une troupe de comédiens dont il était le directeur, et qui suivaient le comte de Saxe dans ses campagnes, ainsi que nous l'avons dit à l'article précédent. Les deux époux, qui s'aimaient tendrement, se repentirent bientôt de cette détermination, qui donna au maréchal 2

l'occasion de voir souvent la charmante actrice, dont il voulut en vain faire sa maitresse, mais qui fut séparée de son mari, que l'on envoya à la Bastille, pour la punir des rigueurs contre lesquelles le vainqueur de Fontenoy n'avait pas l'habitude de lutter.

Ce fut Me Favart qui, la première, osa sacrifier l'éclat de la parure à l'exacte observation du costume. Avant elle les soubrettes et les paysannes paraissaient sur la scène avec de grands paniers, la tête chargée de diamants et gantées jusqu'au coude. Dans Bastienne, elle parut avec un habit rayé, une chevelure plate, une croix d'or, les bras nus et des sabots. Cette nouveauté, approuvée par les uns, fut critiquée par les autres; mais l'abbé Voisenon ayant dit que ces sabots vaudraient de bons souliers aux comédiens, ce mot fit fortune et l'innovation fut adoptée.

On attribue à cette actrice une grande part dans la composition d'Annette et Lubin, de Bastien et Bastienne, de la Fête de l'Amour, etc. Nous ne savons jusqu'à quel point on peut revendiquer cet honneur pour sa mémoire; mais ce qui est certain, c'est que Me Favart était une femme de beaucoup de mérite. L'abbé Voisenon disait : « C'est un ange qui a de l'esprit comme un diable. »> Elle mourut le 20 avril 1772.

FLEURY (Jacques), avocat au parlement de Paris, mort en 1775, négligea l'exercice de son état pour se livrer à la culture des lettres. Il était très-répandu dans les différentes sociétés de la capitale, dont il faisait les délices par son esprit fin et railleur. On a de lui beaucoup de madrigaux et un volume de chansons maçonnes. Son répertoire théâtral n'est pas très-considérable, mais le peu de pièces qu'il ait fait représenter décèlent un assez grand mérite d'observation.

FLORIAN (Jean-Pierre-Claris de) naquit le 6 mars 1755, dans les basses Cévennes, d'une famille distinguée dans les armes. Il était l'allié de Voltaire, qui le reçut à Anet, où il prit sans doute le goût de la poésie. Cependant, son admission parmi les pages du duc de Penthievre sembla devoir pour toujours l'éloigner d'une carrière qu'il devait parcourir avec quelque talent, mais ce fut là précisément ce qui lui fournit l'occasion de s'y livrer avec ardeur. Le duc de Penthièvre, qui en avait bientôt fait son ami, en fit le distributeur de ses bienfaits, et quoiqu'il eût assez d'occupation dans sa charge, il trouva néanmoins, dans la vie qu'il menait, quelques loisirs à consacrer aux muses. Florian, qui était d'une famille noble, fut emprisonné dans la révolution; mais la douceur de ses mœurs le fit épargner par le tribunal de FouquierThinville, qui n'avait pas, comme on sait, l'habitude de ces distinctions. Cependant, le coup était porté, Florian n'avait pu surmonter le sentiment de frayeur que lui avait causé son arrestation. Il ne fit plus que languir, et mourut à Sceaux le 13 septembre 1794, âgé de trente-huit ans.

FORGEOT (Nicolas-Julien), né à Paris en 1758, y est mort le 4 avril 1798. Après avoir fait son droit, il se lia d'amitié avec Andrieux, qui lui donna le goût de la littérature. Toutes les pièces qu'il a fait représenter prouvent beaucoup d'esprit et d'originalité; cependant Forgeot est mort avec le regret de n'avoir rien produit qui put immortaliser son nom.

GAUSSIN (Jeanne-Catherine) était fille d'une ouvreuse de loges et d'un ancien laquais de Baron. Douée d'une physionomie charmante et d'une intelligence très-précoce, la jeune Gaussin s'exerça dès l'âge de quinze ans dans l'art où elle devait obtenir de si brillants succès. C'est Voltaire qui fit sa fortune; enchanté des dispositions qu'il lui avait reconnues, il lui confia le rôle de Zaire, dans lequel elle surpassa les espérances du public et de l'auteur même. Aussi Voltaire lui fit-il, avec beaucoup de grace, honneur de son

succes.

Le désintéressement de Mile Gaussin était aussi grand que son talent; l'anecdote suivante servirait au besoin à le prouver. Elle avait vécu dans sa jeunesse avec Bouret, devenu si fameux par son opulence. Jeune lui-même et n'ayant que l'espoir de parvenir, cet amant passionné avait eu la faiblesse de signer un

« ZurückWeiter »