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narque, et, de Lodi même, pressé par Sigismond, lança enfin la bulle de convocation 1.

La réunion d'un concile cecuménique présidé par le pape sur les terres de l'Empire semblait un fait si extraodinaire, qu'on hésita d'abord à y croire. Mais, quand peu à peu la nouvelle s'en confirma, ce fut dans la chrétienté une émotion - générale. On oublia les déceptions qu'avait causées le concile de Pise; on ne douta pas que cette seconde assemblée ne réussit à guérir les maux auxquels la précédente n'avait su remédier, et de toutes parts princes, évêques, Universités s'apprêtèrent à se rendre à Constance ou à y envoyer leurs délégués. Charles VI, à qui Sigismond avait, à cette occasion, adressé une lettre particulière, ne vit pas, sans quelque amertume, que le roi des Romains prétendit le remplacer dans le rôle que jadis il avait pris lui-même. Il ne laissa pas de répondre que la France serait représentée au concile 2. Sigismond avait également écrit à Grégoire XII et à Benoît XIII pour les inviter à venir à Constance 3. Par l'entremise de Charles de Malatesta, il obtint de Grégoire, non qu'il paraitrait au concile, mais que du moins il y enverrait un fondé de pouvoir. Benoît, plus lent à répondre, ne se détermina qu'après l'ouverture du concile à suivre l'exemple de Grégoire. Étendant son rôle de pacificateur, Sigismond se flatta aussi d'arrêter les troubles de la Bohême. Il y était d'autant plus intéressé qu'il se jugeait destiné à succéder dans ce royaume à son frère Venceslas qui, de sept ans son aîné et déjà usé par la débauche, n'avait pas de postérité. Il s'entendit avec ce prince et sut décider Jean Huss, sur la promesse d'un

1. Raynald., anno 1413, n° 22. Cette bulle est datée du 9 décembre 1413. 2. Voir dans Lenfant, Hist. du conc. de Pise, t. II, p.191, la lettre de Sigismond. Les ambassadeurs qui apportaient cette lettre furent reçus le 9 octobre par Charles VI. D'après le Religieux de Saint-Denys, 1. XXXIV, c. 42, le roi se serait contenté de répondre qu'il n'empêcherait pas ses sujets de se rendre au concile. L'encyclique du 9 décembre le décida sans doute à s'y faire représenter lui-même.

3. Raynald., anno 1413, no 23.

4. Héfélé, Conc., t. X, 323, 324.

sauf-conduit, à se présenter devant le concile, pour y exposer ses doctrines et s'y défendre des accusations portées contre lui. Dans la pensée de Sigismond, pensée que semblaient partager alors la plupart des esprits, cette grande assemblée, chargée de remédier à tous les maux de l'Église, devait s'occuper à la fois de mettre fin au schisme, de réformer le clergé et de réprimer l'hérésie.

Jean XXIII, qui de Lodi était allé, non plus à Florence, mais à Bologne, ne voyait pas sans appréhension approcher le moment où il serait dans l'obligation de paraître à cette assemblée. Une circonstance inattendue lui donna l'espoir de s'y soustraire. Ladislas, qui redoutait pour ses intérêts les décisions du concile de Constance comme il avait redouté d'abord celles du concile de Pise, partit de Rome au mois d'avril 1414 avec le dessein de se rendre maître de Bologne, de se saisir de la personne du pape et d'empêcher ainsi la réunion de l'assemblée, lorsque, pris d'un mal subit, il dut revenir à Rome et de là se fit transporter à Naples, où il expira 2, ne laissant qu'une sœur, du nom de Jeanne, comme héritière de ses États. Le pontife annonça aussitôt l'intention de retourner à Rome pour y rétablir l'autorité temporelle du saintsiège. Mais, devant l'opposition énergique des cardinaux qui lui représentèrent qu'il était tenu de présider le concile, il dut abandonner ses projets et se contenter d'envoyer un légat reprendre en son nom possession de Rome 3. Il se disposa dès lors à se rendre à Constance. Ce ne fut pas toutefois sans recourir à des précautions que lui suggérait la prudence. Il exigea des magistrats de cette ville, sous la foi du serment, les garanties les plus minutieuses pour la sûreté de sa personne, garanties que confirma Sigismond. Il ne négligea pas

1. Denis, Huss et la guerre des Hussites, p. 136, 137. Cf. Héfélé, Conc., t. X, p. 362. Jean XXIII, dans son entrevue avec Sigismond à Lodi, avait luimême prié ce monarque d'intervenir en Bohème pour y rétablir l'autorité de l'Église.

2. 6 août 1414. Voir Gregorovius, Storia di Roma, t. VI, p. 730-732. 3. Raynald., anno 1414, no 6.

4. Mansi, Conc. t. XXVIII, p. 6-12.

d'ailleurs d'emprunter au trésor pontifical les ressources nécessaires pour acheter, au besoin, des appuis dans le concile 1. Il prit un autre soin. Arrivé dans le Tyrol, il conclut avec Frédéric, duc d'Autriche, un traité aux termes duquel ce prince, nommé par lui capitaine général de l'Église avec une pension annuelle de six mille florins d'or, s'engagea non sculement à le protéger pendant tout le temps qu'il résiderait à Constance, mais à lui prêter secours dans le cas où il se résoudrait à en sortir 2. Malgré toutes ces précautions, il ne laissait pas de manifester ses alarmes. Si l'on en croit un chroniqueur, il se serait écrié en arrivant en vue de Constance: « C'est ici la fosse où l'on prend les renards 3. » Il lui fallut néanmoins se résigner à ce qu'il appelait <«<< sa destinée », et, le 28 octobre, il faisait, en grande pompe, son entrée dans la ville.

1. Christophe, Hist. de la papauté au XIVe siècle, t. III, p. 370.

2. Von der Hardt, Magn. concil. Constant. t. II, p. 146. Cf. Raynald., anno 1414, no 6.

3. Lenfant, Hist. du concile de Constance, t. I, p. 19.

III

LE CONCILE DE CONSTANCE

1414-1415.

Le rôle dévolu au concile qui allait se tenir à Constance était d'une telle gravité et intéressait à ce point tout l'avenir de l'Église, que plus d'un contemporain se demandait si cette assemblée trouverait en elle-même la force et les vertus. nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Plus important par son objet que celui de Pise, le concile de Constance était aussi plus nombreux. Dans le moment où il réunit le plus de membres, on y comptait, du côté des ecclésiastiques et à ne parler que des plus notables, vingt-neuf cardinaux, trois patriarches, trente-trois archevêques, cent cinquante évêques, plus de cent abbés, cinquante prévôts et environ trois cents docteurs délégués par les Universités. Du côté des laïques, outre le roi des Romains Sigismond, à qui l'on donnait par anticipation le titre d'empereur et qui n'arriva que vers la Noël, on remarquait l'électeur de Saxe, l'électeur palatin, le margrave de Brandebourg, les dues d'Autriche, de Bavière, de Saxe, de Lorraine ; à quoi il faut ajouter les ambassadeurs des rois de France, d'Angleterre, d'Écosse, de Pologne, de Suède, de Danemark, de Norvège, de Naples, de Sicile, et, vers la fin, ceux des souverains chrétiens d'Espa

gne. Tous ces divers personnages avaient amené avec eux une suite considérable. L'archevêque de Mayence, en particulier, était escorté de plus de cinq cents personnes. Une foule de comtes, de barons, de chevaliers avaient de même accompagné les princes. D'après une liste dressée par ordre de Sigismond, le nombre total des ecclésiastiques arrivés à Constance atteignit au chiffre de dix-huit mille. Celui des séculiers était de beaucoup plus élevé, et, pendant un temps, on compta dans cette ville près de cent mille étrangers 1.

L'importance des questions à débattre n'était pas, on doit le dire, la seule cause d'une si grande affluence. Nombre de seigneurs étaient venus à Constance conduits uniquement par la curiosité. L'appât du gain y avait attiré aussi quantité de marchands. Le plaisir même s'y était donné rendez-vous; indépendamment de joueurs d'instruments, de comédiens et d'aventuriers de toute sorte, on signalait la présence de près de quinze cents courtisanes. On juge de l'impression qu'un tel spectacle devait produire sur les esprits austères. Jean Huss, qui était arrivé à Constance quelques jours après le pape2, ne faisant pas la part des sentiments divers qui animaient cette multitude, vit comme une autre Babylone dans cette cité, où se rassemblaient les prélats chargés de régénérer l'Église. <«< Si vous pouviez observer de près ce concile qui s'appelle très saint, écrivait-il à ses amis de Bohème, vous seriez témoins d'une grande abomination; l'on dit qu'il faudra trente ans pour purifier la ville de Constance des péchés qui l'auront souillée 3. >>

Cependant, le 5 novembre 1414, Jean XXIII avait ouvert le concile, et, le 16 du mème mois, malgré l'absence de Sigismond, avait eu lieu une première session générale. Dans cette session, le pape fit lire une déclaration d'où il ressortait que le concile réuni à Constance était la continuation de celui

1. Héfélé, Conc., t. X, 392, 393, notes. Cf. Lenfant, Hist. du concile de Constance, t. II, p. 365-386.

2. Le 3 novembre 1414.

3. Denis, Huss et la guerre des Hussites, p. 142.

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