Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

ETABLISSEMENT DU GOUVERNEMENT
RÉVOLUTIONNAIRE.

Le 10 août 1792, au moment même où s'écroulait le trône, l'Assemblée législative avait remis le pouvoir exécutif à un conseil provisoire composé de six ministres. (Voyez tome IX. )

Ce conseil exécutif provisoire, successivement formé d'hommes plus ou moins capables (1), s'était maintenu sous la Convention, quoique souvent dénoncé, réprimandé, entravé dans sa marche, et condamné comme un reste des institutions monarchiques : le mot ministre sonnait mal à l'oreille républicaine.

Le comité de salut public fut créé, et le conseil exécutif placé sous sa surveillance.

La Constitution décrétée dans le mois de juin, acceptée par le peuple, et inaugurée le 10 août 1793, établissait aussi un conseil exécutif, composé de vingt-quatre membres; mais elle ne leur donnait pas le titre de ministre. Au surplus cette Constitution ne reçut point d'activité. (Voyez tome XII.) Dans le premier des rapports qui vont suivre on entendra Saint-Just déclarer que les circonstances ne permettent pas de mettre cette Constitution en vigueur, que ce serait l'immoler par elle-même.

Le gouvernement révolutionnaire s'établit, et le conseil exécutif provisoire, qui n'était plus qu'une superfétation dans la hiérarchie des autorités, fut encore conservé. Sa nullité amena enfin sa suppression définitive, qui arriva avec le complément du gouvernement révolutionnaire. (Voyez plus loin.)

Le comité de salut public est la première base de ce gouvernement: fixons la date de sa création.

(1) Aux ministres Roland, Servan, Clavières, Monge, Danton, Lebrun, nommés par l'Assemblée législative, avaient succédé Garat, Gohier, Paré, Pache, Beurnonville, Bouchotte, Dalbarade, Deforgues, Detournelles, etc.

Un comité de défense générale existait; des plaintes et des soupçons s'élevaient contre lui. Le 22 mars 1793, à la nouvelle des désastres de l'armée, Quinette demande la formation d'un comité assez nombreux pour exercer une surveillance générale, et tenir prêtes des mesures propices à tout événement. Isnard veut un comité de salut public. La question est renvoyée à l'examen du comité de défense générale c'était l'inviter à se maintenir.

En effet, la Convention adopte le 25, sur la proposition de ce comité, un décret qui le conserve en lui donnant plusieurs adjoints : le nombre total des membres est porté à vingt-cinq elle lui délégue de grands pouvoirs, à la charge par lui de rendre compte tous les huit jours de ses opérations.

Mais avec les adjoints la division était entrée au comité : dans l'espoir de rapprocher, de fondre les diverses opinions, on avait choisi des députés de la gauche, de la droite et de la plaine. Robespierre en faisait partie; il déclare ne pouvoir s'entendre avec de certains hommes. Sans unanimité, sans considération, le nouveau comité paralyse luimême ses pouvoirs. Aucune autorité ne veille encore au Salut public.

Le 4 avril Isnard reproduit son projet, qu'il a fait agréer au comité de défense générale : il consiste à créer dans le sein de la Convention une commission d'exécution composée de neuf membres, et de lui confier le pouvoir de surveiller et de destituer les agens du conseil exécutif, toujours à la charge de rendre compte de ses motifs à la Convention nationale. Quelques murmures accueillent ce projet ; néanmoins la discussion en est remise au lendemain. Alors nouvelle opposition. L'auteur de la motion, puis Bréard, Barrère, Thuriot, Marat, soutiennent contre Buzot, Dufriche-Valazé et Biroteau, qu'il n'y a rien à craindre d'un comité responsable, établi pour un mois, sans action sur les finances, sans puissance législative... La dictature! Nous environnerons-nous toujours de chimères! La peur de la tyrannie amène à sa suite la tyrannie même.... Ah! bien plutôt, dans les terribles circonstances où nous som

mes, avec les défiances hideuses qui nous assiégent, regardons comme de nouveaux Curtius se dévouant pour leur pays ceux qui se consacreront aux travaux de ce comité.... La Convention ne peut administrer; le conseil exécutif pas assez d'activité; il faut un corps intermédiaire... Et le comité de salut public fut établi. Le décret, dont la rédaction définitive avait été confiée à Isnard, Barrère', Thuriot, Mathieu et Danton, fut rendu en ces termes le 6 avril 1793:

Art. 1. Il sera formé par appel nominal un comité de salut public composé de neuf membres de la Convention nationale.

2 Ce comité délibérera en secret; il sera chargé de surveiller et d'accélérer l'action de l'administration, confiée au conseil exécutif provisoire, dont il pourra même suspendre les arrêtés lorsqu'il les croira contraires à l'intérêt national, à la charge d'en informer sans délai la Convention.

3. Il est autorisé à prendre dans les circonstances urgentes des mesures de défense générale extérieure et intérieure; et ses arrêtés, signés de la majorité de ses membres délibérans, qui ne pourront être au-dessous des deux tiers, seront exécutés sans délai par le conseil exécutif provisoire. Il ne pourra en aucun cas décerner des mandats d'amener ou d'arrêt, si ce n'est contre des agens d'exécution, à la charge d'en rendre compte sans délai à la Convention.

4. Il fera chaque semaine un rapport général et par écrit de ses opérations et de la situation de la République.

5. Il sera tenu un registre de toutes ses délibérations.

6. Le comité n'est établi que pour un mois.

7. La trésorerie nationale demeurera indépendante du comité de salut public, et soumise à la surveillance immédiate de la Convention, suivant le mode fixé par le décret.

Le premier comité de salut public se composa de Barrère, Cambon, Danton, Guyton-Morveau, Treilhard, J.-P. Lacroix, Bernier, Delmas, Robert-Lindet. Il entra en fonctions le 10 avril, et, vu l'importance de ses travaux, il fut réélu deux fois en totalité : il gouverna trois mois. (Voyez tome XII le précis des opérations de ce comité.)

Renouvelé le 10 juillet, il eut pour membres Jambon Saint-André, Barrère, Couthon, Hérault-Séchelles, Thuriot, Prieur (de la Marne), Saint-Just, Robert-Lindet,

Gasparin. Ce dernier donna sa démission après quelques jours: Robespierre le remplaça.

Le comité de salut public devint bientôt l'unique autorité exécutive : ses neuf membres ne pouvaient plus suffire à la multiplicité des affaires; on leur donna des collègues. Carnot, Prieur (de la Côte-d'Or), Collot-d'Herbois, Billaud-Varennes y furent successivement appelés.

C'est ce second comité de salut public, réunion d'hommes que la postérité jugera mieux que leurs contemporains, c'est ce comité qui, par de grands et nombreux services rendus à l'Etat, trouva si longtemps la Convention nationale disposée à lui renouveler sa confiance, à proclamer même par décret qu'il l'avait méritée. Il conserva ses pouvoirs jusqu'au 9 thermidor.

Passons au gouvernement révolutionnaire, dont le comité de salut public fut l'organe et en quelque sorte le chef : les rapports et les décrets qui vont suivre le montreront dans son développement et dans sa force.

RAPPORT sur la nécessité de déclarer le gouvernement provisoire de la France révolutionnaire jusqu'à la paix; fait Saint-Just au nom du comité de salut public. Séance du 19 du premier mois (vendémiaire) de l'an 2 de la République. ( 10 octobre 1793. )

[ocr errors]

par

[ocr errors]

Pourquoi faut-il, après tant de lois et tant de soins, appeler encore votre attention sur les abus du gouvernement en général, sur l'économie et les subsistances? Votre sagesse et le juste courroux des patriotes n'ont pas encore vaincu la malignité, qui partout combat le peuple et la révolution : les lois sont révolutionnaires; ceux qui les exécutent ne le sont pas.

» Il est temps d'annoncer une vérité qui désormais ne doit plus sortir de la tête de ceux qui gouverneront la République ne sera fondée que quand la volonté du souverain comprimera la minorité monarchique, et régnera sur elle par droit de conquête. Vous n'avez plus rien à ménager contre les ennemis du nouvel ordre de choses, et la liberté doit vaincre à tel prix que ce soit.

>> Votre comité de salut public, placé au centre de tous les résultats, a calculé les causes des malheurs publics : il les a trouvées dans la faiblesse avec laquelle on exécute vos décrets > dans le peu d'économie de l'administration, dans l'instabilité des vues de l'Etat, dans la vicissitude des passions qui influent sur le gouvernement.

» Il a donc résolu de vous exposer l'état des choses, et de vous présenter les moyens qu'il croit propres à consolider la révolution, à abattre le fédéralisme, à soulager le peuple et lui procurer l'abondance, à fortifier les armées, à nettoyer l'Etat des conjurations qui l'infestent.

» Il n'y a point de prospérité à espérer tant que le dernier ennemi de la liberté respirera. Vous avez à punir non seulement les traîtres, mais les indifférens mêmes; vous avez à punir quiconque est passif dans la République, et ne fait rien pour elle : car depuis que le peuple français a manifesté sa volonté tout ce qui lui est opposé est hors le souverain; tout ce qui est hors le souverain est ennemi.

>> Si les conjurations n'avaient point troublé cet empire, si la patrie n'avait pas été mille fois victime des lois indulgentes, il serait doux de régir par des maximes de paix et de justice naturelle : ces maximes sont bonnes entre les amis de la liberté; mais entre le peuple et ses ennemis il n'y a plus rien de commun que le glaive. Il faut gouverner par le fer ceux qui ne peuvent l'être par la justice: il faut opprimer les tyrans.

[ocr errors]

» Vous avez eu de l'énergie; l'administration publique en a manqué. Vous avez désiré l'économie : la comptabilité n'a point secondé vos efforts; tout le monde a pillé l'Etat. Les généraux ont fait la guerre à leur armée. Les possesseurs des productions et des denrées, tous les vices de la monarchie enfin se sont ligués contre le peuple et vous.

» Un peuple n'a qu'un ennemi dangereux; c'est son gouvernement le vôtre vous a fait constamment la guerre avec impunité.

» Nos ennemis n'ont point trouvé d'obstacles à ourdir les conjurations. Les agens choisis sous l'ancien ministère, partisans des royalistes sont les complices nés de tous les attentats contre la patrie. Vous avez eu peu de ministres pa

« ZurückWeiter »