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pirent ces changemens d'opinions, & les chefs de la prétendue réforme en ont fourni l'exemple le plus frappant.

Je vais vous retracer dabord leurs variations perpétuelles fur les points de doctrine les plus effentiels. Enfuite je difcuterai ce qui concerne la liberté de l'homme, la juftification & le mérite des bonnes œuvres; ce font les points fur lefquels ils ont abandonné les principes de leurs fondateurs, & fe font rapprochés de ceux des catholiques.

Il eft conftant que les chefs de la prétendue réforme ont varié dans leur doctrine, fuivant que leur intérêt & la diverfité des circonftances leur a femblé l'exiger. On connoît l'excellent ouvrage de M. Boffuet, qui, après en avoir compofé plufieurs contre les prétendus réformés, ácheva de les confondre par celui qu'il intitula Hiftoire des variations des églifes proteftantes.

Voici quelques exemples de ces variations.

Luther avoit protesté jusqu'au moment de fa condamnation, par Leon X, qu'il fe foumettroit au jugement du faint fiege: en 1518, il dédia à ce pape, fon livre fur les indulgences, & dans fon épître dédicatoire, il lui affure qu'il obéira à fa voix, la refpectant comme celle de

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Jésus-Chrift même. Cependant au mois de Juin 1520, quand il fe vit condamné par le faint fiege, il publia un ouvrage portant ce titre: Contra execrabilem antichrifti bullam; Contre l'exécrable bulle de l'ante-chrift. Il le termina par cette déclaration: S'il m'excommunie, je l'excommunie à mon tour; & faifant mettre le feu à un grand bûcher hors des portes de Vittemberg, il y jeta la bulle du pape & tout le corps du droit canonique, en présence de plufieurs de fes difciples.

Sa vie fut toujours depuis marquée par de femblables variations.

Quand Muncer (a) entreprit de fa propre autorité de faire les fonctions de pafteur, Luther ordonna que, fans l'écouter, on lui demandát qui lui avoit donné le droit d'enfeigner? s'il répond que c'eft Dieu; il faut, dit-il, qu'il le prouve par un miracle manifefte: car c'eft par de tels fignes que Dieu fe déclare quand il veut changer quelque chofe dans la forme ordinaire de la miffion.

Cependant Luther prit bientôt après le titre d'ecclefiafte de Vittemberg par la grace de Dieu, & dans fa lettre aux fauffement nommés évêques (c'eft ainfi qu'il qualifie les évêques de l'églife catholique), il leur

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déclare que le titre qu'il fe donne, eft fa qualité: qu'il fe le donne lui-même, avec un magnifique mépris d'eux & de fatan. (a)

Il ajoute encore qu'il fe donne ce titre lui-même pour marque du miniftere auquel Dieu l'a appellé & qu'il a reçu non des hommes, ni par l'homme, mais par l'autorité de Dieu & la révélation de Jefus-Chrift

En vertu de cette prétendue miffion divine & extraordinaire, il faifoit tout à fon gré; il changeoit les cérémonies & les ufages de l'Eglife, il inftituoit, il destituoit jufqu'au point qu'il ofa, quoiqu'il ne fût que prêtre que prêtre, ordonner Nicolas Amrfdorf, évêque de Naumbourg, & foutint la validité de cette ordination parce qu'il avoit déja fait ce même Amrfdorf pafteur.

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Il avoit conftamment enfeigné, depuis qu'il s'étoit féparé de l'églife romaine, qu'il ne falloit pas prendre les armes pour la caufe de l'évangile, parce qu'il comptoit qu'il n'en auroit pas befoin contre le pape, & qu'il avoit plufieurs fois prophétifé, que fous deux ans la papauté feroit détruite. Cependant dès 1521, voyant que l'effet ne répondoit pas à fes prédictions, & qu'une ligue puiffante fe formoit dans l'Allemagne contre lui, il fit répandre de

(a) Luth, opera, tom. 2, fol, 305.

toutes parts un écrit par lequel il déclaFoit que, nonobftant ce qu'il avoit pensé jufques alors, on pourroit, dans des temps fi fâcheux, fe voir réduit à des extrémités où non feulement le droit civil, mais encore La confcience, obligeroit les fideles à prendre les armes & à fe liguer contre tous ceux qui voudroient leur faire la guerre, même contre l'empereur (a); & perdant enfuite toute retenue, il ofa lui-même fouffler le feu de la guerre, & exciter les peuples à laver leurs mains dans le fang du pape & des cardinaux; il fema de tous côtés des lettres furieufes contre le prince Georges de Saxe, quand la guerre fut fur le point de commencer. (b)

Ses variations fur la tranffubftantiation furent bien frappantes. Jamais il n'ofa combattre la préfence réelle de Jefus Chrift dans l'Euchariftie; mais il vouloit conferver la fubftance du pain avec le corps de notre Seigneur : en 1520 il difoit dans fon livre de la captivité de Babylone, je crois avec Wiclef que le pain demeure, & avec les Sophifles (c'eft-à-dire les catholiques) que le corps y eft: pour l'expliquer il difoit que le corps de Jefus Christ étoit dans le pain comme le feu dans un fer brûlant, ou comme le vin

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dans un tonneau. (a) Mais du moins if ne blâmoit pas la croyance des catholiques; dans ce même livre il disoit: Je permets l'une & l'autre opinion, j'ôte feulement le fcrupule. Et quand on lui reprocha qu'il laiffoit le pain dans l'Eucharistie, il répondit: Je ne condamne pas l'autre opinion: je dis feulement que ce n'eft pas un article de foi. (b)

Mais bientôt après dans fa réponse à Henri VIII, roi d'Angleterre, qui avoit réfuté fon livre de la captivité de Babylone, il dit : J'avois enfeigné qu'il n'importoit pas que le pain demeurát ou non dans le facrement; mais maintenant je transsubstantie mon opinion; je dis que c'eft une impiété & un blafphême de dire que le pain eft tranffubftantie: il eft vrai, dit-il dans fon livre aux Vaudois, qu'on ne peut dire fans erreur que le pain ne demeure pas, encore que cette erreur m'ait paru jufques ici peu importante: mais maintenant puifqu'on nous preffe de recevoir cette erreur fans autorité de l'écriture, je veux, en dépit des papiftes, croire que le pain & le vin demeu rent. Cependant quelques années après Mélancton fe plaignit dans une lettre rapportée par Hofpinien, que Luther avoit

) Lib. de captivit, Bab. tom, 2, fol. 66 (3) Ibid. fol. 172.

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