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fense dans un grand état continental avec les garanties de la liberté, qui est le véritable ordre public; si la Chambre pense que cette institution, coordonnée avec un système municipal, consoliderait la sécurité générale et particulière; si enfin, considérant les contradictions, les exceptions, les abus, les dépenses et les dégoûts du régime actuel, elle reconnaît que n'y pas remédier par une loi générale c'est évidemment vouloir que bientôt la garde nationale n'existe plus, et soit abandonnée en cas de danger à la nécessité d'une organisation spontanée, elle voudra bien ne pas repousser la proposition suivante :

» Présenter une adresse au roi pour supplier S. M. d'ordonner à ses ministres de porter à la Chambre, dans le courant de la session actuelle, un projet de loi sur l'organisation générale de la garde nationale. »

AVIS DONNÉ DE L'événement DU 13 FÉVRIER. DÉNONCIATION CONTRE M. DECAZES. -ADRESSE AU ROI.-PROposition des LOIS D'EXCEPTION, etc.

au 2 mars.)

CHANGEMENT DANS LE MINISTÈRE. ( Du 14 février

Séance du 14 février 1820.

La présentation du projet d'un nouveau mode d'élection devait avoir lieu dans cette séance; le nombre des spectateurs était considérable : toutefois ce projet, quoique annoncé depuis longtemps, quoique vivement attendu, n'occupait que faiblement les députés et le public; l'événement survenu pendant la nuit remplissait tous les esprits, contristait toutes les âmes. Au lieu de ce bruit confus qui annonce ordinairement l'affluence des assistans, partout règne un morne silence. La séance s'ouvre à une heure. Le président, qui s'est acheminé lentement au fauteuil, la démarche inquiète et les traits abattus, porte au bras le signe du deuil; il tient à la main un message cacheté en noir: les secrétaires, les ministres présens et plusieurs députés ont aussi un crêpe au bras.

A peine un secrétaire a-t-il fini la lecture du procès verbal de la précédente séance, qu'un membre réclame la parole, et prononce ce qui suit avec l'émotion de l'emportement :

M. Clausel de Coussergues. « Messieurs, il n'y a point de loi qui règle le mode d'accusation des ministres; mais il est de la nature d'une telle délibération qu'elle ait lieu en séance publique, et à la face de la France. Je propose à la Chambre de porter un acte d'accusation contre M. Decazes, ministre de l'intérieur, comme complice de l'assassinat de monseigneur le duc de Berry, et je demande à développer ma proposition. » SESSION DE 1819.

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A chaque mot prononcé par M. Clausel on reste étonné, stupéfait; lorsqu'il a cessé de parler une sourde agitation s'empare de l'Assemblée; bientôt le centre crie à l'ordre! M. Clausel en reprenant sa place semble s'être affranchi d'un poids gênant, et goûter une satisfaction intérieure; il répète plusieurs fois en s'adressant aux différens côtés de la Chambre: C'est mon opinion, messieurs! C'est mon opinion! (1) — Le président fait observer qu'en accordant la parole à M. Clausel il avait cru la lui donner sur le procès verbal dont on venait de faire lecture; il réclame le silence, l'obtient, et ajoute avec l'accent de la douleur :

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Messieurs, je vais remplir le plus triste devoir... (Sensation profonde dans toutes les parties de la salle) en donnant communication à la Chambre de la lettre que je viens de recevoir de M. le président du conseil des ministres. » ( Il lit.)

« Paris, le 14 février 1820.

» Monsieur le président, le roi me charge de la douloureuse commission d'annoncer à la Chambre des Députés l'exécrable attentat sous lequel monseigneur le duc de Berry vient de succomber ce matin à six heures.

» L'assassin, arrêté au moment où il venait de consommer son crime, est sous la main de la justice. Le roi compte trop sur le dévouement de la Chambre des Députés pour n'être pas convaincu qu'elle partagera avec la France entière sa profonde douleur, et tous les sentimens qui dans cette cruelle circonstance oppressent le cœur paternel de S. M.

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Agréez, M. le président, l'assurance de ma haute considération.

» Le ministre secrétaire d'état au département de l'intérieur, président du conseil des ministres. Signé le comte DECAZES.

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(1) Et c'était l'opinion, ou plutôt le moyen du parti qui avait résolu « d'arracher d'auprès du trône le ministre favori. » (Voyez plus loin M. Madier de Montjau. )

Libre à M. Clausel, libre au parti dont il était l'organe de s'applaudır d'un triomphe qui appelait sur la victime une sorte d'intérêt ; sentiment généreux que toujours on accorde aux grands coupables lorsqu'à de justes accusations viennent se joindre contre eux les préventions de la haine et de la vengeance.

Cet intérêt s'accrut encore lorsqu'on vit de simples individus adresser presque immédiatement aux Chambres des pétitions tendant aussi à faire mettre M. Decazes en état d'accnsation : l'une d'elles, signée Lejoyand, fut qualifiée par M. Lalli-Tollendal de tissu d'horreurs dégoûtantes mélées à des déclamations hypocrites. Ces pétitions contenaient en quelque sorte le développement de la proposition faite à la tribune.

MM. de la Bourdonnaye, de Castelbajac et le général Foy demandent aussitôt la parole; elle est donnée au pre

mier.

DISCOURS de M. le comte de la Bourdonnaye, député de Maine-et-Loire.

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Messieurs, ce n'est pas seulement pour payer un tribut stérile de larmes et de regrets au prince dont nous déplorons tous la perte que je prends la parole: si, comme Français dévoué à l'auguste famille des Bourbons, je pleure avec tous les amis de la monarchie la perte qu'elle fait de l'un de ses soutiens, et la mort d'un prince doué d'une grande énergie, enlevé à nos espérances au milieu de sa carrière par le plus noir et le plus profondément médité de tous les attentats; comme membre de cette Chambre, comme homme politique, je crois devoir vous présenter de plus hautes considérations en appelant vos pensées sur la source du mal, sur le principe de ce crime qui plonge la famille royale dans le deuil, la France dans la douleur, et tout homme d'état dans la consternation!

Oui, messieurs, dans la consternation! car quel esprit un peu élevé peut voir un citoyen obscur, sans haine personnelle comme sans ambition, porter une main parricide sur le descendant de nos rois, sur celui qui devait en perpétuer le sang, et cela dans la vue hautement avouée d'en tarir pour jamais la source, sans reconnaître dans cet horrible forfait le calcul d'une imagination exaltée par le fanatisme politique qui sape chaque jour les fondemens des trônes pour élever sur leurs ruines des pouvoirs nouveaux, dont une philantropie délirante va chercher la source dans la souveraineté du peuple, dans la puissance numérique de la multitude, dans le droit du plus fort, contre lequel tout contrat social fut rédigé, toute force publique instituée pour protéger le faible, et garantir tous les droits?

et

» A la vue d'un attentat aussi déplorable la première pensée d'un corps politique doit donc être de détruire dans son germe un fanatisme qui conduit à un résultat si funeste, parce que ce n'est qu'en enchaînant de nouveau l'esprit révolutionnaire, qu'un bras de fer avait longtemps comprimé, parce que ce n'est qu'en sévissant contre les écrivains téméraires enhardis par l'impunité, que vous arrêterez les productions scandaleuses et coupables qui échauffent toutes les têtes, fomentent des révolutions nouvelles, et excitent aux crimes les plus odieux.

» C'est par des mesures fortes et énergiques qui en préviennent le retour que les pouvoirs de la société doivent répondre

aux communications du gouvernement, et témoigner leur douleur.

» En conséquence je propose qu'il soit fait une humble adresse à S. M. pour porter au pied du trône l'expression de la douleur de la France, et qu'elle exprime au monarque la volonté fortement prononcée de la Chambre de coopérer avec énergie à toutes les mesures nécessaires pour comprimer les doctrines pernicieuses qui, sapant à la fois tous les trônes et toutes les autorités, attaquent la civilisation tout entière, et menacent le monde de nouveaux bouleversemens! » (A droite et au centre: Appuyé! Aux voix, aux voix.)

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PROPOSITION de M. le général Foy, député de l'Aisne.

« Messieurs, je viens demander qu'une grande députation de la Chambre soit formée pour se rendre auprès du roi, avec l'agrément de S. M., et lui présenter l'expression de notre profonde douleur ; et je ne doute pas que tous les membres de cette Chambre ne se réunissent à cette grande députation... (voix diverses: Oui, oui, sans doute!) pour présenter à notre auguste monarque, de la part d'un peuple fidèle, ce qu'il peut offrir de consolation à son âme paternelle après la catastrophe qu'un sort affreux vient de faire peser sur sa famille. Mais, messieurs, je demande que l'adresse que votre grande députation sera chargée de déposer au pied du trône soit tout entière consacrée à l'expression de votre douleur, et qu'il n'y soit question que des larmes publiques (mouvement improbateur à droite), que des pleurs que nous versons tous sur un prince regretté de tous les Français, regretté surtout par les amis de la liberté (mouvement d'approbation à gauche), parce que les amis de la liberté savent bien qu'on se prévaudra de cet affreux attentat pour chercher à détruire les libertés qui nous ont été données, et les droits que la sagesse du monarque a reconnus et consacrés. Je demande, sans entrer dans plus de développemens, que la grande députation soit formée, et, je le répète, nous irons tous l'accompagner auprès du roi! » (Approbation unanime.)

Le président rappelle les deux propositions qui ont été faites, et consulte la Chambre. Sur la demande de M. de Corbières, qui ne partage pas l'avis de M. de la Bourdonnaye, et qui appuie celui de M. le général Foy, il est décidé que la Chambre se réunira à l'instant dans ses bureaux, que les bureaux nommeront immédiatement une commission chargée de présenter, séance tenante, en comité général et secret, un projet d'adresse au trôue.

La commission fut composée ainsi : MM. de Corbières, Foy, Barthe-Labastide, Daunou, Lainé, Camille-Jordan, Becquey, Ternaux, Courvoisier.

Voici l'adresse, proposée, rédigée, discutée (1) et présentée au trône le même jour par une grande députation, à laquelle s'était joint un certain nombre des membres que le sort n'avait pas désignés pour en faire partie.

ADRESSE AU ROI.

Sire, nous n'essaierons pas de peindre l'horreur que cause à vos fidèles sujets de la Chambre des Députés l'attentat qu'a enfanté la dernière nuit. Nous venons mêler notre douleur à la douleur de Votre Majesté. Déjà la consternation répandue dans toutes les classes du peuple de cette capitale s'est jointe à l'indignation publique. En voyant qu'une main parricide a porté la mort dans le sein du prince que nous pleurons la France formera le vœu de voir resserrer les liens qui unissent le peuple français à votre auguste maison, sans laquelle ni la liberté ni la paix publique ne peuvent subsister.

» Mais Votre Majesté attend de ses fidèles sujets de la Chambre plus de force d'âme; le caractère du crime, les suites qu'il peut avoir, tout nous porte à penser que Votre Majesté veille au salut de son peuple, comme nous veillerons à la conservation de sa dynastie.

» C'est dans l'adversité surtout que les rois se montrent au-dessus des autres hommes. Persuadés que la grande âme de Votre Majesté surmonte sa douleur pour prévenir les conséquences d'un execrable forfait, nous sommes prêts à concourir avec autant d'énergie que de dévouement, dans l'ordre de nos devoirs constitutionnels, aux mesures que la sagesse de Votre Majesté jugera nécessaires en de si graves circonstances. »

Le roi a répondu :

« Je suis profondément touché de la part que la Chambre des » Députés prend à ma juste douleur. Je vois avec plaisir qu'elle » se dispose à concourir à mes vues dans cette grave circons

tance. Elle ne doit pas douter qu'homme par le cœur, roi » par devoir, je ne prenne les mesures propres à préserver l'Etat » des dangers dont l'attentat d'aujourd'hui ne m'avertit que » trop. »>

(1) C'est à la persistance des membres du côté gauche qu'on a dû que l'adresse contint cette phrase vers la fin dans l'ordre de nos devoirs constitutionnels.

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