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Dans le même temps paraît saint Martin, connu sous le nom de Saint Martin de Tours. Il båtit en 350 le monastère de Ligugé, près de Poitiers, pendant qu'il était encore sous la direction de saint Hilaire. Nommé évêque de Tours, il bâtit un autre couvent à une demi-lieue de sa ville épiscopale, où il rassembla quatre-vingts moines. Tout le travail de ces moines consistait à copier des livres aussi le monastère de saint Martin ne tarda-t-il pas à devenir une pépinière de savants et, par suite, d'évêques. Même avant la fin du siècle, il avait fourni des hommes célèbres: saint Héro, évêque d'Arles, Eusèbe, Sulpice-Sévère, Victor, saint Clair, le disciple chéri du fondateur, et saint Patrice, apôtre de l'Irlande. En même temps qu'elle portait de si beaux fruits, l'institution de saint Martin poussait au loin de vigoureux rejetons. A peine était-elle fondée, que déjà sortaient de son sein de pieuses colonies qui peuplèrent la Gaule de monastères, construits et dirigés sur celui de saint Martin, qui prit alors le nom de Majus monasterium, et depuis reçut celui de Marmoutiers.

Les monastères, fondés au moment où les Barbares allaient arriver, furent le salut des lettres. De l'institution des monastères date l'extension prodigieuse, universelle de la littérature chrétienne. Jusque-là, elle n'avait fait que s'établir dans les écoles, sans chercher toutefois à entrer en lutte avec elles. Au cinquième siècle, et simultanément à l'invasion franque, elle domine et déjà règne presque seule sur la société.

C'est en 400, le 11 novembre, que saint Martin mourut. Il était né à Sabarie, en Pannonie, vers 316.

Sulpice-Sévère était né en 363, dans l'Aquitaine, de parents distingués. Après plusieurs années consacrées avec éclat au barreau, il se rendit auprès de saint Martin, afin de se perfectionner dans la vie chrétienne. On croit généralement que Sulpice-Sévère embrassa l'état ecclésiastique, et fut ordonné prêtre. L'invasion des Vandales l'obligea de chercher un asile à Marseille, où il entra dans un monastère, et mourut vers 410.

Son histoire sacrée est le principal ouvrage que nous ayons de lui. L'élégance et la pureté de style de Sulpice-Sévère le mettent si fort au-dessus du siècle, qu'on l'a surnommé le Salluste chrétien: il avait pris, en effet, cet historien pour modèle.

Nous devons encore au même écrivain une vie de saint Martin de Tours; trois dialogues, l'un sur les vertus des moines d'Orient, et les deux autres sur la vie et les miracles de saint Martin de Tours.

Donc, au quatrième siècle, la littérature profane est en pleine décadence dans les Gaules, et la littérature chrétienne, au contraire se développe et donne des gages à l'avenir. Cette promesse, elle la tiendra; mais ce ne sera qu'après avoir subi la dure épreuve de l'invasion barbare, qu'elle reprendra son essor vers la haute destinée qui lui est réservée.

CHAPITRE DEUXIÈME.

Littérature dans la Gaule depuis l'invasion franque jusqu'à Charlemagne.

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Jusqu'à présent nous avons vu la Gaule soumise à la double influence de la littérature latine et de la religion chrétienne. Mais elle n'en resta pas là, elle en subit encore une troisième : ce fut celle de l'invasion des nations germaniques au commencement du cinquième siècle.

C'est alors que, sous le nom de Goths, de Burgundes et de Francs, les Germains, longtemps contenus par les armées romaines, firent enfin irruption sur le territoire gaulois. Les premiers, depuis longtemps établis sur les bords du Danube et en contact avec la civilisation romaine, étaient naturellement tout civilisés ; mais il n'en était pas ainsi des Burgundes, chrétiens ariens, et moins encore des Francs, qui n'étaient ni chrétiens, ni ariens, ni lettrés, mais païens et presque sauvages. Aussi, dès qu'ils eurent paru, dès qu'ils eurent subjugué les Goths et les Burgundes, la culture romaine cessa-t-elle complétement, il n'y eut plus que de la barbarie.

Il ne faut pas croire, cependant, que ces barbares n'aient été qu'un instrument de destruction et de ruine, qu'ils n'aient point jeté pour l'avenir des germes d'espérance sur le sol qu'ils ravageaient non, il resta d'eux, dans les idées et dans les sentiments, les qualités et les dispositions sociales qui ont concouru à

l'œuvre de la civilisation française au moyen âge; ils ont donné une vie nouvelle à des populations caduques qui tombaient en décrépitude; ils ont apporté chez nous les germes de l'esprit chevaleresque et de la féodalité; enfin « ils n'ont pas été seule<ment le marteau qui brise, ils ont été aussi la bêche qui remue la terre et la féconde, la herse qui l'écrase et fait lever la se« mence (1).»

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Les barbares amenèrent donc avec eux, sur le sol qu'ils conquirent, leurs idées, leurs sentiments, leurs mœurs et leurs usages; et cela est si vrai, que, même aujourd'hui, on en retrouve encore des traces. Cependant, tout en adoptant la langue de ceux qu'ils avaient vaincus, ils l'altérèrent; le peuple défait accepta quelquesunes des expressions du vainqueur : c'est ainsi qu'on retrouve certaines classes de mots tudesques. Longtemps même après l'invasion, les Francs avaient en partie conservé leur langage. Charlemagne et Louis le Débonnaire parlaient encore leur idiome national; le premier s'efforça même d'en faire, jusqu'à un certain point, une langue littéraire et scientifique. Le célèbre serment de 842 montre le dialecte teuton du Nord en présence des dialectes néolatins du Midi. Depuis lors, le premier ne paraît plus, et il ne reste de lui que les débris dont il a semé la langue française.

Mais ce n'est pas seulement dans notre langue que nous trouvons des traces de notre origine germanique, c'est aussi dans nos croyances populaires. Les Goths, les Burgundes et les Francs appartenaient tous à la religion d'Odin, et tous aussi étaient imbus des superstitions du Nord. Le christianisme eut bien pour effet de faire disparaître la mythologie germanique; mais il est certaines idées, certaines croyances qu'il ne réussit jamais à extirper entièrement: « c'est qu'une religion qui meurt laisse toujours derrière • elle son fantôme (2). ►

Parmi les croyances populaires qui nous sont restées des débris de cette mythologie germanique, nous devons placer au premier rang les follets ou lutins, les fées, les sorcières et les loupsgarous. « Les follets, en vieux français oberons, sont les mêmes • personnages que les elfs d'Allemagne, qui proviennent eux◄ mêmes, comme leur nom l'atteste, des alfs de la cosmogonie « scandinave. Les uns sont bons, les autres méchants; les uns

(1) Ampère.

(2) Ampère.

« blancs, les autres noirs; les uns esprits des ténèbres, les autres « esprits de lumière. Comme les alfs bons ou mauvais, blancs ou «noirs, le caractère des follets flotte entre le bien et le mal, c'est < un piquant et gracieux mélange de malice et de bonté : ils sont espiègles, moqueurs, et, en même temps, bienfaisants et secou«rables. Le roi des aulnes, de Goethe, qui tue, en le caressant, « un enfant dans les bras de son père, n'est pas autre chose que le roi des elfs (1).»

C'est encore aux traditions du Nord que nous sommes redevables de la croyance aux sorcières. Ce don, il faut l'avouer, est moins gracieux que le précédent. Ces sorcières sont évidemment les héritières directes des prophétesses des nations germaniques; comme ces dernières, elles connaissaient l'avenir et le prédisaient. Tournons maintenant nos regards vers des êtres plus gracieux et plus riants, vers ces fées si agréablement mêlées aux contes qui ont bercé notre enfance.

Leur nom vient du mot latin fatum. Cette appellation, abstraite d'abord, se personnifia ensuite et devint un être réel. Partout en France, la tradition populaire suppose un rapport entre les fées et les pierres druidiques. Les dolmens, en effet, s'appellent en beau. coup d'endroits, grottes aux fées. C'est donc à la langue latine que les fées doivent leur nom, tout en se rattachant à la Gaule par un vague souvenir des traditions druidiques. Ajoutons que leur substance, et pour ainsi dire leur corps, appartient aux traditions germaniques. En effet, les fées jouent chez nous, à peu de chose près, le rôle des nornes et des valkyries de la mythologie scandinave. Les fées, comme les nornes, viennent au berceau des héros et prédisent leur avenir; ou comme les valkyries, bonnes et gracieuses, elles protégent les guerriers qu'elles aiment.

Les loups-garous, si longtemps l'effroi des paysans, ont plus que les fées une origine exclusivement germanique. En Scandinavie, deux personnages de la race héroïque des volsungs se changent en gar-ulfs. De ce nom on a fait en français, suivant les provinces, gar-ou, guer-loup, voir-loup. Ce préjugé ridicule se rattache aux anciens mythes scandinaves, dans lesquels le loup tenait une grande place comme représentant le mauvais principe. Il y est fait allusion dans les législations germaniques, où il entrait beaucoup de mythologie; c'est ainsi qu'être mis hors la loi, c'était être fait loup (2).

(1) Ampère. (2) Ampère.

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