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breuse établie pour surveiller les tribunaux deviendrait peut-être le germe de projets désastreux pour la liberté. Philippe-le-Bel, par le moyen d'un conseil sédentaire, tenait le royaume dans l'esclavage. Où serait cette égalité tant vantée, s'il n'était donné qu'à un petit nombre d'hommes d'approcher du sanctuaire de la justice? Je passe aux inconvéniens d'un tribunal entièrement ambulant: il est plus abondant en erreurs et en dangers. Tous les publicistes ont regardé la permanence des tribunaux comme un progrès de la justice, et ce projet fait encore honneur à la mémoire de l'illustre d'Amboise. C'est là le moyen d'établir l'unité de principe et l'uniformité en jurisprudence. L'ambulance ne donne qu'un petit nombre de juges: dans les sections par assises, vous feriez annuler un jugement de douze juges par quatre. Un tribunal ambulant serait plus exposé aux sollicitations locales: cette forme serait peu propre à accroître l'esprit du juge. Le tribunal qui détruit un jugement doit avoir de la dignité dans sa composition et dans la forme de son travail.

En résumant les inconvéniens qui se trouvent de part et d'autre, j'aperçois qu'il faut prendre un parti qui participe des deux formes, et je vais vous offrir le plan que j'en ai conçu. Ecoutez-moi avec indulgence, vous me jugerez avec sévérité. Je propose de nommer 83 juges, dont un sera pris dans chaque département; 38 resteront auprès de la législature; 45 se distribueront dans les départemens et y formeront des assises. La partie ambulante écoutera les plaintes contre les formes des jugemens, et jugera si les demandes en cassation sont ou ne sont pas admissibles; elle demandera le motif des jugemens aux tribunaux d'appel. On me fera peut-être l'objection que j'ai déjà prévue, c'est-à-dire que ce serait livrer la cassation d'un jugement à un nombre de juges inférieur à celui qui l'aurait porté. A cela je réponds qu'on peut circonscrire leurs pouvoirs. Cet établissement a deux avantages particuliers: l'instruction sur les lieux, et le jugement sur la validité des demandes en cassation. Les sections ambulantes n'auront jamais cette uniformité de jurisprudence qui constitue l'ordre judiciaire; c'est pourquoi j'ai

proposé une section permanente, qui, par son activité et son harmonie, assurerait l'exécution des lois dans tout le royaume. M. de Clermont-Tonnerre. Pour résoudre la question, j'ai cherché à déterminer ce que c'est qu'un tribunal de révision. Un tribunal de révision est un régulateur dans le pouvoir judiciaire ; il prononce si le juge ne s'est pas écarté de la loi. Quels sont ses caractères? La constance dans sa doctrine, la profonde connaissance des lois, l'éloignement parfait des intérêts particuliers du justiciable. L'uniformité de doctrine est indispensable; les membres de ce tribunal doivent avoir une profonde connaissance des lois, parce que vous ne les avez pas encore simplifiées, parce que les juges n'auront plus cette jurisprudence d'arrêt, cet esprit de corps, qui, à côté de beaucoup d'inconvéniens, présentaient cependant des remèdes à l'ignorance. Pour que le juge soit parfaitement étranger aux justiciables, il faut interdire des approches du tribunal toutes les sollicitations; il faut que le juge ne connaisse que la loi et le jugement contesté. Voyons si ces caractères se concilient avec l'ambulance. L'uniformité, si difficile à trouver entre des hommes, exige qu'on réunisse toutes les circonstances; mêmes lieux, mêmes hommes, mêmes sources, comparaison des jugemens à rendre avec les jugemens rendus: tout cela est impossible par l'ambulance. On a cru pouvoir parvenir à l'uniformité, en conservant dans les sections des juges qui connaîtront des jugemens déjà rendus; mais une affaire de la même espèce pourrait dans le même temps être jugée différemment par deux sections. Il n'y aurait qu'un moyen, ce serait de faire voyager le tribunal entier: on ne l'a pas proposé et on ne le proposera pas. On a dit qu'il était nécessaire de rapprocher la justice des justiciables. Ce serait faire un présent funeste aux campagnes, que de leur donner trop de facilité pour se pourvoir en cassation. La justice gratuite est encore bien chère: les praticiens seuls s'enrichissent, et la ruine des plaideurs justiciables est souvent le terme des plaidoiries. Dans l'ancien ordre judiciaire, on avait établi des amendes, on avait créé des lois pour écarter des justiciables le bienfait empoisonné des appels et des cassations, Et vous qui avez

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découvert les abus de l'ancien ordre, on vous proposerait de les établir sans le remède qui les corrigeait! Je conclus à ce que le tribunal de révision soit sédentaire. Si vous voulez cependant une surveillance plus active sur les tribunaux, on pourrait créer des officiers ambulans qui recevraient les plaintes, et feraient leur rapport au tribunal de révision. Ils ne jugeraient pas, ou bien ils deviendraient comme les intendans, qui mirent l'injustice à la place de la justice, et vexèrent au lieu de protéger.

M. l'abbé Royer. Attaché par état au conseil du roi, je ne viens point cependant chercher à intéresser votre justice en faveur des magistrats sur le point de perdre leur état : quelque pénible qu'il soit pour eux de se voir dans l'impossibilité de remplir une carrière à laquelle ils avaient sacrifié leur fortune, ils savent trop ce qu'ils doivent à la révolution, pour ne pas s'y résigner. Éloignez donc tout soupçon d'intérêt personnel: un sentiment plus digne de vous et de moi m'attire dans cette tribune. Je suis étonné de voir mettre en question s'il sera établi un tribunal de cassation, si les juges de ce tribunal seront permanens ou ambulans, puisque cette fonction a toujours été attribuée au pouvoir exécutif, et qu'on ne peut lui ravir ce pouvoir, qui lui a été confié par la nation. Il est bien clair que ce tribunal ne doit être composé que de membres qui aient la confiance du roi. La demande en cassation n'est autre chose qu'un appel au prince: elle ne peut être inséparable de sa personne. Intimement convaincu que ce sont là les càractères qui doivent distinguer la Cour plénière (on murmure... on applaudit), je veux dire cour suprême: j'entends répéter si souvent autour de moi ce mot Cour plénière qu'il m'a échappé, J'ai examiné si le conseil d'État s'écarte tellement de ce mode d'organisation, qu'il ne puisse en tenir lieu.Tout ce qui est de matière contentieuse dans l'administration de la justice est de son ressort; il peut arrêter les provisions, reviser les jugemens criminels (on observe que ce n'est pas là l'ordre du jour). La formation du tribunal de cassation ne pourrait être séparée du roi sans altérer sa dignité. Vous l'avez établi pour veiller sur toutes les lois. Que deviendrait cette prérogative, s'il était permis de les enfreindre saus avoir rien à redou

ter de son autorité? Autrefois les rois rendaient la justice par eux-mêmes; l'étendue de leur empire les a obligés à déléguer ce droit; mais ils ne s'en sont pas totalement dépouillés, et vousmêmes, pour rendre hommage à ce principe, vous avez décrété que le pouvoir exécutif suprême réside entre les mains du roi (il s'élève de nouveaux murmures).

Je ne sais pas pourquoi on refuse d'entendre le seul membre du conseil qui soit dans cette assemblée, quand il ne demande qu'à faire connaître les règles usitées dans son tribunal. (On lui observe qu'il s'agit seulement de savoir si les juges du tribunal de cassation seront ambulans ou sédentaires.) C'est concentrer tous les pouvoirs dans le corps-législatif, que de s'arroger le droit de déterminer la manière dont sera composé le tribunal de cassation. Permettez-moi, Messieurs, de vous soumettre les règles constamment usitées au conseil. (On réclame l'ordre du jour de toutes les parties de la salle.) Comme membre du conseil, je croyais avoir qualité pour faire ces observations; mais puisque je trouve aussi peu d'indulgence dans cette assemblée, je me retire.]

SÉANCE DU 26 MAI.

[M. Garat l'aîné. Je n'envisagerai la question que dans le sens qui lui a été attribué dans la délibération. Diverses considérations ont été présentées; quelques-uns des opinans ont réclamé l'ambulance; d'autres la permanence; d'autres ont pris un parti moyen. D'après les lois constitutionnelles sur les divers pouvoirs, il me semble que la délibération ne doit pas être long-temps en suspens. Le but de ce tribunal étant le maintien des lois, il est évident qu'il doit se trouver à côté du roi et à côté du corps-législatif, qui a la surveillance sur tous les deux. Proposer d'admettre des sections ambulantes, c'est vouloir prendre des mesures contradictoires avec la constitution et avec la nature et le but de l'institution des tribunaux. Dans ce système, serait-il possible de maintenir l'homogénéité des diverses parties d'un empire aussi vaste? N'est-il pas évident que faire courir ainsi les juges, ce serait intercepter les correspondances qu'ils doivent avoir avec le monar

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que. J'ai entendu dire qu'en rendant ces tribunaux permanens, on courrait le danger d'une coalition avec les ministres, coalition funeste à la liberté publique; mais comment ne conçoit-on pas aussi des inquiétudes sur l'assemblée nationale, qui s'est déclarée inséparable du roi? Si le roi doit être le président né du tribunal de révision, comment ce tribunal serait-il ambulant? Il faut que le tribunal et le roi soient toujours voisins du corps-législatif; l'interprétation d'une loi doit prendre une force déclaratoire, et le roi doit sanctionner cette interprétation; voilà les principes établis par votre constitution. Je conclus et je dis que le tribunal de cassation doit, par sa nature, être placé près du roi; que le roi et le tribunal doivent résider près du corps-législatif, et qu'ainsi les systèmes de l'ambulance doivent être proscrits.

M. Chabroux. Je dois d'abord donner une idée de ce que j'entends par un tribunal de cassation. Ses fonctions consisteraient à réprimer les écarts des juges, à préparer aux législateurs les moyens de réparer les erreurs et l'insuffisance de la loi. Il faut encore avoir une idée de la manière d'agir pour exécuter la loi, Les fonctions des officiers de ce tribunal se divisent en deux parties, l'instruction et le jugement; ils doivent observer les formes et appliquer le précepte. Si les formes ont été observées, si l'application du précepte à été faite, il n'y a pas eu lieu à cassation. On ne peut donc examiner, dans ce tribunal, que deux choses, la forme de l'instruction et l'application de la loi. Si l'on fait entrer le fait dans l'examen, ce tribunal devient inévitablement un, troisième degré de juridiction. Ainsi les procès seraient interminables, ainsi ils ressembleraient à ces jeux de hasard, dont l'avantage des chances est toujours à celui qui continue le plus long-temps ses mises. D'après ces idées générales, je pense que les officiers du tribunal de cassation ne doivent point être appelés juges, mais plutôt inspecteurs de justice. Je pense qu'envoyés par sections, ils seront plus utiles à la constitution: un tribunal sans division serait trop dangereux pour la constitution; cette forme ne s'arrangerait pas avec la liberté et l'égalité. (M. Chabroux examine les divers plans proposés dans leur relation avec l'intérêt

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