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La lecture de ce mémoire excita les murmures du côté droit, et reçut d'ailleurs les plus grands applaudissemens.

L'assemblée ordonna qu'il fût imprimé, et le renvoya au comité des finances.

L'assemblée mise ainsi en demeure, commença à s'occuper presque tous les jours de finance. Le 11, elle entendit un rapport de Duport au nom du comité des finances, et le 12, M. de Montesquiou, rapporteur du même comité, vint lui présenter la critique du projet de Necker.

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[Le travail de M. Montesquiou est divisé en quatre parties: 1° des besoins de l'armée et des moyens d'y satisfaire; 2o de la question des billets d'état en circulation; 3° du comité de trésorerie; 4o de la situation des affaires en 1791, et du remplacement des impositions.

CHAPITRE PREMIER.

Le comité examine les besoins annoncés et les demandes du ministre. Il observe d'abord que la diminution de soixante millions sur les impôts indirects, pour les dix derniers mois de l'année, est exagérée : elle s'élevera tout au plus à 30 millions; ce qui réduit la masse des besoins à 264 millions; il faut encore défalquer 28 millions qui doivent être en caisse: ainsi il suffit de se procurer une somme de 226 millions. Parmi les moyens proposés, trois sont incontestables : la réduction des dépenses, les vingtièmes du clergé et la contribution patriotique, y compris les fonds remis directement à l'assemblée nationale; ce qui fait 69 millions. Ainsi, les besoins non assurés sont de 157 millions. M. Necker indique une accélération sur la partie des recouvremens des receveurs-généraux, évaluée à un douzième des impositions ordinaires; ce qui produit 15 millions. Cette accélération est très-praticable. Ainsi, le service entier de l'année se trouverait réduit à 142 millions. Le ministre propose quatre opérations qui paraissent très-différentes entre elles, et qui ont beaucoup d'analogie :

1o Le renouvellement des anticipations;

2° Un emprunt dans le cours de l'année;

3o Le paiement à l'amiable de deux semestres des rentes, en effets, pour épargner un paiement en argent de cinquante millions;

4o Le paiement des dépenses de 1790 en effets sur 1791. Ces quatre moyens de ressources montent à 270 millions, mais ne donnent annuellement au trésor public que 170 millions. On pourrait les réduire à 142 millions, somme réelle des besoins. Avant de faire un nouvel emprunt, on peut compter sur le supplément de l'emprunt de septembre: il doit être de 10 millions. Ne nous occupons donc plus que de 132 millions de besoins. Examinons maintenant les quatre opérations proposées. - Vous n'attendez pas que le comité vous parle des anticipations; il les croyait proscrites par vos décrets; elles ne le sont encore que par vos principes. Ce système facilite les déprédations, détruit la responsabilité, met le désordre dans l'administration; c'est à lui que la France est redevable de la position où se trouvent ses finances. Loin de vous proposer un renouvellement de 60 millions d'anticipations, nous vous présenterions plutôt un décret pour les anéantir entièrement. Il est de principe incontestable, que les anticipations sont le plus cher et le plus désastreux des impôts.

Le second moyen est un emprunt modéré, fait pendant le cours de cette année, dans un moment favorable, et sous quelque forme attrayante. Il n'y a d'attrait qu'un bénéfice considérable : l'emprunt de septembre offrait un intérêt de six et demi d'intérêt, et n'est pas rempli.

Le troisième moyen, relatif aux rentes, est plus facile et plus convenable; il faut en examiner le résultat. Le trésor public conservera bien cinquante millions; mais l'année prochaine il faudra payer les intérêts de cent cinquante millions d'effets, et le déficit se trouvera accru de sept millions cinq cent mille livres ; cet arrangement ne serait d'ailleurs utile qu'aux rentiers riches, parce que seuls ils pourraient consentir à recevoir les trois-quarts de leurs rentes en papier.

La quatrième opération consiste à payer en effets à terme, sur l'année prochaine, diverses dépenses de cette année : c'est bien la moins chère des anticipations; mais c'est toujours une anticipation, et le comité manquerait à vos principes et aux siens, s'il adoptait ce moyen, le moins fâcheux des quatre qui vous sont proposés.

Il est juste d'accorder le crédit éventuel demandé, et de vous confier pour cet objet à la sagesse du ministre.

Il faut donc, pour compléter le service de l'année, cent trentedeux millions. Parmi vos ressources, il en est une très-précieuse, très-importante, et qu'on réduit à un point inconcevable. Quoi! vous souffririez que l'Europe apprît que le quart du revenu du royaume, et que les efforts du patriotisme sont presque nuls! Non, vous ne le souffrirez pas. Permettez que nous vous présentions un calcul modéré, établi sur des bases certaines. Le quart du revenu, payable dans trente mois, équivaut à deux dixièmes et demi; ce qui fait un dixième par an. Vous savez ce que produit annuellement un dixième. Il sera encore accru par la contribution des privilégiés, par celle des rentiers, des capitalistes, du commerce, de l'industrie, et vous verrez ainsi se doubler la somme annoncée par M. Necker. Nous proposons d'adresser aux départemens une instruction sur les moyens de parer au retard qu'éprouve cette contribution, pour prévenir une négligence aussi coupable dans ses principes que funeste dans ses effets. Le succès de cette disposition diminuerait encore les besoins de cette année, et les réduirait à une somme extrêmement modique.

CHAPITRE II.

Des papiers d'état.

Peut-on employer des billets d'état? seront-ils dépouillés des inconvéniens du papier-monnaie par l'hypothèque spéciale qui leur sera donnée sur partie des biens du clergé et du domaine, et par l'intérêt qui y sera attaché? Le ministre les compare avec les billets de la caisse; il les croit également faciles à mettre en circulation. Mais n'est-il pas dangereux d'augmenter le nombre de ces billets? M. Necker pose la question; il part de la supposi

tion de trois cents millions à mettre en circulation. Si nous arrivions à diminuer cette somme, la question se présenterait d'une manière plus favorable. Nous n'avons à chercher que cent trentedeux millions; et si la caisse d'escompte n'a pas plus de cent soixante millions en circulation, la somme totale se trouverait de deux cent quatre-vingt-douze millions: ainsi l'émission trop considérable n'effraierait plus M. Necker. En novembre dernier, ce ministre proposait d'élever l'émission des billets de la caisse à deux cent quarante millions, et cependant il ne pouvait leur donner ni intérêt, ni hypothèque. Ce qu'il croyait faire en novembre dans une position moins favorable, ne pourrions-nous pas le tenter avec succès dans ce moment? C'est à cela que se réduit la question.

Les nouveaux billets d'état sont sans doute préférables; et puisque cette opération est inévitable, acquérons la certitude de faire face à nos besoins, et de nous délivrer de cette désolante inquiétude qui, tous les deux mois, vient mêler ses maux à tant d'autres.

Votre comité, après avoir balancé ces diverses considérations, a pensé qu'on pouvait prendre un parti qui dégageât à la fois et la caisse et le trésor public. Les assignats lui ont paru propres à rendre ce service : son opinion s'appuie sur celle de M. Necker ; il pourrait citer encore le vœu de la commune de Paris, qui, sans doute, aura des imitateurs, et rendra facile l'opération de la libération de l'Etat. Le comité propose donc : 1° de rembourser deux cent soixante millions à la caisse d'escompte en assignats portant cinq pour cent d'intérêt; 2° d'accorder à ces assignats la faculté de remplacer dans la circulation des billets de la caisse d'escompte, et d'être reçus, comme eux, dans toutes les caisses; 3o de faire verser au trésor public, par la caisse de l'extraordinaire, cent trente-deux millions, pareillement en assignats, pour le service de 1790. Les assignats peuvent rendre de grands services; mais le comité ne se dissimule pas qu'il faut que les biens sur lesquels ils seront hypothéqués soient absolument libres de toute hypothèque. Quand il sera démontré que la nation a entre

les mains de quoi satisfaire au traitement des ecelésiastiques, aux besoins du culte, à ceux des pauvres et aux dettes du clergé, sans toucher, aux hypothèques des assignats, ces effets seront, non du papier, mais de la véritable monnaie. Il faut donc faire des opérations préliminaires bien importantes, bien nécessaires. L'avis du comité est subordonné à ces idées.

CHAPITRE III.

Du comité de trésorerie.

Le premier ministre des finances a senti les difficultés de tout genre qui se présentent; il voit que l'administration des finances de l'année 1790 rassemble les inconvéniens du passé et ceux de l'avenir; il est frappé des obstacles qui s'élèvent entre les réformes à établir et les restes d'un ancien régime qu'il faut dé-, truire. Ces considérations ont fait naître à M. Necker, et adopter par le roi, l'idée d'un bureau de trésorerie, qui associerait quelques membres de l'assemblée nationale à ces grandes opérations.

Il est une exécution inséparable, en finances, du corps-législatif: c'est ce corps qui doit déterminer l'impôt, fixer les dépenses, etc. La législation, en finances, ne se distingue point de l'administration du trésor public. Vous savez quelle est en Angleterre l'utilité de la présence du ministre de la trésorerie au' parlement : il répond aux questions, il expose les principes et les détails; il fait pressentir les effets des opérations qui sont proposées. Mais M. Necker a été frappé de l'importance du décret qui vous lie; il a cherché à en combattre les motifs. Ce décret, auquel on vous propose de déroger, n'est pas le fruit d'un moment: vous aviez déjà, par les mêmes principes, éloigné les ministres de cette assemblée. Vous avez voulu que les murs de votre enceinte fussent une barrière insurmontable entre le centre du pouvoir et le sanctuaire de la loi. Ici notre constitution n'est pas encore faite; l'Angleterre a les mœurs d'un peuple libre; vous n'en avez encore que les principes, et vous en créez les lois. Des choix faits par la cour seraient faits par l'intrigue; la responsabilité cesserait d'être entière pour les ministres, si elle était partagée par des

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